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Décathlon et le hidjab de running : le voile reprend un peu de vapeur
©KHALED DESOUKI / AFP

B'Twin à roue voilée

On a déjà tellement tout dit sur le voile depuis 1989 que j’ai presque honte de redire ici ce que j’avais déjà dit ailleurs : c’est un accessoire de bigots sexistes mais dans une démocratie, on a le droit d’être un bigot sexiste et de s'habiller comme on veut.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Je ne risque pas de boycotter Décathlon. L’alternative, c’est Go Sport, et ce serait un peu comme abandonner Burger King pour McDo ou le Coca Zéro pour le Pepsi Max (oui oui, je sais, mes analogies ont l’air grotesque, mais je suis un sportif qui mange et boit n’importe quoi).

Je ne vais pas boycotter Décathlon, donc, parce que c’est une excellente chaîne de magasins où j’achète mes T-shirts, mes baskets et mes vélos, mais je vais tout de même lui faire un poil la gueule parce que je pense qu’il nous prend gentiment pour des cons.

Oh, pas parce qu’il s’est mis à vendre des hidjabs de running, ça, je n’y vois aucun inconvénient. Si des meufs ont vraiment envie d’aller courir avec des cagoules de ski en pleine accélération du réchauffement climatique, grand bien leur fasse…

Non, je vais lui faire un poil la gueule pour sa participation faussement innocente à ce nouvel épisode du débat stérile sur le voile islamique en France, forçant les uns et les autres à ressortir les mêmes arguments fatigués par pure stratégie marketing. Et je n’ai rien contre les stratégies marketing per se. C’est dans la nature du business après tout. C’est juste cette stratégiemarketing spécifique qui me gonfle.

Car enfin, si en 2019, trente ans ans après l’affaire de Creil, on n’a toujours pas compris que :

1) le voile n’est pas interdit. C’est juste la burqa à l’afghane ou le niqab à la saoudienne qui le sont. Le voile, on a le droit de le porter en courant, mais aussi en marchant ou même en sautillant ou en rampant. C’est juste de le mettre pour aller à l’école ou bosser dans un service public laïque et républicain qui n’est pas permis ;

2) jusqu’à une certaine époque, il y avait des tas de françaises musulmanes qui ne le portaient pas et vivaient très bien leur foi (sans crise, quoi) quelles que soient leur vitesse et leurs préférences en matière de mode de déplacement. Sa propagation récente est le fruit d’un travail militant fondamentaliste dépassant les frontières de la France.

Si l’on n’a pas encore compris ça, on ne comprendra sans doute jamais rien à rien. Et je ne ferais pas l’insulte à Décathlon de ne rien comprendre à rien ou il n’aurait jamais inventé les Rockrider et les tentes de camping qui s’ouvrent toutes seules.

Pour autant, et puisqu’on est forcé par sa boutique favorite à répéter les mêmes trucs inlassablement, répétons-les : dans un pays démocratique, on ne saurait interdire à qui que ce soit de s’habiller comme il le souhaite même si c’est moche (cf. mes T-shirts premier prix de chez le fournisseur sus-cité) ou sujet à caution sur le plan philosophique (un bomber de skinhead, un pull à l’effigie de Che Guevara…).

Mais dans le même pays démocratique, on a aussi le droit de donner son avis sur le signifiant implicite d’un vêtement porté comme un étendard sans pour autant être moqué ou renvoyé à cette célèbre « fachosphère » aux contours à géométrie variable. A savoir que :

1) ne porter que des T-shirts Décathlon est la marque d’un grand manque d’intérêt pour la mode et l’élégance ;

2) s’habiller en skinhead est la preuve que l’on est très très très à droite ;

3) faire la promo de Che Guevara sur son pull est la preuve de son incapacité à distinguer un fanatique totalitaire d’un chanteur de rock ;

4) porter le voile, même volontairement, même sans y être forcée par un barbu, est un truc de première de la classe musulmane « bien comme il faut », de bigote entérinant le renvoi de la femme à un statut de sexe sur pattes et de pharisienne ostentatoire méprisant les gourgandines qui préfèrent se balader tête nue.

Mais bon, on l’a vu, je vais continuer à acheter mes affaires de sport au même endroit. Je ne suis pas rancunier. J’aimerais juste qu’il se mette aussi à vendre des jugulaires pour passoires de sport. J’ai un ami pastafarien qui se plaint de ne pas pouvoir courir avec la sienne car elle n’arrête pas de glisser... Ça, ça serait une belle preuve d'ouverture oecuménique !

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