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Valeurs et morale, les grandes absentes de la campagne
et pourtant, il faut prendre
ses responsabilités
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Dieu m'a donné la foi

Moqués ou ignorés, les Chrétiens ont cherché à soulever plusieurs débats au cours de la campagne. Si les positions sur le mariage homosexuel ou l'IVG sont souvent rapportées de manière caricaturale, elles ont le mérite de questionner sur la société. Est-il si illégitime de s'interroger sur ces sujets ?

 Koz

Koz

Koz est le pseudonyme d'Erwan Le Morhedec, avocat à la Cour. Il tient le blog koztoujours.fr depuis 2005, sur lequel il partage ses analyses sur l'actualité politique et religieuse

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Un jour de 1975, mes parents m’ont porté sur les fonts baptismaux. Savaient-ils ce qu’ils faisaient ? Ils ne m’ont pas facilité la vie.

Quand il ne traite pas les journalistes de « vermines », Jean-Luc Mélenchon peut avoir des formules intéressantes. « La foi est une brûlure » avait-il dit à La Vie. C’est vrai. Et l’on peut préférer se tenir éloigné de la flamme, comme il l’a semble-t-il choisi. Mais s’il y a flamme, il y a aussi lumière. Chercher la lumière, la vérité, ne peut pas être une voie facile. Pendant cette campagne, une parole m’est revenue, que l’on n’attendrait pas nécessairement dans l’Evangile :

« Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. » Mt 10 (34-36)

On lit souvent que la foi ne saurait s’immiscer dans la politique. Pour moi, il s’agit d’un ancrage supérieur et exigeant, contre les petites compromissions quotidiennes, contre la tentation d’oublier l’autre, contre l’emballement facile… contre le militantisme aveugle. Quitte à heurter un ami, un proche.

Le débat entre cathos n’a pas été médiocre. Comme Jean-Pierre Denis, « je n’ai pas vu trace du fameux « communautarisme ». Les exigences qu’ils ont portées sont d’intérêt général – ce qui explique peut-être aussi l’ardeur de certaines positions.

La campagne en revanche n’a rien apporté. Elle a cristallisé les positions et n’a fait qu’exacerber chacune des réserves que j’exprimais il y a deux mois. Les trois candidats cités n’ont fait que confirmer mes réticences.

François Bayrou, par sa décision de voter pour François Hollande, vient de signifier clairement que les questions éthiques et sociétales auxquelles j’attache de l’importance sont pour lui subalternes. On est également en droit de s’interroger sur sa perception des enjeux  économiques, lui qui déclarait le 3 février dernier :

« Si le programme de François Hollande était appliqué, la catastrophe arriverait. Comme j’ai prédit il y a cinq ans la catastrophe de Nicolas Sarkozy ».

Nicolas Sarkozy, lui, a clairement choisi d’orienter sa campagne sur sa droite. J’ai d’ores et déjà ce que j’en pense. Sans pourtant tomber dans les outrances d’un Axel Kahn (pour ne citer que le dernier en date), son clip de campagne de second tour, empruntant aux codes habituels de l’extrême-droite, m’a paru odieux et constituer une trahison de ma droite. Si, comme le dit le Père Matthieu Rougé en fin de cette émission, le critère véritable de décision est la dignité de la personne humaine, je ne crois pas que la dénonciation de l’étranger soit très compatible avec cette dernière. L’opposition scénarisée aux syndicats, pratiquant de surcroît l’amalgame de tous, n’était pas non plus brillante. Enfin, l’orientation défensive, protectionniste, fermée sur elle-même de cette campagne ne correspond pas davantage à ce que j’ai toujours cru pouvoir attendre de lui. Comme d’autres l’ont écrit,  l’idée de frontière n’est pas condamnable, mais « le propre d’un homme politique est d’aider son peuple à embrasser de nouvelles frontières ».

Dire cela n’est pas oublier les réformes courageuses qu’il a menées, au premier rang desquelles la réforme des retraites, que les présidents précédents ont eu la lâcheté de ne pas mettre en oeuvre. Ce n’est pas oublier non plus son entregent international, le Traité de Lisbonne, la présidence française de l’Union Européenne, et l’énergie déployée pour contrer des crises économiques « d’une violence inouïe », en 2008 quand chacun a cru que l’ensemble du système économique pouvait s’effondrer, et en 2011. Ce n’est pas davantage oublier sa capacité sépcifique à « prendre l’avenir à bras le corps ».

Pour sa part, François Hollande, outre un programme qui s’inscrit dans un « déni de la réalité » (Jean Arthuis), a confirmé sans ambiguïté qu’il se plaçait en opposition systématique avec l’ensemble des choix éthiques et sociétaux qui me sont chers.

L’inscription fantasque et bricolée dans la Constitution d’une laïcité qui y figure déjà est confirmée. Elle est dirigée autant contre les catholiques que contre les musulmans. Parce qu’il manquait une dernière pierre contre les points essentiels - la liberté de l’éducation -mis en avant dans la pensée sociale de l’Eglise, François Hollande a donné au Comité Nationale d’Action Laïque les gages de son opposition à l’école privée, à l’image de sa politique en Corrèze. « Souvenez-vous de l’école libre ! », lui a lancé Nicolas Sarkozy pendant le débat. Oui, souvenez-vous en, François Hollande.

François Hollande, c’est aussi le remboursement de l’IVG à 100%. Puisqu’il l’était déjà à 80%, c’est un signal politique plus qu’une mesure de santé publique. C’est le mariage homosexuel mais c’est surtout, plus fondamentalement, l’adoption pour les homosexuels (que personne, malgré l’argumentaire complaisamment délivré, ne songe à limiter aux « situations existantes »). C’est, encore au-delà, la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes. C’est aussi la généralisation des expérimentations sur l’embryon, dans une précipitation qui traduit bien l’affrontement idéologique plus que le souci scientifique.

C’est enfin la légalisation de l’euthanasie, camouflée sous la périphrase euphémistique de « droit de finir sa vie dans la dignité ». C’est la légalisation de ce à quoi je m’oppose avec constance. C’est ainsi l’assurance que, demain, à l’instar de ce que l’Observatoire national de la fin de vie a relevé en Belgique, jusqu’à un tiers des euthanasies seront pratiquées sans le consentement explicite des patients.

Jean-Luc Romero – le président de l’ADMD, cette association qui instrumentalise des cas personnels douloureux, comme l’a fort bien démontré Tugdual Derville dans la Bataille de l’euthanasie – l’a confirmé fièrement :

Et ces choix seront mis en place dès cet été ! Comme le révèle la « timeline du changement » de François Hollande, la prétendue inscription de la laïcité dans la Constitution, le mariage homosexuel, l’adoption pour les homosexuels, la légalisation de l’euthanasie sont programmés pour être mis en place au mois d’août prochain. Ce n’est pas au mois d’août qu’une mobilisation peut prendre corps. Le bulletin de dimanche est notre dernière occasion de nous y opposer.

Le fait que cette présidentielle m’intime de choisir la défense d’une faiblesse contre une autre ne me plaît pas plus qu’à d’autres, qui s’abstiendront.

Mais, au-delà même de ma propre culture politique,

  • parce que la politique que je refuse chez l’un est réversible quand chez l’autre, elle sera irréversible,
  • parce que « la remise en cause de la structure fondamentale de la société rendrait la réponse [aux] défis économiques et sociaux plus difficile encore » (P. Mathieu Rougé),
  • et parce qu' "au premier tour, on choisit, et qu’au second, on élimine ", selon l’expression consacrée, je prends mes responsabilités et, pour moi, ce sera Nicolas Sarkozy.

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