Voilà pourquoi le coût de l’immigration pour l’Etat s’est envolé depuis 10 ans<!-- --> | Atlantico.fr
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Des réfugiés à Paris pris en charge par une association.
Des réfugiés à Paris pris en charge par une association.
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Réalité derrière les chiffres

Dans une étude publiée pour l'association Contribuables Associés, Jean-Paul Gourévitch a décrypté le coût annuel de l'immigration en France.

Jean-Paul Gourévitch

Jean-Paul Gourévitch

Jean-Paul Gourévitch est écrivain, essayiste et universitaire français. Il a enseigné l'image politique à l'Université de Paris XII, a contribué à l'élaboration de l'histoire de la littérature de la jeunesse et de ses illustrateurs par ses ouvrages et ses expositions, et a publié plusieurs ouvrages consacrés à l'Afrique et aux aspects sociaux et économiques de l'immigration en France. Il a notamment publié La France en Afrique 1520-2020 (L'Harmattan), La tentation Zemmour et le Grand Remplacement (Ovadia 2021), Le coût annuel de l'immigration (Contribuables Associés 2022).

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Atlantico : Vous avez publié une longue étude sur "le coût annuel de l'immigration", pour l'association Contribuables Associés. Question simple, mais réponse complexe, quel est le coût actuel de l'immigration ?

Jean-Paul Gourévitch : Vous avez raison d’insister sur la complexité de la réponse. Dans le premier chapitre de l’étude, j‘ai fait un bref historique des études de coûts, notamment les plus récentes, en montrant que toutes concluent aujourd’hui à un bilan financier négatif  mais que celles des économistes « de gauche » comme l’OCDE limitent le déficit dans une fourchette de  4 à 17 milliards d’euros alors que pour celles « de droite et d’extrême droite », il s’établirait entre 63 et 84 milliards. L’explication de ces écarts réside dans les bases de données utilisées, par exemple le statut et le nombre d’immigrés pris en compte et les paramètres choisis pour mesurer les dépenses et les recettes. 

Depuis plus de 20 ans que je travaille sur ces questions et en actualise les résultats, j’ai adopté une démarche scientifique et prudente, car nombre de données officielles sont indisponibles ou contradictoires. Je prends en compte l’ensemble des immigrés en situation légale ou irrégulière et de leurs descendants directs, issus soit de deux personnes étrangères soit d’un couple mixte (donc comptés dans ce cas à 50%). Au total 13,8 millions de personnes. 

J’étudienon seulement l’ensemble des recettes et des dépenses sociales et fiscales imputables à l’immigration mais aussi les coûts indirects et la rentabilité des investissements consentis par l’Etat pour freiner l’immigration ou améliorer la condition des immigrés et de leurs enfants. 

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Mon étude aboutit à 112,9 milliards de recettes et 153,2 milliards de dépenses donc un déficit de 40,3 milliards d’euros annuel à la charge de l’Etat c’est-à-dire des contribuables. 

Ce déficit est toutefois sous-estimé de quelque 3 à 6 milliards d’euros, car faute de connaissance des recettes réelles à mettre en place en face des dépenses connues, par exemple pour l’immigration étudiante ou les investissements relatifs à la politique de la ville, nous sommes dans une démarche méthodologique rigoureuse obligés de neutraliser les coûts afférents à ces domaines. 

Quels sont les plus gros facteurs de dépenses ?

Contrairement à l’opinion courante et en symbiose avec les analysesde l’OCDE, ce n’est pas tant la différence entre les dépenses sociales consenties pour les immigrés et leurs enfants en situation légale, et les recettes qu’ils apportent à l’Etat qui plombe le déficit. 92 milliards de recettes contre 103,9 milliards de dépenses. 88,5% des coûts sont couverts. 

Ce sont d’une part l’explosion des coûts indirects et des manques à gagner pour l’Etat imputables à l’immigration : les coûts structurels (par exemple les institutions dédiées), régaliens (par exemple police et justice), sociétaux (par exemple la part de l’immigration dans les fraudes et la prostitution), humanitaires (par exemple la demande d’asile) et éducatifs (par exemple l’accueil, l’intégration et l’accompagnement des primo-arrivants) qui représentent au total 42, 9 milliards d’euros et qui ne sont qu’en partie compensés par la participation des immigrés à l’augmentation du PIB de la nation (20,8 milliards d’euros). 

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Il faut y ajouter le surcoût de l’immigration irrégulière (3,8 milliards d’euros) et l’inefficacité de la partie des investissements extérieurs type Aide Publique au Développement censés freiner l’immigration (2,45 milliards d’euros). J’ai pu démontrer que plus l’APD augmente, plus le flux de migrants réguliers et irréguliers en provenance des pays bénéficiaires s'accroît. Ce qui ne veut pas du tout dire qu’il faut cesser d’abonder l’ADP mais de la réorienter dans un sens productif comme je l’ai expliqué dans un récent ouvrage. 

Quelle part de ces chiffres n'est traditionnellement pas inclue dans les chiffres officiels ?

Les zones d’ombre sont très nombreuses et pourraient être facilement réduites. L’Etat passe largement sous silence malgré les rapports alarmistes du Sénat et de la Cour des Comptes les dépenses liées aux migrations irrégulières,à la politique sécuritaire, à la fraude identitaire, sociale, médicale, sociétale et fiscale imputable à l’immigration… 

Or la méconnaissance de ces données est contreproductive y compris pour l’équilibre des comptes publics. Un exemple : l’immigration étudiante. On en connaît le coût annuel approximatif : 4,2 milliards d’euros pour 365 000 étudiants étrangers. Mais l’Etat ne se soucie pas de savoir combien elle rapporte alors que nombre de ces étudiants vont rester en France, occuper un emploi et participer ainsi à l’effort de production de la nation. 

J’ai proposé plusieurs fois en pure perte aux Ministères des Affaires Etrangères et de l’Education de lancer une recherche avec des données qui pourraient être mutualisées : les registres des Universités et des établissements publics et privés d’enseignement supérieur, les annuaires des anciens élèves des Grandes Ecoles, les données compilées par Campus, les diasporas et les pays d’origine, les monographies sur des cursus précis… Le résultat est que faute de données sur les recettes, nous ne pouvons pas scientifiquement prendre en compte les dépenses, ce qui signifie que le déficit est plus important que celui consigné dans l’étude. 

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Le coût de l’immigration pour l’État passe de 17,4 milliards d’euros en 2012 à 20,4 milliards en 2017, à 40,3 milliards d’euros aujourd’hui. A quoi est dû ce doublement ?

Par rapport à 2012 les recettes ont augmenté de 23% mais les dépenses de 64%. Les explications sont nombreuses et cumulatives : la croissance des vagues migratoires, l’explosion des flux de MNA (Mineurs Non Accompagnés) qui se dirigent prioritairement vers la France comme pays d’accueil ou de transit, l’augmentation des dépenses de santé pour les migrants irréguliers et l’impossibilité de renvoyer les déboutés du droit d’asile, l’inflation des coûts unitaires, les difficultés d’intégration de cette population dans le domaine éducatif et sur le marché du travail… 

Mais surtout la montée corrélative de la délinquance et la fraude dans une partie de l’immigration et notamment dans sa jeunesse qui profite du laxisme et de l’impunité d’une police à bout de souffle et d’une justice défaillante malgré l’augmentation des effectifs et des moyens qui leur ont été affectés, et la résignation d’une partie des citoyens qui, n’ayant plus confiance dans les institutions régaliennes de notre pays, prêtent l’oreille aux solutions extrêmes. 

Depuis longtemps aucune politique migratoire digne de ce nom n’existe plus en France comme elle n’existe pas plus dans l’Union Européenne malgré les discours tenus. L’objectif affiché d’une immigration choisie s’éloigne d’autant plus que le désir de migration s’accroît dans les pays émergents, notamment en Afrique subsaharienne, confrontés à des difficultés multiples et persistantes d’ordre politique, religieux, économique, médical, social et environnemental. 

Même si l’immigration virtuelle - délocalisation d’entreprises et de services du Nord vers le Sud faisant travailler les gens du Sud dans leur pays avec des salaires inférieurs à ceux qu’ils toucheraient dans le Nord mais supérieurs à ceux de leurs compatriotes—et l’action des diasporas peuvent dissuader un certain nombre de candidats à la migration de renoncer à leur projet s’ils ne l’ont pas sérieusement préparé,elles ne contrebalancent pas l’attrait d’une vie positive, sécurisée, libreet rémunératrice que transmettent en permanence les images de prospérité des pays riches et les discours de ceux qui ont réussi leur parcours migratoire. 

Quels scénarios sont envisageables pour rééquilibrer la balance des dépenses et des recettes de l'immigration et donc réduire le coût de l'immigration ?

Il ne faut se faire aucune illusion dans ce domaine. Les scénarios d’« aménagements raisonnables » analysés dans la monographie et que Contribuables Associés a vainement tenté au moment du vote de la loi Macron en 2018 sur l’immigration et l’asile,de faire adopterpar les Assemblées en s’impliquant dans la rédaction des amendements à soumettre aux commissions parlementaires, peuvent certes réduire considérablement les dépenses pour les migrations irrégulières et ramener quasiment à zéro leur déficit. 

Ils n’ont en revanche qu’un effet marginal sur les migrations régulières. La régularisation des immigrés ayant un travail, la possibilité pour les demandeurs d’asile d’en chercher un en attendant la décision concernant leur statut, l’appel à une immigration choisie ou à des quotas pour les niches d’emplois disponibles, l’augmentation des exigences en matière de connaissance du français à l’entrée sur le territoire et de suivi d’insertion, la révision du droit du sol pour les enfants nés de parents étrangers… peuvent avoir un effet d’aubaine immédiatmais généreront par le simple effet du regroupement familial des dépenses sociales supplémentaires. 

Surtout la volonté politique d’aborder les questions migratoires dans une optique apaisée, positive et avec une transparence des données est absente encore plus aujourd’hui qu’hier. Nous plaidons sans relâche pour la création d’un Observatoire Indépendant de l’Immigration et de l’Intégration qui disposerait de moyens autrement plus considérables que les nôtres et qui prendrait le relais de celui imaginé par Michel Rocard dans le cadre du Haut Conseil à l’Intégration. Aujourd’hui le HCI a été enterré, son Observatoire n’a jamais fonctionnéet nombre de médias, par incompétence ou absence de curiosité, continuent à formater l’opinion publique sur ce sujet sensible à partir de données obsolètes, incomplètes ou carrément trafiquées, qui reflètent davantage le point du vue qu’ils voudraient imposerà leur clientèle que la réalité des problèmes migratoires en France en 2022. 

Cette étude avec un résumé sera adressée aux nouveaux députés de l’Assemblée Nationale et aux sénateurs auxquels Contribuables Associés proposera à la rentrée une « journée parlementaire ».

Jean-Paul Gourévitch est consultant international indépendant sur l'Afrique et les migrations depuis plus de 20 ans   et vient de publier en avril 2022 pour Contribuables Associés sa 6e étude actualisée sur "le coût annuel de l'immigration". Parmi ses autres ouvrages récents autour du  même thème, La France en Afrique 1520-2020 vérités et mensonges (L'Harmattan  nov 2020) , La fraude dans tous ses éclats (Etre Humain nov 2021), La tentation Zemmour et le Grand Remplacement (éditions Ovadia nov 2021).

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