Xi Jinping a promis aux Chinois qu’ils seraient plus riches que les Américains mais l’objectif est irréalisable<!-- --> | Atlantico.fr
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Des gens passent devant des photos du président Xi Jinping au Musée du Parti communiste chinois à Pékin, le 3 mars 2023.
Des gens passent devant des photos du président Xi Jinping au Musée du Parti communiste chinois à Pékin, le 3 mars 2023.
©GREG BAKER / AFP

Atlantico Business

Si Xi Jinping rend visite à Vladimir Poutine, c’est moins pour lui apporter son soutien dans la guerre que de le convaincre de la nécessité d’une alliance sur le terrain économique parce que c’est sur ce terrain que les rapports géopolitiques vont se jouer.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La Chine ne se prépare pas à la guerre militaire, la Chine n’aidera pas Poutine dans ses chimères de reconquête de la grande Russie. La Chine cherche simplement les moyens de renforcer la puissance économique parce que les dirigeants chinois ont compris que les rapports de force géopolitiques se joueront sur ce terrain-là et qu’ils ne sont pas en très bonne posture.

Dans ce contexte-là, les Chinois ont autre chose à faire qu’à participer à des conflits militaires et surtout de prendre le risque d’affronter les Etats-Unis, dont le seul objectif est de se protéger de tous ceux qui ne partagent pas les valeurs occidentales de liberté individuelle. Dons pas question pour les Chinois de se retrouver en risque de confrontation avec les forces de l’Otan

Lors du dernier congrès national chinois du parti communiste, Xi Jinping a été renouvelé dans ses fonctions de Président absolu avec la promesse confirmée que la Chine allait devenir la première puissance économique du monde et que les Chinois dépasseront les Américains en termes de PIB par habitant dans les années 1935.

C’est d’ailleurs cette perspective probable qui avait déjà effrayé Donald Trump et une grande partie de l’élite américaine qui considère encore que la Chine va très vite devenir leur adversaire numéro 1.

Or, cette perspective est de plus en plus improbable. Les Américains le savent et l’entourage proche de Xi Jinping en est conscient.

Les économistes occidentaux, ceux du FMI comme de l’Union européenne qui avait effectivement pensé que les Chinois dépasseraient les Américains en 2035 ont changé leur prédiction.

Les chercheurs qui travaillent pour Goldman Sachs pensent que le rattrapage ne pourra pas se faire avant 2075. S’il se fait. Parce que rien n’est sûr. Les experts de Goldman Sachs sont aujourd‘hui rejoint par une grande partie des chercheurs occidentaux. Explication en 5 points : 

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1e point. La perspective d’un rattrapage prochain qui a permis de consolider le pouvoir de Xi Jinping s’appuyait sur la formidable croissance de l'économie chinoise depuis les années 1980. A partir de cette époque, et cela jusqu’aux années 2015, le pays a fait de son développement économie une priorité absolue, avec le succès indiscutable que l'on sait. En 40 ans, la Chine est devenue l'usine du monde et le premier marché de la planète dans de nombreux secteurs. La population chinoise en a évidemment profitée. Sauf qu’aujourd ‘hui, l’écosystème a un peu changé (à cause de cette croissance d’ailleurs) et que les difficultés du modèle sont freinées son développement. 

2e point : Le succès économique chinois s’est construit sur des couts de production très bas (peu de salaires et des protections sociales très faibles, donc peu de consommation et une épargne très forte). La croissance chinoise a donc reposé donc sur la demande extérieure et non intérieure et sur l'investissement et non la consommation. Lequel investissement était aussi fléché sur l’extérieur. 

3e point : Dans ces conditions l’élite chinoise est devenue surpuissante mais la Chine elle-même est restée sous-développée. Le développement a été inégal, en creusant l’écart entre les riches (près du parti politique) et les pauvres (qui sont restés à la campagne ou ont été coincés dans les usines). Entre les urbains et les ruraux. Aujourd’hui, le taux d'urbanisation sur le territoire chinois n’est encore que de 58 %, soit moins que dans les pays développés où ce taux est supérieur à 80 %. 

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4e point : la crise économique et financière de 2009, la crise du Covid, la reprise d’après Covid ont révélé des phénomènes structurels qu’on se cachait. L’Occident a pris conscience de son extrême dépendance aux approvisionnements asiatiques et de ses excessives délocalisations qui n’étaient pas compensées par une ouverture des marchés de consommation intérieure en Asie. Bref, l'occident a donc pris conscience que la Chine n’avait pas respecté les accords de réciprocité signés lors de son admission à l’OMC. D’où la montée des courants très populistes et les tentations protectionnistes afin de rapatrier certaines fabrications stratégiques et modifier la répartition des chaines de valeur. 

5e point : Du côté de la Chine, les dirigeants ont extrêmement mal géré la crise du Covid. Peu d’informations, pas de vaccins, et une stratégie zéro-covid pendant presque deux ans, Xi Jinping a conforté son pouvoir absolu mais il a mis son économie à genou. D’où un mécontentement social dans les villes comme dans la campagne et surtout des perspectives de reprise très floues.

D’abord parce que les collectivités locales sont tres endettées, la dette chinoise représente 280% du PIB (essentiellement financée par l’épargne populaire qui est ainsi piégée), ensuite parce que les grandes entreprises internationales d’origine chinoises sont désormais très surveillées et leurs dirigeants ont de moins en moins de liberté. Beaucoup disparaissent, et ceux qui le peuvent s’expatrient aux Etats-Unis ou ailleurs. Les entrepreneurs de la tech notamment.

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Enfin, on s’aperçoit que l’autoritarisme en politique qui bride toutes les libertés, asphyxie l’innovation. La croissance a besoin de concurrence et de liberté individuelle. Le régime chinois se méfie des deux. Alors que ce même régime sait bien que la formidable croissance que la Chine a connu jusqu’en 2015, a été fortement boostée par l’acceptation de la concurrence sur les marchés extérieurs. Le monde entier s’attendait à ce que le marché intérieur bénéficie de la même ouverture. 

Si rien ne change, la Chine peut faire une croix sur son objectif de devenir la première puissance economique du monde. D’où son projet d’alliance et de marché asiatique. D’où ses réticences à rejoindre la Russie sur le sentier de la guerre mais en contrepartie de lui offrir des débouchés à ses matières premières et son énergie.Pour faire la guerre, il faudrait être tres riche. Xi Jinping n’en a d’ailleurs pas les moyens. Le problème de Xi Jinping est de marier sa toute puissance politique avec un modèle économique plus efficace. Dans l’histoire, aucun dictateur n’a réussi à offrir la prospérité économique à son peuple et à garder son pouvoir absolu.

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