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Viande halal : ah la la, c’est l’hallali...
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Zone franche

Ça n’est pas parce que Marine Le Pen raconte n’importe quoi à propos de la filière halal en Ile-de-France que le sujet est tabou. Au contraire.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Marine Le Pen est indiscutablement à côté de la plaque lorsqu’elle explique que la totalité de la viande distribuée en Ile-de-France est halal, c’est à dire issue d’animaux égorgés selon le rite musulman.

C’est ce qui arrive lorsqu’on regarde trop distraitement l’un de ces reportages à la bande son ultra-dramatisante dont « Envoyé spécial » a le secret : la voix-off dit qu’il fait froid parce que c’est l’hiver, mais la musique pleine de tadadas à l’orgue Bontempi laisse accroire que la fin du monde est proche.

Donc, renseignements pris, tous les animaux découpés dans trois des quatre abattoirs franciliens sont effectivement égorgés « muslim style », mais ces établissement ne représentent en fait qu’une fraction négligeable (5 000 tonnes sur 200 000) de la bidoche commercialisée en région parisienne, laquelle débarque plutôt des 275 abattoirs recensés sur le territoire national via Rungis ― quand ce n’est pas des Pays-Bas ou de Grande-Bretagne.

La réaction outragée à ces propos évidemment ultra-politiques, maintenant que le FN est en train de se recentrer, si l’on ose dire, sur ses thématiques traditionnelles anti-immigrés, est pourtant au moins aussi grotesque : 

« Marine Le Pen ment lorsqu’elle dit que l’intégralité de la viande vendue dans la région capitale, donc, circulez il n’y a rien à voir ! ».

Si trois des quatre abattoirs parigots ne produisent plus que du bœuf halal (le quatrième ne zigouille que des porcs, animaux notoirement absents des meilleures merguez), c’est tout de même une information qui mérite d’être diffusée et commentée. Pas forcément pour s’en affoler, mais juste parce que savoir ce qui se passe autour de nous, dans une société en transformation perpétuelle, ça n’est pas illégitime.

Après tout, si tous les abattoirs d’un secteur donné en arrivent à demander une dérogation aux autorités pour ne plus assommer les bêtes comme l’exige la loi avant de leur faire un sort, c’est bien qu’il s’est passé quelque chose.

Un phénomène simultanément trop anodin et trop sulfureux pour être discuté ?

Ce qui s’est passé, et il n’est pas nécessaire d’être chargé des questions agricoles dans une formation d’extrême droite ayant un problème avec l’islam pour s’en rendre compte, c’est que le marché de la viande halal, comme celui du bio d’ailleurs, est devenu un gros business en quelques années. Et s’il est devenu un gros business, c’est que la demande est elle aussi devenue plus forte. Et si elle est devenue plus forte, c’est que le nombre de clients a augmenté. CQFD.

On peut parfaitement être à l’aise avec une société multiculturelle (c’est mon cas), et même avec une société dynamique dont les entreprises savent saisir de nouvelles opportunités (c’est aussi mon cas). Mais prétendre que des phénomènes économiques ou culturels de cette amplitude sont simultanément trop anodins et trop sulfureux pour être discutés, c’est prendre les gens pour des imbéciles.

La croissance de la filière halal interroge sur une transformation partielle de la société française, sur la question du traitement des animaux de boucherie et sur l’intervention d’intérêts religieux dans les filières de production ― pour ne rien dire de la qualité de la viande pour quiconque aime sa côte de bœuf rouge et saignante (encore moi !). A trop enterrer les sujets de ce genre (on appelle ça la politique de l’autruche, un volatile dont la viande ne casse d’ailleurs par des briques), on finira peut-être par les manger bleus (marine), nos steaks. Et les carottes seraient cuites, elles…


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