Une survivante d’Auschwitz adopte le petit fils du commandant du camp où elle avait été victime d’atroces expériences scientifiques<!-- --> | Atlantico.fr
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Eva Mozes Kor a été internée au camp d'Auschwitz où elle a été le cobaye pour des expériences médicales.
Eva Mozes Kor a été internée au camp d'Auschwitz où elle a été le cobaye pour des expériences médicales.
©Reuters

Histoire

70 ans après la mort de ses parents dans le tristement célèbre camp de concentration, Eva Mozes Kor a décidé de devenir la grand-mère de cœur de Rainer Hoess, le petit-fils de Rodolf Höss, véritable acteur du régime nazi.

Elle a échappé à l'Ange de la Mort pour devenir la porte-parole de l'espoir et du pardon. Eva Mozes Kor, survivante d'Auschwitz, a vécu le pire. Aujourd'hui elle vient de nouer une incroyable, voire inouïe, relation avec le descendant d'un dignitaire nazi. Pourtant à 10 ans, la vie d'Eva a basculé dans l'horreur alors qu'elle est envoyée, comme le reste de sa famille, au camp de concentration d'Auschwitz. Originaire de Roumanie, Eva et sa sœur jumelle Miriam vont même devenir les sujets des expériences médicales du Dr Mengele.

En 1944, après que leur village ait été envahi par les Allemands, la famille d'Eva est envoyée à Auschwitz. A peine arrivées, les sœurs jumelles sont séparées de leur père et de leurs deux autres sœurs. Ne reste que leur mère dont elles vont rapidement etre arrachées. Ce qui va intéresser les Nazis, c'est leur gémellité. Elles sont alors traitées "comme un morceau de viande". Déshabillés et examinées, elles le sont régulièrement au nom de la recherche médicale.

A Auschwitz, elles vont devenir les cobayes du Dr Josef Mengele, surnommé tristement l'Ange de la Mort, qui injectera même à Eva un cocktail de bactéries mortelles dont elle survivra. "J'ai juste pensé, 'si je meurs, alors Miriam sera assassinée aussi", raconte la rescapée désormais âgée de 80 ans. Car pour alimenter les hypothèses du médecin nazi, si un jumeau décédait, il tuait l'autre pour réaliser une autopsie post-mortem. Cette survie, comme 200 autres jumeaux sur les 1 500 emprisonnés, Eva l'a raconté dans plusieurs ouvrages.

En 1984, les deux sœurs décident de fonder CANDLES, un acronyme pour Children of Auschwitz Nazi Deadly Lab Experiments Survivors. Elles se rendent régulièrement à Auschwitz. En 1995, alors que sa sœur Miriam est décédée deux ans plus tôt d'une forme rare de cancer, Eva crée le musée et le centre éducatif sur l'Holocauste à Terre-Haute, une petite ville de l'Indiana aux Etats-Unis où elle a immigré après s'être mariée avec un survivant de l'Holocauste.

C'est grâce à cette action et à cette implication dans ce travail de pardon que Rainer Hoess va réussir à la contacter. Il n'est autre que le petit-fils de Rudolf Höss, qui a occupé un rôle de premier plan dans le génocide juif pendant la Seconde guerre mondiale. Le SS, fidèle parmi les fidèle de Himmler, est le premier commandant du camp d'Auschwitz, où 1,1 million de personnes a trouvé la mort. C'est à lui, entre autre, que l'on doit les chambres à gaz et l'utilisation de Zyklon-B. Pour ces crimes, Höss a été exécuté en 1947.

Un héritage familial que Rainer Höss n'a pas supporté. Son père a grandi dans une maison jouxtant le camp et jouait avec des jouets fabriqués par les prisonniers. Rainer, lui, explique qu'il est prêt à aller uriner sur la tombe de son grand-père s'il savait où il est enterré. "A la maison, c'était une véritable dictature, nous ne pouvions pas être en désaccord, raconte-t-il. Je devais admirer mon grand-père comme un héros." Telle une thérapie pour faire le deuil de sa famille qu'il a renié, Rainer Höss raconte, au journal Dawn, qu'il est prêt à tout pour conjurer la malédiction qui a frappé son entourage.

C'est peut-être ça qui l'a poussé en 2013 à envoyer un email à Eva Mozes Kor. Il souhaite la rencontrer. Au départ, elle pense à un imposteur. Quel descendant de Nazi peut s'opposer à ces crimes se demande-t-elle. Celui qui œuvre désormais pour prévenir contre les mouvements d'extrême-droite lui renvoie alors un second email où il lui demande d'être sa grand-mère. Il faudra attendre juillet dernier et leur première rencontre pour qu'elle accepte. Eva s'est dite immédiatement fascinée par l'intelligence de Rainer, aussi bien par son courage que sa bonté. Elle est surtout impressionnée par le fait que, malgré une enfance entourée du mal, il a réussi à devenir "un être humain convenable".

Comme un pied de nez à l'Histoire, elle a trouvé assez de compassion et de force pour pardonner aux SS nazis. "Je suis fière d'être sa grand-mère", a confié Eva Mozes Kor au magazine VICE. "Je l'admire et je l'aime. Il a besoin de recevoir l'amour d'une famille, celle qu'il n'a jamais eu." Décrivant leur relation empreinte d'une "réelle affection et d'une compréhension émotionnelle".

Une œuvre qu'elle compte bien poursuivre. En décembre dernier, Eva Mozes Kor, armée pour affronter les réseaux sociaux, twittait "Commencez la nouvelle année en prenant un nouveau départ. Pardonnez à tous ceux qui vous blessent. Cela vous guérira de l'intérieur et vous rendra libre."

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