Victimes françaises de l'attentat du Bardo : François Hollande reconnaît (à demi-mot) les risques de connivence entre la justice tunisienne et les djihadistes<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Se pose une véritable question sur le sécurité nationale, si des présumés terroristes relâchés courent dans la nature, ils peuvent aussi bien frapper en Tunisie, qu'en France...
Se pose une véritable question sur le sécurité nationale, si des présumés terroristes relâchés courent dans la nature, ils peuvent aussi bien frapper en Tunisie, qu'en France...
©Reuters

Zones d'ombre

Alors que Tunis a prononcé la clôture de l'instruction concernant l'attentat du musée du Bardo, Philippe de Veulle évoque son entrevue avec le président de la République sur l'avancement du dossier.

Philippe De Veulle

Philippe De Veulle

Avocat au Barreau de Paris, Philippe de Veulle est diplômé du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques (CEDS) – filière Collège interarmées de défense –, titulaire d'un Master (DEA) en économie et développement de l'Université Paris Descartes et auditeur de la 20ème session de l'Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice (INHESJ). Il est également auditeur à la 66 e session nationale de l'IHEDN

Voir la bio »

Atlantico : Vous avez récemment rencontré François Hollande concernant l'état d'avancement de l'instruction des attentats du Bardo, où 4 Français ont trouvé la mort et 6 autres ont été blessées. Où en est-elle ? La justice tunisienne vous semble-t-elle suffisamment coopérante ? 

Philippe de Veulle : Le parquet de Paris vient juste de recevoir la clôture de l’instruction de l'enquête du juge d'instruction tunisien du bureau n°13. Ce qui veut dire que l'enquête est bouclée, quand bien même nous émettons les plus grandes réserves sur cette dernière.

Nous disposons d'éléments de faisceaux d'indices concordants et précis indiquant qu'il existe des zones d'ombre sur cette enquête quant aux présumés terroristes relâchés au motif de torture. D'ailleurs il existe un rapport sur l'organisation de lutte contre la torture de 2015-2016 qui ne cite à aucun moment les noms des présumés terroristes remis en liberté.

A lire aussi sur notre site : Attentat du Bardo à Tunis : le juge chargé de l'enquête aurait-il des sympathies islamistes ?

Aussi, la presse tunisienne via le média Kapitalis, cite l'accusation du juge d'instruction Béchir Akremi dans une affaire de complicité d'assassinat avec les islamistes sur un opposant politique tunisien Monsieur Chokri Belaïd, le 5 juillet.

Le 8 juillet, selon la même source, une enquête a été diligentée par le ministère de la justice tunisienne à l'encontre du juge d'instruction du bureau n°13. De même, il y aurait aussi des personnes incarcérées au motif d'avoir dénoncé le dysfonctionnement de l’enquête pénale du Bardo. 

Cet été Monsieur Béchir Akremi a bénéficié d'une promotion en étant nommé procureur de TGI de Tunis.

Tous ces éléments ne nous offrent pas vraiment un environnement serein, concernant l'enquête en elle-même, ainsi que l'impartialité de la justice tunisienne.

Bien évidemment, à la lumière de ces éléments, ainsi que la défaillance sécuritaire à ce moment là, il est clair que le préjudice subi par mes clientes et par l'ensemble des victimes de cet attentat s'alourdit considérablement.

Le président de la République est naturellement informé des griefs que je viens de vous exposer.

Nous sommes bien évidemment conscients que l’État tunisien est souverain, et, au demeurant, un pays ami, et que la justice reste indépendante, mais mes clientes investissent leur espoir dans les mains du président François Hollande, hormis les procédures que nous pourrions intenter contre l’État tunisien.

Aussi, se pose une véritable question sur le sécurité nationale, si des présumés terroristes relâchés courent dans la nature, ils peuvent aussi bien frapper en Tunisie, qu'en France...

Vous êtes le seul avocat à remettre en cause l'instruction tunisienne... Comment expliquez-vous le fait d'être aussi isolé dans votre démarche, notamment des autres avocats des victimes qui ont confiance dans la justice tunisienne ? 

Il est évident que lorsque vous êtes isolé, en tant qu'avocat, dans une pareille affaire, et que les obstacles sont multiples et puissants que l'on ressent une certaine solitude. Aussi s'en prendre à la Tunisie, qui a été à l'origine du printemps arabe, n'est pas une chose aisée. Mais si ce pays est un pays ami, alors on peut tout se dire...

Cette démarche implique évidemment beaucoup d'engagement, de temps et de risques. Mais le combat me semble légitime. Ce qui m'importe, c'est le sort de mes clientes et des victimes, la vérité mais aussi la juste évaluation du préjudice subi... 

Peu importe la difficulté, le chemin est long, la charrue est lourde, mais la terre est patiente, selon un proverbe chinois...

Que vous a dit le président de la République ? Et qu'attendez-vous de sa part concrètement ?

Le président de la République s'est montré très à l'écoute, très accessible, de mes clientes et de l'ensemble des victimes. D'ailleurs il avait une connaissance parfaite du dossier concernant l'attentat et même des victimes. On le sent d'ailleurs très impliqué sur le sort des victimes du terrorisme. Il a été très attentif lorsque certaines victimes lui ont exprimé leur déception, sur le mutisme de l'Etat tunisien, et de la difficulté d'obtenir les pièces traduites de l'enquête. 

Le président de la République m'a semblé conscient du risque de remise en liberté de présumés terroristes tunisiens pouvant détenir la double nationalité franco-tunisienne, ce qui poserait un problème de sécurité aussi bien pour la Tunisie que pour la France.

François Hollande a alors déclaré que la Tunisie devait savoir qu'une grande partie des victimes du Bardo avaient été reçues à l’Élysée. Aussi, il s'est engagé pour une aide de l’État français pour les défraiements des victimes et de leurs conseils pour le procès qui aura lieu à Tunis, ainsi que pour leur sécurité. De même, la secrétaire d'Etat, Juliette Méadel, était présente et a annoncé de nouvelles mesures concernant le sort des victimes du terrorisme. Bien sûr beaucoup de choses restent à faire et sont perfectibles.

Il est certain que mes clientes ont été très satisfaites de cette entrevue, mais attendent du concret et que le président agisse...

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !