Vincent Bolloré, le Sun-Tzu du capitalisme français<!-- --> | Atlantico.fr
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Vincent Bolloré
Vincent Bolloré
©ERIC PIERMONT / AFP

L'art de l'alliance tactique

Vincent Bolloré défraie la chronique des affaires en annonçant une saisine du tribunal de commerce pour obliger Arnaud Lagardère à convoquer une assemblée générale du groupe. En reprenant l’historique de ses « raids », ses hauts faits de piraterie semblent obéir à un art très minutieux de la guerre. Ses techniques d’approche et d’abordage sont dignes des préceptes de Sun-Tzu.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Vincent Bolloré est connu pour ses « raids » sur des entreprises cotées sur lesquelles il parie pour dégager des plus-values, souvent à long terme. Il n’en fallait pas plus pour justifier que ce Breton écope du surnom de « pirate ». Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit que l’homme d’affaires a poussé beaucoup plus loin que la simple piraterie l’art de conquérir des entreprises.

Tout commence par un pied dans la porte

Dans tous ses raids, Vincent Bolloré commence toujours par « mettre un pied dans la porte » de façon pour ainsi dire discrète, insensible. Tout le monde se souvient ici de Bouygues pestant contre lui, parce qu’il avait acquis quelques participations et lui avait téléphoné ensuite pour l’en informer. Bouygues se souvient que Bolloré avait alors annoncé que cette opération était amicale. En langage bolloréen, les coups de téléphone amicaux ne sont pas forcément bon signe.

Dans le cas de Lagardère, l’amitié de Bolloré ne s’est pas démentie. Arnaud Lagardère a effectivement demandé à Bolloré de « l’aider » face au fonds Amber Capital qui contestait son management de l’entreprise. Et c’est par une anticipation sans grande surprise que Lagardère a cherché à « blinder » sa position face au Sun-Tzu du capitalisme français.

L’art de la montée progressive

Dans l’art de la guerre selon Bolloré, les opérations à suivre une fois le pied mis dans la porte sont parfaitement théorisées. Il s’agit de monter progressivement dans le capital pour devenir un minoritaire incontournable. La plupart du temps, Bolloré opère de façon discrète, notamment avec l’aide de ses filiales, pour dépasser le seuil de 5%, puis pour se rapprocher de la minorité de blocage.

De ce point de vue, l’acquisition de Vivendi est probablement la plus emblématique. En décembre 2011, Bolloré détenait 1% du capital de Vivendi. Un an plus tard, il franchissait à pas de loup la barre des 5%. Mais ce n’est qu’en juin 2018 que Bolloré déclare détenir plus de 25% de Vivendi, par une suite d’acquisitions d’actions.

La montée dans un capital peut donc prendre beaucoup de temps et ne s’exercer que très lentement, ce qui distingue fortement Bolloré d’un « pirate » porteur d’une logique de prédation.

L’art de l’alliance tactique

Pour accélérer ses opérations de conquête, Bolloré n’hésite pas à nouer des alliances d’opportunité, au besoin par des retournements spectaculaires. Dans la prise de contrôle d’Havas, il s’était allié à Vik, un discret investisseur norvégien. Dans l’affaire Lagardère, il s’allie finalement à Amber, le fonds contre lequel Bolloré devait initialement protéger la commandite dont Arnaud Lagardère est le commandité.

L’art de la contestation

Si Lagardère accédait à la demande de Bolloré et d’Amber de tenir une assemblée générale, il sait par cœur la suite des événements. D’ordinaire en effet, une fois qu’il pèse suffisamment dans le capital (et pas forcément en atteignant la minorité de blocage…), Bolloré a coutume d’utiliser les assemblées générales pour contester le management en place.

Ceux qui ont en tête l’affaire Bouygues se souviennent par exemple que, six mois après son entrée au capital, Bolloré avait refusé d’approuver les comptes en assemblée. Chez Havas, Bolloré en 2006 avait obtenu la nomination de 4 administrateurs malgré l’avis du management, et alors qu’il ne détenait encore que 25% du capital.

La revendication désormais ouverte de disposer de 4 sièges sur 9 au conseil de surveillance est ici la chronique d’une fin annoncée pour Arnaud Lagardère.

L’art d’écarter le management en place

Arnaud Lagardère dispose de suffisamment de précédents pour savoir à quelle sauce la montée de Bolloré dans son capital le fera manger. Tout le monde se souvient de la mise à l’écart d’Alain de Pouzilhac, en 2006, quelques mois après l’arrivée de Bolloré dans le capital. On se souvient aussi du remplacement de Bertrand Meheut à la tête de Canal + en 2015.

La perspective, pour Lagardère, est linéaire et bien connue.

Conquérir ou partir

Une fois Lagardère parti, qu’adviendrait-il de la présence de Bolloré dans le groupe Lagardère? En l’état, le Sun-Tzu français a deux scénarios possibles. Soit il nidifie, comme chez Vivendi, chez Havas ou chez Gameloft. Soit il revend ses parts et prend le large, comme chez Bouygues ou Pathé, de préférence avec une plus-value. La fin de l’histoire est donc d’ores et déjà écrite. Il suffit désormais de la dérouler.

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