Scandale Orpea : la majorité présidentielle a voulu le « mettre sous le tapis » avant l’élection présidentielle, selon Victor Castanet

Le journaliste Victor Castanet publiece mercredi une nouvelle version de son livre « Les Fossoyeurs », une enquête sur les dérives au sein du groupe Orpea.

Parmi les nombreuses nouvelles révélations de cette version enrichie de l'ouvrage, les enquêtes administratives après le début du scandale Orpea en 2022 ont été menées « avec une précipitation préjudiciable », la majorité présidentielle tenant à « mettre ce sujet sous le tapis » avant les élections présidentielles, selon Victor Castanet. 

Les Inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) ont commencé leur travail deux semaines après la révélation publique du contenu du livre. La direction du groupe d’Ehpad privés « a eu le temps de faire le grand ménage » avant leur visite, déplore le journaliste dans son ouvrage.

Selon Victor Castanet, des émissaires de la direction du groupe Orpea ont effectué des « descentes » dans certains Ehpad « pour mettre les choses au carré », ou pour effacer des données « compromettantes » au sein de l’entreprise - accusée dans les « Fossoyeurs » d’avoir mis en place un système d’optimisation de ses profits au détriment du bien-être de ses résidents et salariés.

L’un des inspecteurs administratifs a confié à Victor Castanet n’avoir pas eu assez de temps pour travailler.

Le ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe, a rejeté mardi ces accusations. 

« C’est la première fois que j’entends dire que les enquêtes de l’IGAS et de l’IGF ont été bâclées. La réponse de l’Etat au scandale a été puissante », a-t-il confié à des journalistes. 

Victor Castanet estime qu’une « partie de la Macronie voulait mettre ce sujet sous le tapis afin de préserver le président de la République en route pour un second mandat ». Emmanuel Macron « a conscience que sur ce sujet, il n’a pas de bilan » car il a « sans cesse repoussé » une loi « grand âge » promise dès 2018, mais finalement abandonnée, a indiqué le journaliste ce mercredi sur France Inter.

Il y a un an, Victor Castanet révélait dans « Les Fossoyeurs » des dysfonctionnements, notamment au sein de l’Ehpad de Bordeaux-Caudéran La Chêneraie. Depuis, l’établissement a fait évoluer ses pratiques.

Dans les nouveaux chapitres de son ouvrage, Victor Castanet raconte par ailleurs avoir eu l’impression, en avançant dans son enquête, d’avoir « mis les pieds dans un nid de vipères ».

Victor Castanet confie que l’ancienne direction d’Orpea avait mandaté, avant la parution du livre, des « sociétés d’intelligence économique » pour se renseigner sur ses sources et son enquête, afin d’en « contenir l’impact ». 

Dans sa version augmentée de son livre, le journaliste dénonce l'inaction des pouvoirs publics face aux révélations du scandale Orpea.

Depuis sa sortie en janvier 2022, près de 170.000 exemplaires de l'ouvrage ont déjà été vendus. Cette nouvelle version contient dix chapitres supplémentaires qui racontent les obstacles qui ont accompagné la sortie du livre, décryptent les méthodes du groupe Orpea et reviennent sur l’abandon d'une loi « grand âge » par les pouvoirs publics.

Avant même la sortie de son enquête, le journaliste s'était inquiété des fuites de son ouvrage. Un homme se disant journaliste aurait tenté de récupérer le livre auprès de sa maison d'édition, Fayard. 

Selon Victor Castanet, « des acteurs influents ont manœuvré dans l'ombre. Des sociétés d'intelligence économique ont été missionnées. Des journalistes ont même prêté leur concours à cette étrange partie d'échecs souterraine ».

La veille de la sortie de l'ouvrage, l'agence de communication Image 7, qui travaille pour Orpea, a commandé un sondage sur le bien vieillir et l'a médiatisé pour tenter d'atténuer l'impact des Fossoyeurs. 

Après la sortie du livre, Image 7 a conseillé à Orpea d'opter pour une stratégie de « dénégation » dans un premier temps, selon Victor Castanet. 

Son enquête a aussi été pointée du doigt dans le cadre de l’émission « Touche pas à mon poste » de Cyril Hanouna. Un sondage avait été lancé par l’animateur sur les réseaux sociaux pour demander si « oui » ou « non » ces « accusations » contre Orpea étaient « infondées ». Plus de 70% des votants ont estimé qu'il s'agissait d'«accusations infondées». 

Cyril Hanouna avait finalement annoncé quelques jours plus tard que le sondage avait été manipulé malgré lui. Une société spécialisée dans l'achat de « likes » et de « followers » aurait été recrutée par un grand groupe d'Ehpad pour faire évoluer le résultat du sondage.

La majorité des députés La République en marche, à l'époque, a également bloqué la constitution d'une commission d'enquête parlementaire. Seule Annie Vidal, députée de la majorité s’est engagée pour l'obtenir, a tenu à préciser Victor Castanet.

Selon le journaliste, les réponses politiques n’étaient « pas à la hauteur » des enjeux. Emmanuel Macron voulait « sortir au plus vite de cette séquence», confie Victor Castanet.