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Les blogs italiens révèlent des indices sur le polar maritime qu'est le naufrage du Costa Concordia
Les blogs italiens révèlent des indices sur le polar maritime qu'est le naufrage du Costa Concordia
©Reuters

Revue de blogs

Les blogs italiens révèlent déjà des indices sur le véritable polar maritime qu'est la catastrophe du Costa Concordia, naufragé sur l'ile de Giglio. Témoignage des employés, conversations radio, et opinions sur ce nouveau tourisme de masse, commencent à faire émerger ce qui peut arriver quand la "movida" des croisières percute la réalité.

Le témoignage d'un membre d'équipage

Un commentaire sous un article du site italien Il Post, laissé par une membre de l'équipage du Costa Concordia, visiblement à bout de nerfs et ulcérée par les premiers commentaires des médias italiens, a été republié plus de mille fois sur le web italien :

"Malheureusement, je n'ai plus ma plaque d'identification pour la photographier, parce que je l'ai perdue dans l'eau, avec mon appareil photo ! Je suis Katia Keyvanian, GSM, je me suis embarquée le 13/1 pour remplacer une collègue sur le Concordia. J'écris seulement deux lignes, parce que j'ai un train à attraper pour rentrer chez moi ! Je voudrais tant être invitée chez Giletti, Mentana, Vinci [animateurs de télévision italiens] et chez tous les autres journalistes qui, sans aucune connaissance, sans avoir vérifié leurs sources et les dernières informations écrivent et disent des IDIOTIES !!! [...].

Nous avons évacué dans le noir, avec le bateau échoué sur le flanc, 4000 personnes en moins de deux heures !!! Des incompétents ne sont pas capables de faire ça. Ce n'est pas vrai que le commandant est descendu le premier, j'étais sur le dernier canot de sauvetage, et lui était au bastingage du pont 3, pendant que le bateau s'enfonçait. HONTE A VOUS JOURNALISTES INCOMPÉTENTS qui avez écrit qu'il était descendu du bateau le premier ; j'étais sur le canot et pendant qu'on s'éloignait, on risquait d’être écrasé sous les parois du bateau qui s'enfonçait et allait écraser le toit de notre canot. Nous avons tiré à bord du canot un tas de passagers qui avaient fini à l'eau, et pendant qu'on déshabillait une fille trempée pour la mettre dans une couverture de survie, moi avec une corde autour du poignet pour tirer, un type a pris une photo !! HONTE A VOUS ! Nous avons dû gérer un troupeau de moutons affolés, et ils viennent nous dire que nous avons été incompétents ??? HONTE A VOUS. J'étais allongée par terre pour faire embarquer des personnes qui se piétinaient, qui hurlaient, l'une après l'autre dans les canots, et je vois un type grand et gros avec une cigarette au bec. Quand je lui ai dis : " Mais qu'est-ce que vous foutez, fumer dans cette situation, inclinés, dans le noir, avec le carburant qui pourrait s'échapper", sa réponse a été : "J'en ai besoin pour mon stress" !!!!! J'ai juste un mot à rajouter, avant de rater mon train. Nous nous sommes défoncés pour les clients, pour les mettre en sécurité, s'ils sont saufs, c'est grâce à nous, tout l'équipage, qui a tout fait. Nous ne voulons pas de remerciements, NON, nous avons fait seulement notre devoir, mais nous ne voulons pas non plus entendre toutes ces imbécilités, mensonges, juste pour avoir un scoop, ou remplir une émission. 4000 PERSONNES EN DEUX HEURES DANS LE NOIR... ET [dans un bateau] INCLINÉ EN PLUS, NOUS LES AVONS RAMENÉS, NOUS, LE STAFF DU CONCORDIA, A TERRE, ils ne sont pas descendus sur la plage tous seuls avec le seau et la pelle en plastique !!!! Je profite de l'occasion pour remercier tous les habitants de l’île de Giglio, et aussi le maire, qui est monté à bord pour évaluer la situation (ne sachant pas qui il était, je l'ai réprimandé pour ne pas avoir mis son gilet de sauvetage), je remercie du fond du cœur tous les habitants de l’île qui ont tout fait pour nous aider, pour nous tous, en donnant des couvertures colorées, faites au crochet, en cherchant de quoi charger les téléphones portables, et tout le reste. Merci à eux. Ah, j'oubliais... Aux autres, je dis HONTE A VOUS"

Vidéo promotionnelle sur la sécurité à bord des bateaux de croisière Costa
(sur le canal du média citoyen You Reporter)

Les conversations radio entre la capitainerie du port et le commandant

Le site Il Fatto Quotidianno a publié en exclusivité un récapitulatif des communications radio entre la capitainerie de Livourne, alertée par un passager, et le commandant durant la nuit. Ces quelques échanges épaississent encore le mystère autour du rôle du commandant, laissant presque supposer qu'il ne pouvait plus ou ne voulait plus être maître à bord, pour des raisons encore inconnues.

Selon l'article, à 21H49, la capitainerie prend contact avec le bateau : " Concordia, tout est ok ?" Le Costa Concordia répond : "Affirmatif. Nous avons seulement un petit ennui technique". 5 minutes plus tard, après l'appel passé du bateau par un passager qui prononce le mot naufrage : "Concordia, on voudrait savoir si tout va bien". Le Concordia répond : "Seulement un problème technique". Selon les premières dépositions de la capitainerie et des gardes-côtes à la questure, après des heures de silence du Costa Concordia, motivées par les opérations de secours, le contact est rétabli.

A 0h42 la capitainerie demande : "Combien de personnes doivent débarquer ?". Le commandant répond : "J'ai appelé l'armateur, et ils me disent qu'il manque une quarantaine de personnes". "Comment c'est possible, si peu de personnes ? Mais vous êtes à bord ?". "Non, je ne suis pas à bord, parce que le bateau s'est couché, nous l'avons abandonné". "Comment ? Vous avez abandonné le navire ?". "Mais non, je ne l'ai pas abandonné, je suis ici".

A 1h46 du matin, lors du troisième échange, la capitainerie prend les choses en main. "Alors, maintenant, vous allez remonter à bord avec l'échelle de corde, vous allez aller à la proue et vous allez coordonner les secours". Silence radio. L'officier insiste. "Vous devez me dire combien de passagers, de femmes et d'enfants il y a, et coordonner les secours". Le capitaine : "Je suis à bord. Mais je suis là". "Commandant, ceci est un ordre, maintenant, c'est moi qui commande, vous avez déclaré l'abandon du navire et vous allez coordonner les secours à la proue. Il y a déjà des cadavres". "Combien?". "C'est vous qui devriez me le dire. Qu'est-ce que vous voulez faire, rentrer à la maison ? Maintenant, vous allez remonter, et me dire ce qu'il est possible de faire, combien de personnes il y a et de quoi elles ont besoin". "D'accord, j'y vais". L'article conclut qu'au lieu de remonter sur le navire, le capitaine aurait quitté le port de Giglio à bord d'un taxi.

Une movida flottante

Le blog collectif Furia Cervelli a publié le point de vue Sergio Bologna, auteur d'un livre sur "Les multinationales des mers" sur ce qu'il surnomme "'la movida obscène" des croisières.

"Ce n'est pas tant un problème de formation du personnel, de contrôle des équipements, de compétence de l’équipage, c'est avant tout la culture de la Movida qui entraîne certains comportements irresponsables. Un bateau de croisière est une movida flottante obscène, qui, à la différence de celle qui a dévasté des villes comme Barcelone, entraîne avec elle des vieux et des enfants, des femmes enceintes et des nonnes, des paralysés et des malades chroniques, tous agglutinés dans l'insouciance et le shopping, avec des cabines conçues pour être exiguës afin que les passagers en sortent pour aller consommer. Les revenus de l'armateur proviennent tout autant du shopping a bord que des billets de la croisière.

Et puis, l'esprit de la "movida" est celui qui fait s'approcher dangereusement ces monstres des côtes les plus belles, des eaux protégées des rares réserves sous-marines. Ceux qui habitent à Camogli (Ndr : en Ligurie, près de Gênes) et dans les environs sont désormais habitués à voir les bateaux de croisières sortir du port de Gênes et faire route directement sur le parc maritime de Punta Chiappa, et y passer en effleurant les bouées faites pour les canots et les hors bords. Quand ils entendent les sirènes, les gens du pays disent : "Les commandants sont de Camogli et c'est la tradition qu'ils viennent saluer leur femme et leur maman".

Au début, j'y croyais, et je répétais ces bêtises quand les baigneurs s'inquiétaient de voir s'approcher ces monstres, mais aujourd'hui, je sais que ce n'est pas vrai. Pourquoi les grands navires de croisière passent dans le canal de la Giudecca à Venise ? Pour permettre aux passagers de prendre une photo de la place Saint Marc depuis le bassin. Il parait que cette "expérience" a elle seule rend la croisière valable. Autrement, pourquoi les tours opérateurs menaceraient-ils de boycotter Venise si leurs bateaux ne pouvaient plus passer par le canal de la Guidecca ? Il était trop tard pour prendre des photos de l’île de Giglio. La "movida" était déjà à table dans les restaurants. Mais la "movida" seule ne peut pas expliquer les modalités de l'accident. Un facteur structurel est ce gigantisme naval. Pourquoi construisent-ils des navires de mille tonnes, capables de d'embarquer jusqu’à 6 000 personnes ? Pour réduire les coûts, point à la ligne. [...] Et le gigantisme en soi est une pure folie, parce qu'il alimente un cercle vicieux. [...] Actuellement, des bateaux commandés sont en construction qui font 18 000 TEU ; pour entrer dans un port, il ont besoin d'eaux profondes. Demandez au dirigeant de n'importe quel port en Italie [...] quels sont leurs investissements les plus importants actuellement, et ils vous répondront : draguer les fonds."

(Cliquez sur l'image pour agrandir)

En vert, la route du Costa Concordia, en orange, la route habituelle des bateaux. Les hauts fonds sont cerclés de rouge (carte du blog Demata)

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