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Remboursement de l’homéopathie : crise de foi au pays de Descartes
©AFP

Le buzz de Buzyn

Faut-il continuer de rembourser une pseudo-science objectivement inefficace parce que « les Français y croient » et qu’elle crée des emplois, quand la Sécu peine à financer les implants dentaires et le traitement du cancer ?

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Agnès Buzyn vient de forcer les amateurs d’homéopathie à gober quelques granules d’Oscillococcinum en leur causant un sacré coup de froid malgré la canicule. La ministre de la Santé, interrogée sur France Inter, a en effet laissé entendre que les performances réelles de cette médecine « alternative » seraient désormais évaluées scientifiquement, ouvrant la voie à son déremboursement.

En France, comme dans la plupart des pays européens, pour qu’un médicament soit pris en charge par la Sécurité sociale, il convient généralement d’en prouver le « service médical rendu ». L’homéopathie échappe pourtant à cette exigence, essentiellement parce que la science, lorsqu’elle se mêle d’en étudier l’efficacité, démontre invariablement qu’elle n’en a aucune. Ou alors pas davantage qu’un simple placebo.

Il y a bien quelques études farfelues qui assurent le contraire, mais il y a aussi des études qui disent que la prière est efficace et personne ne demande le remboursement des cierges ou des veilleuses pour autant...

Et de fait, les deux seuls arguments en faveur du remboursement n’ont pas grand-chose à voir avec la santé : le premier, c’est que les Français« y croient  », à l’homéopathie, et en sont pratiquement les plus grands consommateurs de la planète ; le second, c’est que le principal labo spécialisé au monde, Boiron, est Lyonnais, et qu’il emploie 2 500 personnes (il contrôle d’ailleurs Dolisos, l’autre géant du secteur).

Le sucre, c'est prouvé scientifiquement, ça nique les dents

Ce sont des arguments écoutables. Après tout, la Suisse, ayant elle aussi établi que les pilules de sucre ne soignaient rien du tout, a décidé de continuer à les rembourser au motif que ses citoyens, à l'instar des Français, y étaient attachés (en l’occurrence, ce ne sont pas les blouses blanches qui ont tranché, mais une « votation populaire »). Et la préservation de l’emploi dans un pays comme le nôtre, où le chômage est calé sur les 10 % depuis 30 ans, n’est pas non plus une donnée insignifiante (les Helvètes n'ont pas ce souci supplémentaire, OK..).

Il s'agit toutefois de dire s'il appartient à la Sécu de subventionner les fabricants de bonbons (et le sucre, c’est prouvé, ça nique les dents) quand elle peine déjà à prendre en charge les implants dentaires et le traitement du cancer. Et d'expliquer pourquoi, si l’homéopathie est remboursée au nom d’une simple croyance, ce statut dérogatoire ne s'étend pas aux spécialistes du reiki, du shamanisme, de l’aromathérapie, de la naturothérapie, de la réflexologie plantaire ou de la colorithérapie... Pour ne rien dire des coupeurs de feu et autres rebouteux auxquels de nombreux Français s’adressent tout aussi volontiers.

Car tous ces trucs-là aussi, des jobs, ça en crée… Plein. On ne compte plus les cadres licenciés qui, avec leurs indemnités, s'offrent une formation de « thérapeute non-conventionnel », posent une plaque en cuivre de diplômé d’une obscure web-university californienne sur la porte de leur immeuble, et remplissent leur salle d’attente de désespérés ou de naïfs.

Bref, la voix de la raison, au pays de Descartes, serait plutôt d'exiger qu’on se mette à financer 100 % des problèmes de dents et de vue (la science est formelle : les lunettes corrigent la myopie et les pivots en porcelaine règlent les problèmes de dents manquantes) mais qu’on arrête de raquer pour de la fleur de machin-chose diluée des milliards de fois.

Mais la voix de la raison, lorsqu’elle passe sur France Inter, a encore bien du mal à se faire entendre (pour le traitement des acouphènes, ça sera 3 granules toutes les 30 minutes de Colocynthis à 30 CH).

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