Une semaine après les élections européennes : trois leçons pour l’Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Les drapeaux des pays membres de l'Union Européenne. Parlement Européen, Strasbourg
Les drapeaux des pays membres de l'Union Européenne. Parlement Européen, Strasbourg
©RONALD WITTEK / POOL / AFP

Conséquences

La dissolution de l’Assemblée nationale et ses conséquences sur le paysage politique national ont éclipsé l’actualité du Parlement européen nouvellement élu. En effet, la droitisation du Parlement qui était attendue est devenue réalité et les changements pourraient être importants et durables à Bruxelles.

Pierre Clairé

Pierre Clairé

Pierre Clairé est analyste du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques diplômé du Collège d’Europe

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Von der Leyen sur une voie royale ?

Le Parti Populaire Européen (PPE) d’Ursula Von der Leyen a conforté sa première place au Parlement. Le parti de centre-droit reste avec 186 sièges le premier parti au Parlement européen et améliore son total de 10 sièges. Ce bon résultat implique qu’Ursula Von der Leyen est en bonne voie pour conserver son poste de Présidente de la Commission. En effet, le centre-droit, les libéraux et le centre-gauche recueillent plus de 400 sièges et sont en mesure de soutenir la candidature de Von der Leyen, comme en 2019. Ainsi, la reconduction de la majorité libérale qui domine Bruxelles depuis près de 50 ans est en passe d’être reconduite. Pour arriver à son but, elle devra obtenir l’approbation des principaux chefs d’Etat et de Gouvernement européens, soit l’Allemagne, la France, l’Espagne ou l’Italie, dont les ultimes négociations se font actuellement au G7 d’Apulia. Von der Leyen peut déjà compter sur le soutien de l’Allemagne ou de l’Espagne et il se murmure qu’Emmanuel Macron, un temps réfractaire, est prêt à la soutenir. Giorgia Meloni ne devrait pas être un frein à on der Leyen, et devrait appuyer sa nomination si elle obtient un bon portefeuille pour l’Italie, voire la nomination de son candidat à la Présidence du Conseil à l’automne prochain. 

Pour autant, Von der Leyen n’est pas assurée de redevenir Présidente de la Commission. L’obtention de la majorité absolue par les 3 partis historiques ne signifie pas que sa reconduction soit un long fleuve tranquille, alors que le vote est secret et est propice à l’abstention ou au vote contestataire. Ainsi en 2019, malgré une majorité de 432 sièges, Ursula Von der Leyen n’avait recueilli que 383 votes favorables car même au sein des partis de la coalition, elle est loin de faire l’unanimité. On estime que près de 10% des députés élus de chaque groupe ne devraient pas voter pour elle (par exemple les députés LR au sein du PPE), ce qui la rapproche dangereusement de la barre des 361 députés et fait craindre un refus. Pour assurer sa réélection, Von der Leyen pourrait être tentée de s’attacher le soutien d’autres députés, mais c’est ici que les ennuis pourraient commencer. En allant vers Meloni et les Conservateurs, elle pourrait s’aliéner la gauche et les libéraux, en allant vers les écologistes, elle pourrait heurter une partie du centre-droit. Les prochaines semaines risquent donc d’être tendues pour la présidente de la Commission européenne. 

Droitisation du Parlement 

La droitisation du parlement européen a bien eu lieu. Au-delà de la victoire du PPE, les résultats ont été marqués par l’arrivée en masse des partis conservateurs et de droite nationale au Parlement de Bruxelles. Le Rassemblement National a enregistré un score historique en France, ce qui lui donne la plus grande délégation nationale au Parlement. Giorgia Meloni, cheffe de file de Fratelli d’Italia, est arrivée en tête en Italie, ce qui lui a permis d’accroître sa domination nationale face à la Ligue de Matteo Salvini. Seulement, Giorgia Meloni présente un autre avantage. Parmi les membres du Conseil européen, elle est celle qui dispose de la plus grande délégation nationale et donc du capital politique le plus important.  A eux deux, les partis des Conservateurs et Réformateurs Européens (CRE) et Identité et Démocratie (ID) comptent presque 160 sièges au Parlement, ce qui en ferait le deuxième groupe du Parlement en cas d’alliance improbable, un séisme…

Pour autant, les partis existants de droite nationale et souverainistes ne constituent qu’une partie du phénomène. En effet, un grand nombre de parlementaires de droite nationale sont  non-inscrits ou issus de partis neufs, notamment FIDESZ de Viktor Órban (10 députés), l’AfD (15 députés), ou des petits partis comme le parti espagnol « La fête est finie » (3 députés). Ces députés seront courtisés dans les jours qui viennent par ID et le CRE, qui chercheront à présenter la plus forte délégation pour peser au mieux dans les futures nominations et obtenir des postes clés. Une alliance entre les différentes forces de droite semble impossible devant les grandes divisions, mais ces élections n’en restent pas moins historiques avec pour le moment plus de 340 députés de droite au Parlement. 

Libéraux et écologistes : le début de la fin ? 

Au niveau du Conseil européen, les plus grands perdants sont Emmanuel Macron et Olaf Scholz. Ces derniers sont mis de côté dans les négociations pour les « Top Jobs » depuis une semaine et ne disposent plus de marges manœuvre pour dicter la ligne politique de l’Union. D’un côté, Emmanuel Macron a subi une défaite catastrophique. Il doit désormais composer avec une campagne législative nationale avec un bloc centriste qui s’effondre. En effet, aux législatives de juin 2022, la majorité présidentielle, avait terminé en tête avec près de 26% des voix et était présente au second tour dans 417 circonscriptions, soit 72% des circonscriptions. Or, avec 18%-19% d’intentions de vote, le camp présidentiel ne pourrait se qualifier que dans moins de 300 circonscriptions, l’empêchant d’obtenir une majorité qu’elle soit relative ou absolue. De l’autre côté, Olaf Scholz a aussi connu une soirée cauchemardesque. Le SPD a enregistré ses pires scores dans une élection européenne, arrivant en troisième position et derrière l’AfD. Les membres de sa coalition ne s’en sont pas mieux tirés, avec une perte de plus de 10 députés pour les verts ou un score très bas pour les libéraux du FDP. Cette semaine a porté un nouveau coup au « moteur franco-allemand » incarné par Macron et Scholz et risque d’ouvrir une nouvelle ère en Europe, peut-être portée par Giorgia Meloni.

Au niveau du Parlement européen, les grands perdants de la soirée sont les écologistes et les libéraux. Les premiers ont perdu 18 sièges par rapport à 2019. Les écologistes paient la volonté des peuples européens d’en finir avec l’écologie punitive qui a emmené le monde industriel, agricole et énergétique dans le mur. Les libéraux ont également connu une douche froide, avec la perte de 23 députés, notamment avec les pertes de toute la délégation espagnole et d’une grande partie de la délégation française. Ainsi, le poids politique des libéraux reculera dans les institutions européennes, même si Kaja Kallas, première ministre estonienne et issue de Renew, est pressentie pour le poste de Haute Représentante aux affaires étrangères car von der Leyen a toujours besoin des votes de Renew. En effet, ce n’est que le début de la fin de l’effacement progressif des libéraux dans les institutions européennes. 

Finalement, parmi les leçons de cette semaine au niveau des institutions européennes, la plus importante demeure que la reconfiguration des institutions européennes se fera sans la France car Emmanuel Macron a emmené le pays dans une impasse politique alors que les prochains jours seront déterminants. 

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