Une politique de relance par l’offre, oui. Mais les priorités choisies sont-elles les bonnes ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Jean Castex s'exprime lors d'une session de travail du MoDem à Guidel le 26 septembre 2021. Le Premier ministre a dévoilé les contours des réformes économiques prévues par le gouvernement dans un entretien aux Echos.
Jean Castex s'exprime lors d'une session de travail du MoDem à Guidel le 26 septembre 2021. Le Premier ministre a dévoilé les contours des réformes économiques prévues par le gouvernement dans un entretien aux Echos.
©SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

Plan d'investissement

Dans une interview aux Échos ce lundi, Jean Castex défendait le choix du gouvernement d’une politique d’offre visant « la croissance la plus forte possible et la plus riche en emplois ».

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

Voir la bio »

Atlantico : La relance par l'offre est-elle une bonne chose que veut enclencher Jean Castex, comme il l’a indiqué dans son entretien dans Les Echos ?

Don Diego de la Vega : La relance est déjà un terme contestable car cela signifie que l’on considère que l’économie ne peut pas se relancer toute seule et qu’elle a besoin du gouvernement français. Alors que c’est l‘inverse, c’est l’économie qui relance l’état. C’est d’autant plus bizarre que le gouvernement se prévaut de 6% de croissance. On sait qu’il n’en est rien mais le gouvernement dans le même temps parle de relance et se félicite d’une croissance inédite. Ensuite, on parle de relance de l’offre parce que c’est connoté idéologiquement. Il y a eu beaucoup de relances de la consommation, donc de la demande, notamment à l’époque de Mitterrand. Cette période a été honnie par tout le monde, y compris par les dirigeants socialistes. Les outils de relance de la consommation sont devenus tabous, même dans les cas où il faudrait soutenir la demande agrégée (comme après 2008). Même François Hollande parlait d’une relance de l’offre. La relance de l’offre ça fait moderne, anglo-saxon, de centre-droit, proche des entreprises. C’est censé être un win-win. Mais relancer ce n’est pas toujours nécessaire, et cela doit se faire au moment opportun. Et si l’on relance l’offre, pourquoi pas la demande ? En fait, ce plan suit la même idée que lorsqu’Emmanuel Macron dit qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi, mais dit de manière plus subtile. D’où le plan de relance de la formation en 2022. Mais il y a un problème de timing. Ces jeunes arriveront sur le marché du travail en 2023, or la Banque de France prévoit 3% de croissance à cette date, donc il y a un vrai mismatch temporel. L’Etat est-il bien outillé pour faire de la formation après 50 ans d’échecs, est-il capable de bien le calibrer dans le temps et dans l’utilisation des deniers publics ? N’y-a-t-il pas une meilleure utilisation de la ressource ? Parler des formations, ça ne mange pas de pain. Mieux vaudrait aller agir sur les vraies structures.

À Lire Aussi

Comment retrouver des dépenses publiques soutenables SANS retomber dans les erreurs ayant condamné la zone euro à une croissance faible ?

A mon sens, l’Etat doit contrôler mais il ne doit pas faire. Il doit avoir beaucoup plus de modestie règlementaire. Une vraie politique de l’offre est très difficile à mettre en place parce qu’il s’agit d’économie politique et non de politique économique.

Jean Castex parle de trois leviers : assurance chômage, la question de l'attractivité des métiers et des emplois et formation professionnelle. Est-ce que les cibles choisies par Jean Castex sont les bonnes ?

Ce ne sont pas forcément de mauvaises cibles, mais il y a énormément de poncifs. Le serpent de mer de la formation, le poncif des déséquilibres du marché du travail. L’utilisation de la ressource publique se fait de manière très désordonnée. Et on ne se pose pas les bonnes questions. Ne serait-il pas plus efficace de mener une vraie réforme de la formation plutôt qu’un nouveau plan de formation ? Est-ce même vraiment là où il faut agir ? Pour le gouvernement l’intérêt est de dire qu’il ne cherche pas seulement à relancer les incentives en réformant l’assurance chômage. Parler de formation, cela permet de donner un vernis de centre gauche au gouvernement. Ça ne mange pas de pain mais ça ne permet pas de traiter le fond du problème de la formation.

Et si le gouvernement voulait mener une vraie relance par l’offre, quelles cibles faudrait-il viser ?

D’abord, éliminer toutes les barrières pour accéder à certains métiers. Ceux que l’on ne peut plus faire sans un certain diplôme ou une accréditation. Aujourd’hui, par exemple pour accéder à des métiers comme couvreur, il faut des CAP spécialisés qui s’obtiennent au bout d’un an. Certains n’ont pas le temps et l’argent pour cette formation. Il y a des citadelles entières de métiers protégés. Cela serait la meilleure chose pour la libération de l’offre productive en France, mais c’est aussi le meilleur moyen de se mettre tout le monde à dos.

À Lire Aussi

Plein emploi, croissance, modèle social préservé…: les promesses d’Emmanuel Macron sont-elles tenables ?

On peut aussi envisager d’arrêter de faire payer des impôts à ceux qui débutent dans la création d’entreprise. On a des dispositifs d’aides nombreux et peu clairs que l’on pourrait supprimer en contrepartie de quoi on décrète qu’il n’y aura pas d’impôts sur les sociétés pour les prochaines années. La survie des PME dans leurs premières années est un élément crucial.

L’autre problème pour l’offre productive en France vient des effets de seuil. Nous n’arrivons pas à les supprimer. Or le problème de l’Hexagone, ce ne sont pas les PME, c’est le fait qu’elle ne deviennent pas plus grosses. On peut mettre en place des techniques fiscales, sociales et règlementaires qui permettraient de grossir.

Le problème est que les vrais sujets concernant l’offre productive demandent de s’attaquer à des rentes. En particulier celles de ceux qui ont réussi à échapper aux réformes durant les dernières années.

À Lire Aussi

La peur de l’inflation fait son grand retour. Avec toujours aussi peu de fondement quand on regarde les chiffres de près

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !