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Un salarié passe un appel vidéo alors qu'il travaille à domicile, le 14 mai 2020, dans la banlieue de Nantes.
Un salarié passe un appel vidéo alors qu'il travaille à domicile, le 14 mai 2020, dans la banlieue de Nantes.
©Loic VENANCE / AFP

Conséquences de la pandémie

Les données américaines montrent qu’aux Etats-Unis c’est déjà très  largement le cas.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : Les recherches d’emploi pour un poste à distance ont augmenté de 460% au cours des deux années, selon les données du site de recherche d’emploi Glassdoor. Avec l’économie des pays développés qui repart et les conditions sanitaires qui permettent un retour au présentiel, le télétravail va-t-il de nouveau diminuer ou bien est-il parti pour s’ancrer durablement ? Sait-on ce qu’il en est pour la France ?

Xavier Camby : Il est actuellement assez malaisé d'avoir une image exacte ou un peu fidèle de la réalité du monde du travail en Europe. Tant par le fait de la permanence de l'impermanence que par la disparité des comportements "privés" face aux décisions "publiques".

Si l'on en croit cependant certaines études récentes et à titre d'exemple, seuls 15% des places de travail ouvertes dans les organisations suisses seraient à nouveau régulièrement occupées. Et environ 20 et 25% en France ou en Allemagne. Contre environ 75% avant la crise sanitaire ! 

Il semble bien que nous avons assez longuement goûté aux nombreuses et nouvelles joies du télétravail : la collaboration asynchrone efficace, les séances virtuelles raccourcies, l'absence de perte de temps et d'énergie dans les transports aux heures de pointe, le management à la confiance - obligée - et la disparition des intrusions intempestives, le confort psychique et physique du "private space" (par opposition avec l'extrême inconfort des "open-space" ou "bureaux paysagés")... Savez-vous que depuis 2 décennies, l'OMS a établi qu'un salarié a besoin de 8m2 pour se sentir bien ? Et ainsi préserver sa santé psychique ? Les modes managériales ineptes - mais favorisant les contrôles permanents - semblaient encore l'emporter jusqu'à l'apparition du méchant virus et de ses conséquences organisationnelles...

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Dernier avantage du private office : la réconciliation des travaux domestiques avec le travail salarié. Je peux désormais lancer ma machine à laver juste avant une conf-call et étendre mon linge après celle-ci, sans que cela nuise aucunement à ma productivité. Cette nouvelle organisation permet une vie plus sereine, plus intégrée, plus homogène, sans cloisons arbitraires ni fallacieuses, loin de ce sentiment d'urgence qu'imposaient naguère encore des pratiques contraignantes et dangereuses, d'un âge très heureusement révolu.

Le marché du travail post-covid sera-t-il davantage dicté par les aspirations des employés ? Peut-on s’attendre à plus d’offres d’emploi en télétravail ?

La crise sanitaire, augmentée des crises climatiques, écologiques et de la biodiversité, transforment peu à peu, mais définitivement, notre conception de l'organisation du travail salarié. Un premier constat : le "taylorisme", mensongèrement réputé rationnel et scientifique, alors que depuis longtemps vermoulu de l'intérieur et vitrifié ou sclérosé en sa surface, a implosé. Ce taylorisme, vertueux en ces prémices, était rapidement devenu le prétexte et le paravent d'une violente volonté de domination, en forme de tyrannie : les sachants, bien diplômés, organisant au millimètre les tâches des ignorants, mal-formés et incapables de s'auto-organiser, enfermés - pour leur bien - dans des horaires et des lieux imposés... Croyez-vous que j'exagère ? C'est tous les jours que je rencontre - encore - des managers ou des dirigeants du passé, qui légitiment leur salaire et leurs injonctions, au motif mensongers du crétinisme, de l'incapacité, de l'indolence ou de l'indigence de leurs collaborateurs. J'aime à leur dire, puis à leur démontrer, qu'on a les collaborateurs qu'on mérite et qu'ils nous ressemblent...

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Un second constat : les aspirations légitimes des salariés de tous les secteurs sont déjà très claires et s'imposent radicalement, profitant des contraintes sanitaires. Ils réclament globalement :

  1. un environnement émotionnel et relationnel positif ;
  2. un environnement décisionnel stable, sans fausses urgences, sans procrastinations, langue de bois, chantage ni culpabilisation ;
  3. le droit à l'auto-organisation individuelle et collective, dans l'opération du travail ;
  4. l'accord pour ne pas être d'accord et le droit de pouvoir l'exprimer, afin de contribuer efficacement ;
  5. et la possibilité de régulièrement et librement se retrouver, entre collègues, pour entretenir les relations interpersonnelles positives autant que contributives.

Pour répondre à votre seconde question, il me semble en effet que la liberté donnée à l'auto-organisation et la possibilité du télétravail feront désormais parties intégrantes de la rétention comme de l'attraction des meilleurs talents. On le voit d'ailleurs déjà apparaître dans certaines offres d'emploi.

Les managers ou leaders "capo-chef," hyper-contrôlants, injonctifs et défiants, sont irréversiblement morts et enterrés - même s'ils l'ignorent encore.

Les aspirations des employeurs et des employés en termes de télétravail diffèrent-elles ? Cela peut-il mener à des difficultés pour les entreprises ?

Oui. Comme dans toute transformation, dans tout changement, deux "modèles" ou paradigmes s'opposent, voire s'affrontent.

Le taylorisme, baudruche dégonflée que seules quelques "institutions" défendent ou promeuvent encore, et le réalisme, judicieusement illustré par Steve Jobs : "Cela n'a aucun sens de recruter des gens intelligents et de leur dire quoi faire ; nous recrutons des gens intelligents pour qu'ils nous disent quoi faire". Et l'intelligence vraie n'est jamais certifiée par un diplôme ! Bien au contraire : dans notre système actuel, ne franchissent les étapes diplômantes seulement celles ou ceux qui répètent le moins mal possible ce que le professeur lui-même déjà répète depuis des années. C'est ainsi que se propage et se développe la pensée unique, linéaire, toujours un peu plus pauvre - malgré ces effets de manches, de slides pléthoriques en (dé)formations inutiles - de plus en plue déconnectée de la réalité, toujours davantage sclérosée et sclérosante.

Notre extraordinaire époque rejoue donc encore une fois, avec une intensité redoublée par les crises que nous traversons, l'éternelle querelle entre les anciens et les nouveaux. Et ce sont toujours les nouveaux qui finalement gagnent !

Sauf à vouloir finir dans des réserves avant de disparaître, il est donc urgent et essentiel, pour toutes nos organisations et à la faveur des comportements imposés par une pandémie devenue endémique, de réellement repenser, pour les simplifier, l'intégralité de tous leurs fonctionnements professionnels. En parfaite concertation dé-hiérarchisée...

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