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Vers une disparition de l’impôt sur le revenu ?
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Pas si bon que ça en à l'air

34% des contribuables financent désormais 70% de l'impôt sur le revenu. Cette proportion semble singulièrement déséquilibrée.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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La préparation du projet de loi de finances 2016 entame son dernier tournant. Michel Sapin a hier confirmé les mesures concernant les ménages: l'impôt sur le revenu devrait faire l'objet d'une décote bénéficiant à un million de foyer, et dispensant 2 autres millions de leur premier assujettissement. La décote devrait permettre un gain moyen de 250 euros pour un célibataire. 

Cette mesure fera tomber le taux de ménages acquittant une somme au titre de l'impôt à 46%. Michel Sapin a souligné que cette proportion était traditionnelle: « 46 %, c’est un chiffre habituel en France, c’était comme ça avant la crise, il est légitime que ce soit comme ça après la crise ». Il n'en reste pas moins que cette orientation accroît le sentiment d'une rupture entre les classes moyennes qui financent l'effort de redressement et les ménages aux revenus les moins élevés qui sont des bénéficiaires nets de la solidarité. 

Comme le soulignait le quotidien l'Opinion en début de semaine, 34% des contribuables financent désormais 70% de l'impôt sur le revenu. Cette proportion semble singulièrement déséquilibrée. Elle affaiblit la légitimité d'un impôt qui a toujours été mal accepté par les Français et qui est régulièrement pointé pour son manque d'équité: des taux élevés sur une assiette étroite.  

L'argument de Michel Sapin sur le "retour à la normale" est de ce point de vue assez faible. En effet s'il est vrai qu'à l'occasion des mesures fiscales décidées par la gauche (notamment le gel du barème), le nombre d'assujettis a augmenté depuis 2012, il est aussi vrai que la baisse de l'impôt sur le revenu s'accompagne d'une baisse des dotations aux collectivités locales qui contribue à de fortes augmentations sur le fiscalité locale. Dans la pratique, la part des prélèvements obligatoires dans les Produit Intérieur Brut n'a cessé d'augmenter depuis la crise, pour des déficits qui peinent à diminuer. Le retour à la normale pour l'impôt sur le revenu est donc factice: la pression fiscale a fortement cru ces dernières années et la baisse de l'impôt sur le revenu n'est qu'un artifice pour en atténuer les effets. 

La mesure apparaît d'autant plus opportuniste qu'elle produira ses effets en septembre prochain, quelques mois avant la présidentielle de 2017. La ficelle est grosse et il n'est pas sûr qu'elle serve aussi facilement la candidature de François Hollande. L'opinion peut difficilement être dupe de la manoeuvre, et une baisse de 250 euros sur l'impôt sur le revenu ne compense pas automatiquement les hausses sur la fiscalité locale. La stratégie gouvernementale risque même d'être contre-productive dans la mesure où elle apparaît comme une manipulation grossière. 

Sur le fond, c'est la légitimité même de l'impôt sur le revenu qui est entachée. Peut-on imaginer que la fiscalité française puisse se fonder sur d'aussi évidentes inégalités, très éloignées de la logique de capacité contributive qui fonde l'impôt? Le gouvernement pourrait payer ici très cher son refus de fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu, mesure qui permettrait d'élargir l'assiette de l'impôt tout en baissant les taux et en le rendant plus juste. 

Encore une réforme sottement repoussée qui sera tôt ou tard reprochée au candidat Hollande par des classes moyennes de plus en plus pressurées par les dépenses publiques qu'elles doivent financer sans en profiter.  

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