Vatican : le nouveau secrétaire d’Etat choisi par le pape François aura-t-il la carrure pour relever le défi de la réforme de la Curie ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Monseigneur Pietro Parolin a été nommé samedi au poste de secrétaire d’Etat du Vatican.
Monseigneur Pietro Parolin a été nommé samedi au poste de secrétaire d’Etat du Vatican.
©Reuters

Passation

Le pape François a nommé samedi Monseigneur Pietro Parolin au poste de secrétaire d’Etat du Vatican. Ce diplomate modéré va devoir faire face à de nombreux chantiers, en tant que "numéro 2 du Vatican".

Nicolas Diat

Nicolas Diat

Nicolas Diat est considéré comme un des meilleurs spécialistes du Vatican. 
 
"Un temps pour mourir" de Nicolas Diat
Voir la bio »

Atlantico : Le pape François a nommé ce samedi 31 août Monseigneur Pietro Parolin au poste de Secrétaire d’Etat du Vatican. Il succède ainsi au cardinal Bertone en fonction depuis 2006. Une nomination qui intervient à peine six mois après la prise de fonction du pape. Cette décision est-elle particulièrement hâtive ?

Nicolas Diat : Le pape François a effectivement nommé son secrétaire d’Etat de façon assez rapide, mais il ne faut sur-interpréter cette réactivité. Dans le passé, certaines nominations ont été beaucoup plus rapides. Par exemple, en 1958, Jean XXIII avait choisi son secrétaire d’Etat, Domenico Tardini, le soir même de son élection... Dans la configuration actuelle, le secrétaire d’Etat est un personnage incontournable de l’organisation du Vatican. Depuis la réforme de Paul VI, confirmée dans ses grandes lignes par Jean-Paul II avec la Constitution apostolique Pastor bonus, l’expression de « numéro deux » n’est pas usurpée. Le Secrétaire d’Etat est en quelque sorte un « vice-pape ».

Les relations entre le pape François et le cardinal Bertone ont toujours été assez mauvaises. Et ce, avant même l’élection de François. Ces rapports étant compliqués, il n’y avait dans les faits plus de Secrétaire d’Etat effectif depuis le mois de mars.

Différentes sources très proches du pape m'ont confié que François a très rapidement orienté sa réflexion vers le choix de Pietro Parolin. Sa décision était prise dès la fin du mois de juin. Auparavant, il a cependant réfléchi à d'autres profils, assez semblables au choix de Mgr Parolin.

Le nonce actuellement en poste à Paris, Mgr Luigi Ventura, dernier secrétaire diplomatique du cardinal Agostino Casaroli, avec une vaste expérience dans de grands pays comme le Canada, le nonce au Mexique, Mgr Christophe Pierre, et le président du Gouvernorat de l’Etat de la Cité du Vatican, le cardinal Giuseppe Bertello, ont tous les trois retenu l'attention du Saint-Père. Il faut comprendre que François a orienté ses recherches exclusivement vers des diplomates. La nomination du cardinal Bertone avait été très critiquée précisément car il n'appartenait pas au sérail de la diplomatie pontificale.

Ainsi, fin juillet, à l’occasion des JMJ, le pape a annoncé le nom de son futur Secrétaire d’Etat à plusieurs cardinaux dont il est très proche. Il leur a dit qu’il était d’autant plus certain de sa décision qu’il éprouvait depuis quelques années une grande confiance dans le jugement diplomatique de Mgr Pietro Parolin. Lorsqu’il était au Venezuela, le cardinal Bergoglio avait eu à connaître et à apprécier l’action de Monseigneur Parolin face au régime de Caracas. 

Que sait-on de la personnalité de Pietro Parolin ?

Pietro Parolin est un diplomate de carrière. C’est un homme éclairé, très travailleur, humble, simple et détaché. Agé de 58 ans, il est relativement jeune pour occuper ce poste, même s’il ne faut pas oublier que Rafael Merry del Val fut nommé en 1903, par Pie X, à 38 ans... Mgr Parolin est rentré rapidement dans le service diplomatique et il en connaît toutes les subtilités. Il a été en poste dans plusieurs pays, notamment au Mexique. De 2002 à 2009, il a assuré la fonction de sous-secrétaire pour les relations avec les Etats, c'est à dire de vice-ministre des Affaires étrangères.

En 2009, il est parti au Venezuela, pays difficile car à l’époque, le régime de Chavez connaissait son apogée. Les relations avec le Vatican étaient compliquées en raison de la politique offensive d’Hugo Chavez envers l’Eglise. 

Pietro Parolin est incontestablement un modéré. Dans un langage plus politique, on pourrait parler d’une ligne centriste. En 2009, il ne fait aucun doute que son départ était une forme de désaveu. Les diplomates en poste alors à Rome se souviennent très bien combien il avait été attristé de son envoi dans un pays éloigné de Rome. A l'époque, le cardinal Bertone tenait absolument à placer un de ses protégés, Monseigneur Ettore Balestero, très proche du cardinal Mauro Piacenza, aujourd’hui nonce en Colombie.

De son côté, Pietro Parolin est le fils spirituel du cardinal Achille Silvestrini, dont il est peu de dire qu’il ne faisait pas parti des cardinaux qui soutenaient Joseph Ratzinger en 2005... 

Il est important de souligner que lorsqu'il était en poste à Rome, Pietro Parolin  était extrêmement apprécié des diplomates près le Saint-Siège. Il était reconnu à la fois pour son intelligence, son humanisme, sa culture et son sens de l’écoute. Enfin, Il possède une connaissance rare de la Chine, dossier compliqué pour le Vatican car ce grand pays ne possède pas de relations diplomatiques avec le Saint-Siège.

Quels sont les grands chantiers qui attendent Pietro Parolin ?

La plus importante des réformes que François veut mener à bien est sans conteste la réorganisation de la curie. Pour faire aboutir ce chantier particulièrement sensible, il a constitué une commission de huit cardinaux. Les propositions des huit doivent conduire à la réforme de tout le gouvernement de l’Eglise. Le pape a expressément souhaité que les huit cardinaux qu’il a choisi soient indépendants de toute pression extérieure. Le Saint-Père a des conversations très régulières avec le cardinal Oscar Maradiaga, hondurien, coordinateur de cette commission, et il compte particulièrement sur le caractère inflexible de ce dernier. La commission se réunira pour la première fois début octobre, et dès cette date, des propositions importantes seront adressées au pape.

Paradoxalement, Mgr Parolin est donc nommé à un poste qui devrait beaucoup évoluer. Une des volontés du pape, et de la commission, est d’opérer une mutation de la Secrétairerie d’Etat. D’une tour de contrôle protéiforme, parfois autoritaire, qui domine l’ensemble des congrégations, François souhaite établir une instance qui serait ramenée à son cœur de métier, la diplomatie. Le choix d’un grand nonce au poste de Secrétaire d’Etat s’explique ainsi par l’idée de recentrer cette fonction vers les questions de politique extérieure.

Sur ce terrain, des dossiers extrêmement lourds attendent Mgr Parolin. Les situations explosives que connaissent l’Egypte et la Syrie inquiètent beaucoup le pape. En Syrie, l’Eglise est résolument opposée à une intervention militaire et en Egypte elle suit quotidiennement l’évolution de la situation des cooptes. François compte sur l’importance des réseaux de Mgr Parolin dans les chancelleries pour orienter le mieux possible l’action du Saint-Siège.

Quel avenir pour le cardinal Bertone ?

Le cardinal Bertone fêtera ses 79 ans au mois de décembre. Les cardinaux quittant l’ensemble de leurs fonctions à 80 ans, il se trouve à un an de cette retraite officielle. Jusque-là, il restera président du Conseil de surveillance de la banque du Vatican – son mandat avait été renouvelé en février dernier par Benoît XVI, juste avant son départ. Cette fonction est très importante, dans la mesure où le pape a émis la volonté d’assainir la banque. Il demeure également camerlingue, c’est-à-dire en charge de l'administration du Vatican en cas de vacance du pouvoir. Il occupait déjà cette fonction lors du dernier conclave.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !