Vaccins contre la Covid-19 : la recherche en marche<!-- --> | Atlantico.fr
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Une infirmière prépare une dose du vaccin Sputnik V contre la Covid-19 dans une clinique de Moscou le 30 décembre 2020.
Une infirmière prépare une dose du vaccin Sputnik V contre la Covid-19 dans une clinique de Moscou le 30 décembre 2020.
©NATALIA KOLESNIKOVA / AFP

Bonnes feuilles

Olivier Jourdain a publié « Enquête au pays des antivax » aux éditions Plon. La France est le pays de Louis Pasteur et pourtant c'est aussi celui où l'on résiste le plus à la vaccination. D'où provient ce phénomène antivax ? Qui en sont les acteurs et quels sont leurs arguments ? Quel rôle jouent les réseaux sociaux désormais très relayés ? À l'heure de l'épidémie de Covid-19, ces questions deviennent cruciales. Extrait 2/2.

Olivier Jourdain

Olivier Jourdain

Le Dr Olivier Jourdain est médecin gynécologue obstétricien, ancien Interne des Hôpitaux de Bordeaux. Il est président de la CME de la Polyclinique Jean Villar depuis 2006, de la Commission Spécialisée d’Offre de Soins (CSOS-CRSA) Nouvelle Aquitaine depuis 2015 et de la Conférence des CME du Groupe ELSAN depuis 2018. Il est l’auteur de nombreuses communications et publications sur les pathologies liées au Papilloma Virus et à la vaccination HPV.

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Dès l’apparition du virus, la course aux vaccins est lancée. Les contraintes sociales induites par l’épidémie ajoutent encore une pression supplémentaire aux chercheurs. Des travaux sur des vaccins contre les coronavirus du SARS et du MERS ont déjà été publiés mais sont restés lettres mortes après la disparition des épidémies. La cible de tous les candidats vaccins sera la même, la protéine S (pour Spike) utilisée par le virus pour se fixer à la cellule humaine qu’il va infecter. L’identification de cette cible a été très rapide et recueille un consensus dans le monde de la recherche. En comparaison, la recherche pour le vaccin contre les oreillons a mis quatre ans avant d’aboutir, pour la varicelle il en a fallu trente-quatre, et, quarante ans après la découverte du virus du sida, il n’y a toujours pas de vaccin alors que de nombreuses équipes travaillent toujours sur ce sujet.

Des projets sont lancés dans toutes les directions. Plusieurs «plateformes » (technologies vaccinales) font l’objet de recherches : des vaccins à virus atténués ou inactivés, des protéines recombinantes, des vaccins à vecteurs viraux et d’autres utilisant des techniques encore jamais utilisées chez l’homme comme les vaccins à ARN et à ADN.

Au mois d’octobre 2020, plus de deux cents candidats vaccins sont déjà en lice. Les chinois Sinovac et Sinopharm testent des virus inactivés. L’université d’Oxford/AstraZeneca, l’institut de biotechnologie de Pékin/ Can/Sino Biological, l’institut de recherche russe Gamaleya et le laboratoire Janssen (Johnson & Johnson) travaillent sur un vecteur viral non répliquant – cette technique consiste à utiliser un virus non pathogène dont on a remplacé le génome par celui de la protéine S. Une fois intégré dans les cellules humaines, celles-ci vont fabriquer cette protéine. Une réaction immunitaire va alors apparaître et permettre de neutraliser le virus Sars-CoV-2.

Novavax et Sanofi travaillent, quant à eux, sur une plateforme de ce type sous unité protéique recombinante. Mais pour l’instant les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes.

La technique des vaccins à ARNm (ARN messager) sera, quant à elle, développée par Moderna en association avec le NIAID (Institut américain des maladies allergiques et infectieuses) et par le trio BioNTech/Pfizer et Fosun, énorme conglomérat industriel chinois.

Cette technologie à ARNm fait l’objet de recherche depuis plus de vingt ans sans qu’aucun projet n’ait encore abouti à une mise sur le marché. Pour le SRAS et le MERS notamment, la disparition de l’épidémie avait éteint les recherches devenues inutiles.

L’idée est d’utiliser la machinerie cellulaire de l’hôte (l’individu recevant le vaccin). L’ARNm placé dans la cellule va pouvoir induire la fabrication de l’antigène recherché (la protéine S). Celle-ci, comme dans les autres modèles, déclenchera l’immunisation recherchée. L’ARNm est habituellement utilisé par le noyau de la cellule qui l’utilise comme messager pour envoyer un ordre de fabrication à cette machinerie cellulaire.

Pour faire pénétrer l’ARNm dans la cellule, le vaccin utilise des «nanoparticules», objets de tous les fantasmes, nous y reviendrons. Il s’agit de petites particules lipidiques qui protègent l’ARNm fragile et lui permettent d’atteindre le cytoplasme – partie de la cellule qui entoure le noyau – de la cellule. La fragilité de l’ensemble représente un inconvénient car elle exige une conservation à très basse température, de − 20 à − 80°C, ce qui complique la logistique de distribution de ces vaccins.

Cette plateforme vaccinale est toutefois plus simple que les autres, la production de vaccins faisant appel à  des techniques biochimiques sans avoir besoin de cultures cellulaires, comme pour les vaccins inactivés ou à vecteur viral. Le développement et la fabrication de ces vaccins sont plus faciles, ce qui explique que les premiers vaccins sur le marché appartiennent surtout à cette plateforme vaccinale à ARNm.

Les études de phase 3 ou «études pivots» sont publiées rapidement. Celle de Pfizer/BioNtech, publiée en décembre, randomise 43 448 personnes dont la moitié reçoit le vaccin et l’autre moitié un placebo. Une efficacité de plus de 90% est annoncée avec des effets secondaires sans surprise : céphalées, fatigue, douleur au point d’injection. L’histoire de BioNtech et de ses fondateurs, le couple de biologistes Özlem Türeci et Ugur Sahin, immigrés de seconde génération d’origine turque, est une vraie success story. Travaillant sur un vaccin contre la grippe utilisant la technique ARNm, ils ont l’intuition de l’importance de l’épidémie à venir et développent en urgence un vaccin contre le Covid-19. Avec le soutien de Pfizer, la recherche avance très vite. Moderna, pilotée par le Français Stéphane Bancel, se lance sans toutefois avoir le soutien de capitaux privés; c’est Anthony Fauci, immunologue américain et directeur de l’Institut national des allergies et maladies infectieuses, qui leur vient en soutien au nom du département américain de la Santé.

La peur de la nouveauté agrège les fausses informations

Comme pour toute nouvelle technologie, les fake news abondent et attisent les craintes. Les vaccins à ARNm sont particulièrement ciblés, car l’utilisation d’acides nucléiques (ADN, ARN) renvoie à la génétique et aux potentielles «manipulations » de l’ADN. L’ARNm utilisé dans les vaccins est fabriqué en laboratoire, et aucune particule virale n’est en contact avec le vaccin, ce qui est un gage de sécurité. En effet, aucun autre antigène d’origine virale et risquant d’induire des effets secondaires n’est présent dans le produit injecté.

La crainte concernant un «organisme génétiquement modifié » plane autour du vaccin dès que l’on parle d’ADN ou d’ARNm. Certains parlent même de thérapie génique. Le point commun est effectivement l’utilisation d’acides nucléiques, mais la comparaison s’arrête là. En fait, les thérapies géniques permettent de réparer l’ADN des cellules dans leurs noyaux. L’ARNm, en revanche, est un simple support génétique très labile qui induit la fabrication d’une protéine puis disparaît très rapidement. Il n’a pas la capacité de rentrer dans le noyau de la cellule et de modifier les gènes présents sur les chromosomes. Seuls les rétrovirus comme le VIH possèdent la capacité de transformer l’ARN en ADN à l’aide d’une enzyme (outil biochimique) appelé transcriptase inverse. Les fragments de rétrovirus endogènes fossiles intégrés à notre génome n’ont pas cette capacité. Il n’y a donc pas de possibilité que l’ARN des vaccins puisse être transcrit en ADN puis pénètre dans le noyau. De même pour l’ADN, s’il existe des techniques permettant l’intégration de certains fragments dans le génome, elles sont totalement différentes de celles utilisées pour la vaccination. Pour les vaccins, on utilise des «plasmides» (ADN sous forme circulaire) qui n’ont pas la capacité de s’intégrer à l’ADN chromosomique. Dans un article du «Canal Détox» de l’INSERM, les affirmations du Pr Christian Perronne, infectiologue, ancien président de la commission spécialisée sur les maladies transmissibles du HCSP (Haut Conseil de la santé publique), sont démenties notamment par le Pr Jean-Daniel Lelièvre, médecin, responsable de la recherche clinique au sein du Vaccine Research Institute; interrogé par les «Décodeurs» du journal Le Monde, il utilise une métaphore signifiante : «C’est un peu comme dire qu’un enfant peut donner naissance à sa mère On ne peut pas revenir en arrière.»

Bien entendu, des questions restent pour l’instant sans réponses; la durée d’efficacité qui est déjà de plusieurs mois ne sera connue définitivement qu’ultérieurement. De même, l’apparition de variants peut modifier l’efficacité d’un vaccin. Ce phénomène est connu pour beaucoup d’autres agents immunisants, il faudra d’autres études encore pour appréhender tout cela. Elles sont déjà en cours; on peut d’ailleurs prévoir qu’à la vitesse actuelle des recherches ces questions trouveront des réponses rapidement.

Vaccin Covid, nanoparticules toxiques, 5G, traçage sous-cutané, injection de puces électroniques… d’où viennent ces rumeurs?

Les «nanotechnologies » renvoient à un ouvrage de science-fiction célèbre, La Proie, écrit en 2002 par l’auteur de Jurassic Park, Michael Crichton. Dans ce roman, des nanorobots autonomes se multiplient à grande vitesse pour former une « gelée grise » qui dévore tout sur son passage. De véritables études scientifiques ont effectivement eu lieu sur ce thème au début des années 2000, mais elles se sont heurtées à des difficultés rédhibitoires selon leurs propres concepteurs; par exemple, leur propulsion n’est pour l’instant pas possible, et on ne sait pas contrôler le déplacement de particules aussi petites.

Les nanoparticules des vaccins à ARN sont de simples petites particules de lipides qui protègent l’ARN présent dans le vaccin. Rien à voir donc avec les nanoparticules provenant de combustions (moteurs diesel, feux de forêt, fumées volcaniques) ou de dioxyde de titane qui peuvent être présentes dans certains produits cosmétiques. La toxicité de ces dernières est, elle, avérée, mais il s’agit d’un autre sujet.

Peut-on utiliser des nanoparticules pour le traçage, c’est-à-dire peut-on suivre à son insu la vie quotidienne d’un individu à l’aide de ces particules? Cette rumeur est née après la publication d’une étude du MIT (Massachusetts Institute of Technology) à propos de nanoparticules injectables sous la peau émettant une lumière fluorescente qui pourraient être utilisées dans les pays ne disposant pas d’un système de carnet de vaccination. Cette fluorescence pourrait être lue par une caméra de smartphone et constituer ainsi une sorte de carnet de vaccination intégré physiquement à l’individu. La technique est plus proche du marquage au feutre indélébile que des nanorobots de Michael Crichton. Ce projet a été financé en partie par la Fondation Bill-et-Melinda-Gates mais n’a rien à voir avec une «puce» électronique qui serait injectée dans le corps humain ni avec le vaccin Covid. Il n’y a pas non plus de point commun avec la 5G – cette technologie fait l’objet d’une fake new au Royaume-Uni et aux États-Unis où on l’accuse d’avoir déclenché l’épidémie de Covid-19 sans aucun fondement scientifique.

Ces nanoparticules ont donné lieu à quantité de messages de désinformation sur les réseaux sociaux. Dans le cadre de la régulation des plateformes, Facebook a été accusé d’interdire l’utilisation du terme «nanoparticule ». Cette information a été relayée en France par BFM TV. Dans les faits, il s’agissait simplement de « supprimer les fausses allégations selon lesquelles les vaccins Covid contiennent des micropuces ou tout autre élément ne figurant pas sur la liste officielle des composants des vaccins ».

A lire aussi : Enquête au pays des antivax : réseaux sociaux, fake news, complotisme et vaccination

Extrait du livre d’Olivier Jourdain, « Enquête au pays des antivax », publié aux éditions Plon

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