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Hillary Clinton face au redoutable défi posé par Donald Trump avec son discours à l'investiture
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Rhétorico-laser

Jeudi, à Philadelphie, Hillary Clinton donnera son discours d’acceptation à la Convention démocrate. Il lui faudra répondre au véritable défi rhétorique que lui a lancé Trump dans son propre discours à la Convention républicaine. Un discours parfois surprenant.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Donald Trump n’est pas un grand orateur. Surtout dans un pays qui en compte tant dans son histoire de Lincoln à Reagan en passant par Roosevelt et Kennedy. Et plus encore si on le compare au Président en exercice, Barack Obama qui, sur ce point au moins, fait l’unanimité.

Mais Donald Trump est un orateur efficace. L’une des grandes règles de l’art du discours est qu’il n’y a pas de bon discours en soi mais seulement dans un contexte donné. Un bon discours est toujours le discours d’un moment.

Le discours d’acceptation (acceptance speech) du candidat républicain la semaine dernière aura été un tel discours.

Certes les médias « libéraux », comme on dit aux Etats-Unis, c’est- à- dire de gauche, s’en sont donné à cœur joie pour en relever les faiblesses : longueur excessive ; monotonie de la gestuelle, registre toujours proche de la vocifération, rythme haché et lassant. Absence surtout de storytelling personnel, comme les Américains adorent en dire et en entendre, sur les leçons de la vie, l’humilité du succès et l’apprentissage des échecs, avec confession publique obligatoire des erreurs passées, comme il sied à une culture puritaine.  Enfin, a-t-on partout écrit dans le crépitement immédiat des fact-checkers, affirmations discutables voire fausses dans un discours bourré de chiffres pour assurer la crédibilité jusque-là douteuse de l’orateur.

Oui, tout cela est vrai. Ou presque. Les affirmations de Trump sont parfois délirantes : comme lorsqu’il prétend que les Etats-Unis sont « l’un des pays les plus taxés du monde ». Les pauvres Français que nous somme savent ce que « taxés » veut dire… Ou lorsqu’il accuse Hillary Clinton de tous les mécomptes de la politique extérieure américaine depuis 15 ans. Mais pour le reste, et malgré les contorsions rhétoriques des fact-checkers pour prouver le contraire, Trump n’a pas donné le moindre chiffre faux. Il a juste « oublié » de les contextualiser et de citer ceux qui allaient contre sa thèse. 

Car la thèse, l’élément central du discours, était, elle, d’une clarté limpide : l’Amérique va très mal et c’est la faute d’Obama et des Clinton. Et elle va surtout très mal sur le plan de la sécurité (« law and order »), thème central, obsessionnel même, du discours. Des attentats contre la police au terrorisme islamiste en passant par les homicides quotidiens, Trump n’a cette fois rien « oublié », avec force pathos et storytelling. Choix délibéré, car sur le plan économique, il sait que l’Amérique va mieux avec Obama qu’avant. Et qu’elle se portait encore mieux sous Bill Clinton. Mais Trump a mis le doigt là où le bât blesse : la désindustrialisation du pays et la stagnation du revenu des foyers américains depuis 40 ans. Exactement la thématique de Bernie Sanders, à l’électorat duquel il a multiplié les appels du pied.

Comme il a habilement ciblé les groupes clefs de l’électorat démocrate. Ainsi de la défense des travailleurs noirs et latinos discriminés sur le marché du travail ; ainsi des noms à consonance espagnole et arabe cités parmi les victimes de la criminalité ; ainsi de la « protection » offerte aux LGBT, après la tuerie d’Orlando, LGBT qu’il a fait acclamer par la Convention ! De quoi surprendre chez un homme accusé de racisme et d’homophobie. Posture bien sûr, mais habile, car cette « triangulation » comme on dit, cet appel aux thèmes et à la clientèle de l’adversaire, est indispensable pour l’emporter, vu la composition de la population américaine, où les « petits blancs en colère », l’électorat premier de Trump, sont minoritaires. D’où aussi la création d’emblée d’un « nous » collectif (impératif de tout discours), comprenant d’abord l’ensemble des Républicains puis l’ensemble du peuple américain contre « l’égoïsme » de ses élites. Et au slogan des partisans d’Hillary (« I’m with her ») il a opposé un « I’m with you ! » bien trouvé.

Il est évidemment encore loin de convaincre, surtout ceux qu’ils brocardaient hier. Mais le resserrement des sondages montre que Trump a visé juste, quitte à en rajouter contre adversaire démocrate chargée de tous les « crimes » (sic). Tant le rejet d’Hillary est au moins aussi fort que celui de Donald.

Le défi pour cette dernière est donc clair et double. Dénoncer l’évidente brutalité narcissique de Trump ne sera pas la solution : elle devra d’abord proposer un message d’union fort et crédible à un peuple américain si divisé ; elle devra surtout briser sa propre image d’arrogance et d’affairisme qui menace un succès promis il y a encore 6 mois.

Il est vrai qu’elle y sera aidée par deux renforts de poids : Michelle et Barack Obama. Il se pourrait bien que le vrai grand discours de la convention démocrate soit encore dû au président en exercice…  

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