Virage sécuritaire de Hollande : quel est le degré de sincérité de la conversion de la gauche ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le PS a amorcé un virage sur les questions de sécurité.
Le PS a amorcé un virage sur les questions de sécurité.
©Reuters

Profession de foi

L'immense majorité des députés de gauche a, comme Manuel Valls l'y invitait, approuvé la prolongation de l'Etat d'Urgence pour une durée de trois mois. Reste à savoir si cet affichage sécuritaire est une vraie révolution idéologique pour la gauche ou une simple déclaration d'intention.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Quelques uns ont eu la main qui tremble, ils ont exprimé des doutes, voire leur trouble dans les couloirs du Palais Bourbon, mais l'immense majorité des députés de gauche (Socialistes, Communistes, Ecolos, Radicaux ) a, comme Manuel Valls l'y invitait, appuyé sur le bouton " oui" sans état d'âme et approuvé la prolongation de l'Etat d'Urgence pour une durée de trois mois.

Ils ne sont que six (trois PS et trois Verts), à avoir voté contre ce qu'ils considèrent comme "une surenchère sécuritaire qui vise àtransformerl’exception en ordinaire", et contre "unvéritable blanc-seing qui relègue l  pouvoirjudiciaire, pourtant protecteur des libertés fondamentales, au second plan ". Cécile Duflot, qui prend sa co-présidence du groupe Ecolo très au sérieux, a exprimé quelques réserves depuis son banc au cours du débat , ("nous allons très loin sur la modification de la loi de 1955 ", a-t-elle déclaré, effrayée), mais, comme elle l'avait annoncé lundi au Congrès de Versailles, elle a "inscrit ses pas dans ceux du président de la République".

Alors, cet affichage sécuritaire est-il une révolution ? Pas vraiment  ! Pour la plupart des députés, on peut parler d'évolution, bien antérieure aux évènements tragiques que la France a vécus ces derniers mois, mais chut ! Il ne fallait pas s'en vanter ! Pas crier sur les toits (de Paris), quand, élu de gauche, on équipait sa ville de caméras de surveillance, ou que l'on renforçait sa police municipale. Car c'est précisément l'accession à des responsabilités  locales, et la prise de conscience des réalités du terrain, qui ont amené les Socialistes à faire leur aggiornamento en matière de sécurité, à abandonner leur discours manichéen, et à parler de sécurité, voire de répression, et plus uniquement de prévention.

Cela a précisément été le cas pour Manuel Valls, lorsqu'il a été élu maire d'Evry en 2001, après avoir collaboré aux cabinets de Michel Rocard et de Lionel Jospin à Matignon. Le député PS Pascal Popelin, élu  de Seine Saint Denis, e  ancien maire de Livry-Gargan, s'est rapproché de Manuel Valls à cette époque. Il se souvient : "A l'époque, lorsque nous défendions des positions sécuritaires au Bureau National, nous étions très minoritaires". Nous, étant alors celui qui est devenu Premier ministre, mais aussi  Bruno Le Roux, le président du groupe socialiste à l'Assemblée, et l'ancien leader de SOS Racisme, Julien Dray .

Cependant au fil des scrutins, alors que le PS gagnait des villes, des départements et des régions, le réalisme a pris le pas sur l' angélisme au Parti Socialiste ."Croyez-vous que Pierre Joxe ou Gaston Deferre manquaient de fermeté lorsqu'ils étaient Place Beauvau ?", questionne l'un d'eux, avant de rappeler que  "lorsque Jean-Pierre Chevènement était à l'Intérieur, il a instauré la police de proximité, et pris un certain  nombre de dispositions qui n'auraient pas pu être prises par des responsables de gauche dix ans auparavant ".

Mais Lionel Jospin n'était pas à l'aise avec les questions de sécurité. Un témoin de l'époque se souvient qu'il y avait eu débat sur la ligne à adopter en matière de sécurité autour du Premier ministre de cohabitation, lors de son arrivée à Matignon. Les partisans d'une politique plus sécuritaire se sont retrouvés minoritaires face à ceux qui misaient avant tout sur la prévention et qui considéraient que ces questions sont l'apanage de la droite. Entre 2000 et 2002, Daniel Vaillant, le successeur de Jean-Pierre Chevènement à l'Intérieur aura du mal à se faire entendre. "C'était la gauche bobo", se souvient un témoin de l'époque. Pourtant, au moment de la campagne présidentielle, Lionel Jospin avait  pris conscience de l'importance des questions de sécurité aux yeux des Français et il s'était promis d'agir... Lorsqu'il serait à l'Elysée. Trop tard ; il en a payé le prix puisqu'il n'a pas franchi la barre du premier tour le 21 avril 2002...

Et, alors que le PS avait amorcé un virage sur les questions de  sécurité, lorsque Ségolène Royal, candidate à l'élection présidentielle en 2007, avait proposé la création de centres de rééducation militarisés pour les jeunes délinquants, elle avait provoqué un tollé dans son propre camp. De son coté, François Hollande, élu de Corrèze, n'était pas, comme ses collègues élus " de quartiers", confronté quotidiennement au problème de la montée l'islamisme dans les banlieues. Cette question de plus en plus prégnante, est venue se greffer sur  les  problèmes plus anciens de délinquance et de trafics qui se sont développés avec la montée du chômage .La gauche l'a payé au prix fort lors des municipales de 2014. Ces quartiers sont aussi devenus un terreau  pour le recrutement d'apprentis djihadistes. Manuel Valls l'avait analysé dans son grand discours après les attentats de janvier. Mais le maniement des mots est délicat, on redoute la stigmatisation. Hier le Premier ministre a annoncé d'une structure destinée à "déradicaliser" des jeunes tentés par le djihad. La bonne méthode reste cependant à inventer. Les élus concernés par le problème dans leurs villes, n'hésitent plus à crier "au feu "chez eux, et réclament des actions énergiques, quittes à bousculer ceux de leurs collègues, qui se réfugient derrière leurs principes .    

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