Vengeance de la démocratie contre les "Oints du Seigneur" ? Les élections européennes en passe de se transformer en référendum sur l'euro<!-- --> | Atlantico.fr
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Les élections au Parlement européen représentent la première possibilité qui va être donnée aux peuples européens de donner leur avis sur l’Euro.
Les élections au Parlement européen représentent la première possibilité qui va être donnée aux peuples européens de donner leur avis sur l’Euro.
©Reuters

Boomerang

Les "Oints du Seigneur" tels que Jean-Claude Trichet ou Mario Monti, qui savent mieux que les Etats ce qui est bon pour eux, ont conduit l'Italie vers un défaut de paiement inéluctable. Les élections européennes pourraient bien entraîner un retour de bâton des peuples.

Charles Gave

Charles Gave

Charles Gave est président de l'Institut des Libertés, un think tank libéral. Il est économiste et financier. Son ouvrage L’Etat est mort, vive l’état  (éditions François Bourin, 2009) prévoyait la chute de la Grèce et de l’Espagne. Il est le fondateur et président de Gavekal Research et de Gavekal Securities, et membre du conseil d’administration de Scor.

 

 

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Article publié initialement sur le site de l'Institut des Libertés

Les économistes ont une grande qualité. Ils ont une capacité remarquable à créer des noms compliqués pour décrire des choses simples, le but étant bien sur de faire croire au ‘’ vulgum pecus” qu’ils savent des choses importantes.

L’un de ces mots, qu’il m’est arrivé, hélas, d’utiliser sans le définir (mea culpa) est la “parité des pouvoirs d’achat”. Cette chronique va donc commencer par une espèce de “fiche” que le lecteur pourra garder dans un coin pour l’utiliser lorsque qu’un quelconque Diafoirus prononcera le mot dans une émission télévisée.

La notion est simple.

Imaginons deux pays, le premier avec un taux d’inflation de zéro, le deuxième avec un taux d’inflation de 10 % par an. Pour que les entrepreneurs du deuxième pays restent concurrentiels avec ceux du premier pays, il va falloir que le taux de change du pays « inflationniste » baisse de 10 % par an en moyenne pour que le système reste à l’équilibre.

La parité des pouvoirs d’achat c’est donc le taux de change corrigé du taux d’inflation et c’est tout. Il s’agit bien sur d’un prix “théorique”, censé représenter l’endroit où le taux de change devrait se trouver s’il s’ajustait parfaitement à la réalité.

L’étape suivante consiste bien sur à comparer le taux de change de “marché” au taux de change « théorique « pour voir laquelle des monnaies est surévaluée -ou sous évaluée- par rapport à l’autre.

Voici un exemple de parité des pouvoirs d’achat entre l’Italie et l’Allemagne.

Explications

La ligne verte, c’est notre taux de change théorique calculé à partir de la différence des prix de détail entre les deux pays. Comme le lecteur peut le voir, les prix en Italie ont cru cinq fois plus vite qu’en Allemagne depuis 1967.

Quant à la ligne jaune, c’est le taux de change de « marché » entre la Lire et le DM s’ils existaient toujours. Quand la ligne jaune monte, cela veut dire que le DM monte (la Lire baisse). On voit que sur le long terme, ligne jaune et ligne verte suivent la même évolution et que donc le prix de marché a suivi le prix théorique, sauf bien sur depuis 2000 et l’introduction de l’Euro. Dans l’ensemble, les marchés ont très bien fait le boulot qui leur avait été confié.

Quand la ligne jaune est en dessous de la ligne verte, l’implication est que le DM est sous évalué et si la ligne jaune est au dessus de la ligne verte, la Lire est sous évaluée.

La ligne rouge (graphique du bas) est simplement le rapport entre la production industrielle Italienne et la production industrielle Allemande base 100 en 2000. Si la ligne rouge monte cela veut dire que la croissance Italienne en volume est supérieure à la croissance Allemande, le contraire étant également vrai.

Comme le lecteur peut le constater

  • de 1967 à 1973, l’Italie n’est pas compétitive et sa production croit moins que la production en Allemagne.
  • De 1974 à 1985, la Lire est » sous évaluée ». Et fort normalement la production Italienne croit plus vite que la production Allemande.
  • De 1986 à 1992, la lire, redevient sur évaluée et re belote, l’Italie fait moins bien que l’Allemagne. Sortie fracassante par la Lire du SME en 1992, la Lire redevient compétitive et hop ! L’économie Italienne fait à nouveau mieux que l’économie Allemande. Vient le drame final : la rentrée de la Lire dans l’Euro et depuis l’économie Italienne ne cesse de s’effondrer…et va continuer de s’effondrer puisque coût du travail et coût du capital sont plus élevés en Italie qu’en Allemagne…et que les Italiens ne peuvent plus dévaluer.

Ce qui m’amène à la deuxième partie du papier de cette semaine, la différence entre une analyse pragmatique et une analyse normative lorsqu’il faut faire des recommandations de politique économique.

Le taux de change n’est qu’un prix de marché parmi d’autres mais pour certaines personnes, la volatilité des taux de change est une très mauvaise chose, ce qui m’a toujours paru idiot.

Bloquer le taux de change est aussi imbécile que bloquer le prix des loyers. Mais enfin je peux admettre qu’une décision « « politique » soit prise de réduire, puis de supprimer cette volatilité -à terme- entre deux pays qui commercent beaucoup entre eux.

Le fait indiscutableest que l’Italie a une inflation structurelle plus élevée que l’Allemagne et ce depuis 1945 au moins, ce qui rendait nécessaire de constantes dévaluations de la Lire contre le DM.

La question posée est donc : comment arriver à stabiliser le taux de change entre les deux pays ?

Que va dire l’économiste « pragmatique »? Sa recommandation sera : Il va falloir que l’Italie fasse des réformes de structure pour que son taux d’inflation converge vers le taux Allemand et cela va prendre un temps fou. Quand les deux taux d’inflation auront convergé de façon durable, on pourra alors fixer les deux taux de change l’un par rapport à l’autre…ce qui d’ailleurs ne sera plus nécessaire puisque les taux de change de marché ne bougeront presque plus l’un par rapport à l’autre (voir la Couronne Suédoise et l’Euro).

Que va dire l’économiste « normatif » que j’appelle toujours « oint du Seigneur » parce qu’il sait mieux que moi ce qui est bon pour moi.

Voila ce qu’il va dire. L’Italie est un pays gouverné par des démagogues, incapables d’effectuer la moindre réforme. Il faut donc bloquerle taux de change entre l’Italie et l’Allemagne pour FORCER ces incompétents notoires à faire les réformes nécessaires. On remarquera que l’oint du Seigneur de base (Delors ou Trichet par exemple) n’a jamais été élu par personne, mais cela ne le dérange guère puisqu’il a une ligne directe de téléphone avec Dieu. Le blocage a lieu, l’économie Italienne s’effondre et mes oints du Seigneur d’expliquer que décidément les Italiens, qui se débrouillaient très bien sans eux, puisque la croissance Italienne et la croissance Allemande avaient été la même de 1945 à 2000 sont encore plus nuls qu’ils ne le pensaient et qu’il faut leur envoyer un Gauleiter de toute urgence (un autre oint du Seigneur). Ce qui est fait (Monti) et bien sur, la détérioration s’accélère.

Le résultat net de leur intervention est simple : Avant les deux économies ne divergeaient jamais et le prix à payer pour cette convergence perpétuelle était une dévaluation Italienne de temps en temps, ce qui me permettait d’aller passer des vacances à Rome à bon compte.

Maintenant, elles divergent constamment et de plus en plus et nous allons vers un défaut de paiement inéluctable de l’Italie.

Il n’y a pas de solution médiane, car on ne peut reformer un pays en dépression.

Mes oints du Seigneur ont remplacé la probabilité de dévaluations Italiennes par la certitude d’une faillite de l’Etat Italien.

En fait, ils ont mis la charrue avant les bœufs, ce qui rend difficile de tirer son sillon. Mais tout cela va finir bien sur par exploser à la figure des Oints du Seigneur, et sans doute pour des raisons politiques.

Ils ont méprisé la Démocratie, elle va se venger.

Ce qui m’amène bien sur à terminer par quelques réflexions « politiques », ce qui est loin d’être mon domaine de compétence.

La première sera que c’est un Droit essentiel pour un Pays Souverain d’être mal géré si la majorité de la population le souhaite.

Par exemple, les Français souhaitent avoir 40 % de fonctionnaires de plus que les Allemands et si le maintien de la cohésion nationale est à ce prix, eh bien ils doivent pouvoir le faire. Entre la cohésion nationale et le taux de change, je choisirai toujours la cohésion nationale. La réalité cependant est que nous ne pouvons avoir 40 % de fonctionnaires en plus ET un taux de change fixe avec l’Allemagne sans tuer tout le tissu industriel Français, ce qui est en train de se passer.

La deuxième sera que nous allons avoir des élections au Parlement Européen l’an prochain.

Que va-t-il se passer si un ou plusieurs pays envoient à Strasbourg une majorité de députés hostiles à l’Euro et qui donc voteraient à Strasbourg pour sortir de l’Euro ?

Que voila une question intéressante, à laquelle je n’ai pas de réponses et les oints du Seigneur à Bruxelles ou là Paris encore moins !

En fait, les élections au Parlement Européen représentent la première possibilité qui va être donnée aux Peuples Européens de donner leur avis sur l’Euro, ce Frankenstein financier qui a détruit leurs vies. Il va donc s’agir d’un referendum, pour ou contre l’Euro et C’EST TOUT.

Dieu, que ces élections, pour une fois, vont être passionnantes !

Les Peuples vont pouvoir enfin donner leur avis.

Saloperie de Démocratie !

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