Freinage d’urgence au Parlement<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Le plafonnement de la hausse des loyers sera au coeur des discussions à l'Assemblée.
Le plafonnement de la hausse des loyers sera au coeur des discussions à l'Assemblée.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Chroniques parlementaires

L'Assemblée nationale examinera le 31 mai une proposition de loi de la majorité présidentielle pour prolonger de neuf mois, jusque début 2024, le plafonnement de la hausse des loyers à 3,5% pour les ménages et les PME, dans un contexte de forte inflation.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

Voir la bio »

Pour certains textes, le temps parlementaire peut être long. Pour d’autres, il peut être extrêmement rapide, et ressembler à un freinage d’urgence sur une route de campagne, pour éviter un obstacle. Mercredi 24 mai, en commission des Affaires économiques, son président, Guillaume Kasbarian, débute la réunion par une annonce un peu inhabituelle, ouvrant une séquence législative “express”.

Lors d’auditions, des députés ont été avertis qu’un mécanisme de plafonnement de l’augmentation des loyers pour les ménages et les PME, voté à l’été 2022, arrive à échéance au 1er juillet 2023. Potentiellement, dès le 2 juillet, des entreprises et des familles qui ne s’y attendent pas, peuvent se retrouver avec des augmentations de loyer substantielles, vu le niveau d’inflation que l’on connaît depuis 2022. Autant dire qu’un risque politique existe, de les voir débarquer dans les permanences de leurs députés. Sauf qu’une fois que le dommage a eu lieu, c’est compliqué de revenir dessus

Le Parlement a donc un mois, tout compris, pour prolonger le dispositif, qui doit absolument être au Journal officiel le 30 juin au plus tard.

Une proposition de loi a été déposée en urgence par un député de la majorité. C’est le seul vecteur possible, car un projet de loi nécessite des consultations obligatoires (par le conseil d’Etat notamment) et la rédaction d’une étude d’impact, alors que la proposition de loi est dispensée de ces formalités préalables. Le seul petit souci pourrait venir de la recevabilité financière, les propositions parlementaires n’ayant pas pas le droit d’augmenter les dépenses ou de baisser les recettes.

Par “chance”, cette disposition de plafonnement de l’augmentation des loyers, ne grève pas les finances publiques, puisqu’elle pèse uniquement sur les propriétaires. Il y aurait eu un mécanisme fiscal d’aide aux propriétaires, pour que l’Etat supporte une partie du coût, cela aurait changé la donne.

Bien évidemment, tous les outils d’accélération vont être déployés, et le gouvernement devrait rapidement engager la procédure accélérée. Alors que le calendrier parlementaire est déjà bien rempli, avec la loi de programmation militaire, on arrive quand même à trouver une petite place. Le texte, déposé le 23 mai, signalé aux députés le 24, sera examiné en commission le 30 mai, un mardi en fin d’après-midi (horaire assez inhabituel pour une réunion de commission) et en séance, le 31 mai ou le 1er juin.

La procédure parlementaire permet d’aller aussi vite, mais à condition que tout le monde soit prévenu et d’accord. Pas question de passer en douce, cela pourrait être sanctionné par le conseil constitutionnel, pour atteinte au principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires. C’est pour cela qu’en annonçant publiquement cet agenda très resserré, le président de la commission a précisé que cela s’est fait en lien avec les secrétaires généraux de tous les groupes politiques.

Tout cela ne peut se faire que si un consensus politique existe, car n’importe quel groupe est en capacité de gripper la machine, en déposant des amendements en nombre. Dans ces conditions d’urgence, pas question de toucher au fond. Le texte se contente de prolonger d’un an le dispositif, sans le changer. Il ne faut surtout pas ouvrir la boîte de Pandore, car le texte risque déjà de faire vivement réagir le secteur de l’immobilier et les associations de propriétaires, sur qui repose le coût de la mesure. Si on ouvre la porte à des ajustements, on ne tiendra jamais le timing.

Car après le passage par l’Assemblée, il faut renouveler l’opération au Sénat, et organiser une commission mixte paritaire. Si rien ne vient gripper cette belle mécanique, c’est parfaitement jouable. Pendant les crises terroristes ou sanitaires, on a réussi à faire passer des textes de lois autrement plus lourds, dans des délais très courts.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !