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Mais où sont donc nos 5,5 millions de fonctionnaires français ?
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Zone franche

Hôpital, école, fac, police... Pour un pays dont 25 % de la main d’œuvre salariée appartient à la fonction publique nationale ou locale, c'est à se demander comment une situation de sous-effectifs est possible. Mais ce n'est pas tout : petit tour d'horizon des incongruités de la semaine.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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« Ni-ni » au carré

On se fend la poire en assistant à l'embarras de l'UMP face à l'élection partielle du Doubs, ce « ni-ni » (ni PS, ni FN) rappelant surtout l'âne mourant de faim devant deux tas de picotin faute de pouvoir faire un choix, mais ça n'est guère charitable...

Le « ni-ni », de fait, est une authentique tradition française autrefois codifiée par François Mitterrandhimself et consistant à ne pas choisir entre la peste et le choléra (c'est une image, ne vous vexez pas si vous vous sentez concernés) au risque d'attraper les deux en même temps. D'ailleurs, et pendant que Sarkozy décide, depuis Abou Dhabi, de ne rien décider du tout, François Hollande choisit de ne rien choisir du tout au sujet des Grecs qui lui demandent son numéro de Carte Bleue pour faire un tour au distributeur automatique de billets de Francfort – histoire de ne s'aliéner ni Valls ni les frondeurs.

Le « ni-ni », c'est l'art de ne jamais trancher sur rien, de louvoyer mollement, de s'en remettre à sa bonne étoile en espérant que les choses tournent bien. Ou alors pas trop mal. Mais c'est rarement le cas.

Mais où sont donc nos 5,5 millions de fonctionnaires ?

Nos « ni-ni » sont rigolos, ou flippants, ça dépend du point de vue de l'observateur et de son humeur du jour, mais nos « French paradoxes » sont encore plus l'un et l'autre. Ainsi, comment est-il possible d'avoir deux fois plus de fonctionnaires que la plupart des pays comparables et de n'entendre parler que de sous-effectifs ? A l'hôpital, à l'école, à la fac, dans l'armée, à la Poste, dans la police, dans la recherche, dans les bibliothèques, dans les douanes, aux Finances, bref, à peu près partout, il manque toujours du monde pour faire tourner la machine quand 25% de la main d’œuvre salariée gauloise (5,5 millions de personnes au dernier décompte) appartient à la fonction publique nationale ou locale. Big mystère.

Cette semaine, les exploitants d'auto-écoles bloquaient le périph' pour protester contre la réforme du permis de conduire, mais s'insurgeaient notamment contre l'idée de renforcer le corps des inspecteurs en faisant appel à des facteurs et des flics. Je ne sais pas si c'est une bonne idée au plan pratique, et je m'en fiche un peu en fait parce que mon permis, je l'ai déjà, mais je trouve amusant d'aller piquer des types qui se plaignent de n'être pas assez pour les mettre là où ils assurent déjà manquer de bras. Il doit exister, quelque part, une sorte de triangle des Bermudes du rond-de-cuir ou ils s'évanouissent dès leur réussite au concours. Tiens, on devrait en recruter quelques milliers en plus pour partir à la recherche de leurs collègues disparus...

Averroès ou Ramadan, il faut choisir...

Je n'ai pas d'opinion tranchée sur ce que raconte ce prof de philo des pratiques internes du lycée musulman de Lille (en gros, l'établissement serait un repaire d'intégristes et d'antisémites et on s'y laverait les pieds dans les lavabos).

Après tout, jusqu'à plus ample informé, c'est parole contre parole et il doit bien y avoir des bahuts cathos ou juifs où c'est aussi du grand n'importe quoi. Mais une chose me frappe dans la tribune publiée dans Libé juste après la démission de l'enseignant : à la bibliothèque d'un lycée qui porte le nom du grand philosophe musulman rationaliste Averroès (1126-1198), on ne trouve pas un seul de ses bouquins quand les œuvres complètes des Ramadan brothers, Tariq et Hani, sont, elles, largement disponibles...

Ces deux loustics-là, notoirement éloignés du concept d'un islam des Lumières, n'auraient probablement pas été très copains avec Averroès, connu pour ses difficultés relationnelles avec les théologiens radicaux et littéralistes. Ce qui manque à toute cette affaire, c'est certainement une tribune des fondateurs du lycée nordiste sur les raisons pour lesquelles l'auguste penseur de la tolérance musulmane leur sert de raison sociale. On y verrait peut-être plus clair.

Photo de classe à l’Élysée

Tout le monde a certainement déjà vu, à l'heure qu'il est, ce surprenant reportage photo de l'Obs présentant la jeune garde des conseillers de François Hollande rejouant The West Wing sous les lambris de l’Élysée. Pour une opération de com loupée, c'est une opération de com loupée ! En fait de photo de classe, on a plutôt l'impression d'une photo de classes (lutte des)...

Bien sûr, on ne va pas faire semblant de découvrir que les palais nationaux sont remplis de jeunes gens modernes formés par les mêmes moules et à peu près interchangeables d'une majorité à l'autre, mais il est étonnant de les jeter à la figure du public avec une telle désinvolture. « Quoi, qu'ouis-je, qu'entends-je, qu'acoustiquais-je ! s'exclameront les retraités de l'éducation nationale qui forment le gros des lecteurs de l'hebdomadaire de Jean Daniel : ce sont ces boutonneux en costume trop grands pour eux et à l'air satisfait qui conseillent le président de la République sur la manière de faire évoluer mon point d'indice et de gérer la négo avec les Grecs ? »

Punaise ! On comprend mieux le « ni-ni », du coup...

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