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L'appel des 42 personnalités musulmanes contre l'islamisme : les juifs, victimes ou "truchement" ?
©Reuters

Peut mieux faire

Un appel à "la responsabilité des musulmans de France", signé par une quarantaine de personnalités, fait curieusement l'impasse sur l'une des cibles principales du djihadisme en France. Ici comme ailleurs, le diable est dans le détail.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Je l'ai trouvé plutôt pas mal, cet appel d'une quarantaine de personnalités musulmanes à "assumer leurs responsabilités" dans le JDD d'hier. Le rabâché "pas d'amalgame" a beau rester on ne peut plus légitime, les Français musulmans n'étant pas plus collectivement concernés par le terrorisme islamiste que l'ensemble de la classe politique n'est comptable des turpitudes d'un Balkany ou d'un Guérini, on trouverait étrange qu'ils le soient encore moins que le reste de la population...

A tort ou à raison, les théologiens trancheront, les types qui mitraillent les terrasses de restaurants ou égorgent dans les églises se réclament de l'islam. Il revient alors, effectivement, aux musulmans de "prendre la parole en tant que tels", de "répondre à l'interpellation : mais où êtes-vous, mais que faites-vous ?", toute "paradoxale" qu'elle soit dans un pays où "la religion est une affaire privée".

Les signataires appellent donc de leur vœux, en écho à Manuel Valls, s'exprimant d'ailleurs dans le même numéro du JDD, une refondation de l'islam en France passant par le remplacement de responsables communautaires dépassés, la protection des jeunes de l'influence des idéologues djihadistes, le financement transparent des mosquées, et une formation de qualité pour les imams. Ils parlent même de mener une "bataille culturelle contre l'islamisme radical".

On aura toutefois du mal, à la lecture de l'énumération des différentes catégories de victimes françaises des terroristes ("Après l'assassinat de caricaturistes, après l'assassinat de jeunes écoutant de la musique, après l'assassinat d'un couple de policiers, après l'assassinat d'enfants, de femmes et d'hommes assistant à la célébration de la fête nationale, aujourd'hui l'assassinat d'un prêtre célébrant la messe…"), à ne pas remarquer la disparition des cibles juives. A ne pas s'interroger sur l'absence surprenante de la moindre référence à l'école Ozar Hatorah de Toulouse ou à l'Hypercacher de Vincennes.

Pas plus psychanalyste que théologien, je ne me permettrai pas de gloser sur la raison profonde de cette omission même si Freud, dans Psychopathologie de la vie quotidienne, a tendance à attribuer ce genre d'impair à du "refoulement". Je me laisserai pourtant aller à trouver un poil leste l'explication fournie, sur Facebook, par l'un des signataires : parler des caricaturistes servirait de "truchement" à l'évocation des victimes juives. CQFD.

Dissertant un jour de la Deuxième Guerre mondiale, Jean-Marie Le Pen avait qualifié l'extermination des juifs de "détail de l'histoire", l'antisémitisme des nazis tenant pour lui du banal épiphénomène. Par analogie, la haine anti-juive des djihadistes mériterait sans doute d'être approchée avec davantage de considération par ces réformateurs vraisemblablement sincères. C'est que la distance semble bien courte du "truchement" au "détail"...

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