Y a-t-il la moindre justification scientifique au couvre-feu à 23h ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une femme passe devant la Tour Eiffel où un écran affiche le message "Restez chez vous", le 24 avril 2020 à Paris, alors que le pays est en confinement face à la pandémie de Covid-19.
Une femme passe devant la Tour Eiffel où un écran affiche le message "Restez chez vous", le 24 avril 2020 à Paris, alors que le pays est en confinement face à la pandémie de Covid-19.
©THOMAS COEX / AFP

A la recherche de la justification perdue

Le couvre-feu est-il encore utile et efficace pour freiner la pandémie de Covid-19 ? Programmé à 21h ce mardi 15 juin, le match de l'Euro entre la France et l'Allemagne pourra être diffusé dans les bars. Mais selon le ministère de l'Intérieur, aucune tolérance vis-à-vis du couvre-feu ne sera accordée après 23h.

Jérôme Marty

Jérôme Marty

Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.

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Atlantico : L’impact du couvre-feu et les restrictions liées à la rencontre sportive de ce mardi 15 juin ne vont-ils pas entraîner des effets contre-productifs et générer des regroupements en intérieur (des groupes d’amis ou des familles voulant regardant le match France - Allemagne) sans respecter les jauges requises et les gestes barrières ? Quelle est la justification scientifique du couvre-feu à 23h ?  

Dr Jérôme Marty : Il n’y a plus vraiment de justification au couvre-feu. Le couvre-feu peut s’entendre lorsque vous avez une circulation virale qui est importante. La France a choisi la solution du couvre-feu pour ne pas confiner vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Cette décision a été adoptée à un moment où la circulation virale était importante. On sait que le risque de contaminations à la Covid-19 est à l'intérieur, dans des espaces clos. Un certain nombre d’études le démontrent. A l’extérieur, il y a un risque à travers  des contaminations sans le respect des distances et sur une longue période de tems mais surtout lorsque l’on est contact du virus plusieurs fois par jour.

Pour être en contact du virus plusieurs fois par jour, il faut que la circulation virale soit importante. Lorsque l’on a 3.000 cas par jour comme actuellement, il y a une circulation virale qui est très faible. Donc, il est possible que vous soyez en contact du virus une fois dans un grand rassemblement mais ce n’est pas pour cela que vous allez vous contaminer. L’effet de la contamination est très faible.

A partir de là, maintenir un couvre-feu à 23 heures n’a pas de sens.

Cela n’a qu’un sens par rapport aux risques d’alcoolémie et pour le risque d’effusions qui font perdre tout geste barrière une fois que les personnes sont alcoolisées. Comme le virus circule très peu, les risques sont faibles et limités.

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En revanche, si vous interdisez les rassemblements à l’extérieur, les gens peuvent se rassembler à l’intérieur. Dans ces conditions, à l’intérieur, vous pouvez avoir plus de risques. Même si le virus circule peu, il suffit que vous ayez un super contaminateur pour que celui-ci contamine plusieurs personnes. Si vous faites la fête dans un lieu fermé, il y a plus de risques qu’à l’extérieur.

Au-delà du couvre-feu et du respect des gestes barrières, la question de l’abandon du masque à l’extérieur est d’ailleurs de plus en plus évoquée.  

Ces évolutions et ces fluctuations en termes de restrictions ne soulèvent-elles pas les difficultés de la gestion de la crise sanitaire par les autorités et n’entraînent-elles pas des confusions auprès des citoyens sur les risques réels de contaminations dans des environnements fermés en intérieur ou dans des environnements à l’extérieur ?

On ne peut pas courir deux lièvres à la fois. Actuellement, la vaccination est l’un des enjeux majeurs. Des efforts doivent être faits sur l’information et la santé publique, sur l’explication de l’intérêt de la vaccination.

Les messages ne sont pas assez présents pour le moment. Les clips vidéos et les messages d’informations diffusés à la télévision qui mettent en scène une grand-mère et ses petits enfants ou des joueurs de rugby sont un peu courts et ne sont pas suffisants. Il faut expliquer pourquoi il faut se faire vacciner, présenter les avantages du vaccin, expliquer quand est-ce qu’il agit, détailler au bout de combien de temps nous sommes protégés, pourquoi il faut faire deux doses… Toutes ces choses il faut les expliquer de façon très didactique. Il faut communiquer beaucoup mieux sur ces différents principes. Il faut faire office de santé publique et de prévention partout.

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On ne peut pas à la fois se concentrer et se mobiliser sur la communication, sur d’éventuels rassemblements et en même temps essayer de redoubler d’efforts sur la vaccination. Concentrons-nous sur la vaccination. La situation sanitaire s’est fort heureusement améliorée. C’est à l’intérieur que les risques sont les plus élevés. Il faut faire un effort sur l’aération.

Beaucoup de questions se posent sur les risques liés à la propagation du variant Delta ? Le risque de développer un Covid long avec ce variant est-il possible ?  Ce variant peut-il faire courir le risque d’une quatrième vague au vu du ralentissement de la campagne de vaccination ?

Il y a des craintes sur un potentiel ralentissement de la vaccination. Le contexte de la situation sanitaire, avec les chiffres de contaminations qui baissent, pourrait pousser la population à retarder leur vaccination à la rentrée prochaine. C’est une erreur car effectivement pour le variant Delta, l’Angleterre nous précède. Nos voisins britanniques ont une majorité de cas liés au variant Delta. Il y a une contamination qui est beaucoup plus rapide. L’effet des vaccins est un peu moindre. Il faut faire absolument les deux doses. A partir de là, on arrive à bloquer le virus. Si on ne fait pas ça, si on le laisse aller, il va à bas bruit se développer, comme on l’a connu l’été dernier avec le variant anglais, et il pourrait surgir en septembre, octobre, novembre via une vague certes moins importante mais cela pourrait suffire à emboliser nos services de réanimation. Cela va également multiplier les Covid-longs. Pour ces cas de Covid-long sur plusieurs mois, cela peut entraîner de lourdes dépenses pour notre système de santé. Il faut donc anticiper et réussir à communiquer sur la qualité de la vaccination.

Parallèlement à cela, il faut redoubler d’efforts sur le dépistage des eaux usées, le séquençage, le rétro-tracing, l’utilisation des autotests… tout ce qui fait que l’on peut réussir à endiguer réellement le virus. Et cela n’est pas fait malheureusement.    

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