Valérie Boyer : "La GPA, c'est du proxénétisme procréatif. Quelle est la différence entre louer un corps pour un rapport sexuel et louer un corps pour avoir un enfant ?"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Valérie Boyer : "La GPA, c'est du proxénétisme procréatif. Quelle est la différence entre louer un corps pour un rapport sexuel et louer un corps pour avoir un enfant ?"
©Reuters

Marchandisation du corps

Afin d'éviter que la France ne légalise un jour le recours aux mères porteuses, la députée Valérie Boyer a proposé à l'Assemblée nationale d'inscrire "l'indisponibilité du corps humain" dans l'article 1 de la Constitution.

Valérie Boyer

Valérie Boyer

Valérie Boyer est sénatrice LR des Bouches-du-Rhône et conseillère municipale de Marseille.

Voir la bio »

Atlantico : Afin d'éviter que la France ne légalise un jour le recours aux mères porteuses, vous avez proposé à l'Assemblée d'inscrire "l'indisponibilité du corps humain" dans l'article 1 de la Constitution. Pourquoi ce choix ?

Valérie Boyer : Mon collègue Philippe Gosselin a proposé une réforme constitutionnelle. De mon côté, j'ai proposé une loi plus pragmatique qui comportait quatre volets.

La question de l'indisponibilité du corps humain a été reconnue par le Conseil constitutionnel, mais n'est pas inscrite dans la Constitution. Il s'agissait de l'intégrer. Bien évidemment, ce principe ne vaut pas pour le don de sang, d'organes etc. Dans le cas de la GPA, il ne s'agit pas de faire un don de soi, mais bien un don d'un autre, avec la chair et le sang d'un autre. Il s'agit d'un échange mercantile entre deux personnes qui n'a rien d'altruiste ; on n'a ainsi aucune preuve de la façon dont est obtenu le consentement. Il aurait fallu que cela soit observé par le Conseil national d'éthique : cette solution aurait pu être envisagée, avec la mise en place d'un collège d'experts. Mais dans les cas actuels, on est très loin de ça. Il s'agit bien d'échanges mercantiles sans aucune ligne éthique.

A partir du moment où l'on considère que l'être humain est une personne et pas une marchandise, il n'est pas envisageable que l'on considère son corps comme un outil, et un enfant comme une chose, une marchandise. 

Quel problème juridique pose aujourd'hui la GPA, quand on sait qu'elle est autorisée dans de nombreux pays dans le monde ?

La GPA est déjà interdite en France. Il est important de réaffirmer l'existence de cette loi. Et il est important que la France, qui est un des rares pays dans le monde à s'être doté de lois bioéthiques, sous l'impulsion de François Mitterrand, lois pensées dans le même état d'esprit qu'avait Napoléon en nous dotant du Code civil, puisse les faire valoir et faire valoir le droit continental sur le droit anglo-saxon. Car aujourd'hui, c'est le cœur du problème : c'est le droit anglo-saxon qui prévaut sur ces questions, sur les droits français, allemand ou italien par exemple. 

Les partisans de la GPA se servent de cette situation en affirmant : "La GPA existe ailleurs. Pourquoi pas chez nous ?" Et bien si on ne peut pas chez nous, c'est justement parce qu'on a des lois de bioéthique et qu'on considère que l'être humain ne peut pas être une marchandise. Et que l'enfant, comme l'a dit la CEDH a pour intérêt supérieur de connaître ses origines. On pourrait imaginer qu'un jour, elle reconnaisse que l'intérêt supérieur de l'enfant est de ne pas être commandé, fabriqué, et conçu pour être cédé et vendu.

Dans quelle mesure un tel changement garantirait-il selon vous l'interdiction de cette pratique et empêcherait-il d'autres dérives du même type ? 

Sur le plan pratique, ma proposition comporte cinq volets. J'ai rajouté un article qui affirme que la vente d'enfants est interdite en France. Cet article n'existait pas dans notre droit. Une histoire récente avait été jugée à Blois où une femme a vendu ses enfants. La mère a été condamnée pour escroquerie car elle les avait vendus à deux familles (en faisant croire qu'un des jumeaux était mort-né). Les acheteurs ont été condamnés pour incitation à l'abandon d'enfant. Cette histoire est hallucinante et montre bien un vide juridique.

J'ai aussi interrogé, dans le quatrième article au gouvernement, sa volonté de proposer des accords binationaux avec les pays avec lesquels on peut travailler et des accords internationaux. Le gouvernement avait affirmé son opposition à la GPA, et refusait d'écouter nos propositions, affirmant qu'il ne s'agissait pas de la bonne méthode. L'absence de toute activité sur ce front de la part du gouvernement montre non seulement que leurs promesses n'ont pas été tenues mais surtout que nul n'a essayé de les tenir. Aucune démarche n'a été faite pour faire en sorte que les femmes ne soient pas considérées comme des outils et pour que les enfants ne soient pas vendus. Le ministère de la Justice a affirmé que cela ne servait à rien, que cela ne collait pas au droit français – toutes les sornettes habituelles. Le ministère du Droit des Femmes a déclaré ne pas en avoir parlé, parce qu'il ne s'agit pas de la priorité pour eux. La priorité, c'est l'avortement, la prostitution etc. Il est étonnant de voir que les mêmes qui ont réfléchi au problème prostitutionnel, et ont voulu améliorer la protection des femmes, trouvent que la gestation pour autrui n'est pas un problème. C'est un raisonnement assez paradoxal : pour moi, la GPA, c'est du proxénétisme procréatif. Quel est la différence entre louer un corps pour un rapport sexuel et louer un corps pour avoir un enfant ? 

Pour citer Aude Mirkovic, c'est sa chair et son sang. En droit français et international, c'est celle qui accouche. A un moment donné, il y a un problème quant à l'indisponibilité du corps humain variable.

Je demande donc des comptes et une action réelle de la France sur ces sujets-là. La conférence d'Oviedo, il faut le rappeler, a très largement été inspirée par les lois de bioéthique françaises, et c'est dans cet esprit qu'elle avait été ratifiée par la France. 

Le troisième volet montre que la GPA enfreint tout le code bioéthique. La marchandisation du corps, comme nous l'avons vu, mais aussi la chosification de l'enfant, et la minimisation des risques. Sur ce point, j'ai demandé des enquêtes et des comptes. Vous savez sans doute qu'une grossesse n'est pas une maladie, mais qu'elle comporte des risques psychiques et psychologiques. Vous imaginez dès lors le problème : une femme qui doit céder son enfant à la fin de sa grossesse rencontre d'énormes problèmes de ce genre-là. Ce phénomène n'a jamais été étudié. 

Enfin, il est assez gênant que ce soit la primauté de la biologie et la génétique qui compte : on ne reconnaît un enfant que du père. On se croirait dans un mauvais roman du XIXe siècle, dans lequel un enfant n'est reconnu que dès lors que sa paternité est reconnue. On affirme ici la primauté du lien biologique avec le père et la négation du lien maternel. On évacue l'épigénétique, qui concerne les liens entre la mère et l'enfant pendant la grossesse. La femme qui accouche n'est plus mère et ne compte pas. C'est l'acquéreur qui compte. C'est le point de départ d'une nouvelle guerre des genres absolument malsaine. La femme est niée biologiquement, physiologiquement (les gamètes de la mère ne comptent plus) et disparaît de l’État civil. En fait, la femme disparaît. 

Enfin, je défends deux principes de droit sur la transcription des actes d'état civil. Un des remparts qui subsistait était la non-transcription des états civils obtenus frauduleusement à l'étranger par les acquéreurs. Sur ce point, il faut savoir que c'est la petite chambre de la CEDH qui a donné un non-lieu, et qu'il faudrait donc retourner devant la grande. Il faut savoir qu'il ne s'agit pas d'une jurisprudence. Il faut retourner devant la CEDH pour bien montrer qu'en aucun cas le fait qu'il n'y ait pas retranscription à l'état civil ne gêne l'enfant. En revanche il est normal qu'après une fraude, on n'obtienne pas les avantages en plus de son méfait. Quand on transgresse la loi, on ne peut pas demander au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant que la loi soit changée. L'intérêt supérieur de l'enfant est d'avoir le droit à ses origines et de ne pas être une marchandise. On n'est pas au même niveau de droit. 

Il ne faut pas oublier qu'un enfant qui est scolarisé cinq ans devient français. Donc il n'y a aucune difficulté, tout comme pour la question de l'héritage. Il est faux de dire qu'il y a des "fantômes de la République". Ces enfants ont un état civil, qui ne correspond pas à la fraude des parents certes, mais on ne va pas demander à l'Etat de bénir la fraude commise. 

Il y a un autre volet qui est celui de l'extraterritorialité. Ce principe fait que si vous avez une relation sexuelle avec un mineur à l'étranger, c'est condamnable en France. Je souhaite qu'on applique ce principe d'extraterritorialité en ce qui concerne les GPA.

Quel avenir politique pensez-vous qu'aura le mouvement d'opposition aux mesures sociétales telles que le mariage homosexuel, l'ouverture de la PMA aux couples de femmes ou la légalisation du recours aux mères porteuses ? Que pèsent réellement ces enjeux sociétaux dans la perspective de la primaire de droite puis de la présidentielle 2017 ?

Selon un récent sondage réalisé par l’institut Opinion Way, 40% des personnes certaines d’aller voter à la primaire de la droite et du centre, veulent réserver l’adoption aux couples hommes/femmes, 31% souhaitent le maintien de la loi en l’état, et 28% souhaitent l’abrogation pure et simple de la loi Taubira. Cela signifie que plus des 2/3 des électeurs à la primaire sont toujours très mobilisés sur cette question. Aujourd’hui, nous voyons bien que les mouvements d’opposition à la loi Taubira (la Manif pour Tous et Sens Commun par exemple) sont encore dans la rue. Ces questions « sociétales » seront inévitables lors de la primaire et des présidentielles.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !