Une histoire des économistes d’Aix-Marseille : quand les petites histoires nous racontent une plus grande<!-- --> | Atlantico.fr
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A travers le récit des économistes locaux, d’Aix et Marseille, l'auteur nous dévoile l’étendue des transformations institutionnelles qui ont façonné le paysage intellectuel français.
A travers le récit des économistes locaux, d’Aix et Marseille, l'auteur nous dévoile l’étendue des transformations institutionnelles qui ont façonné le paysage intellectuel français.
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Réflexion

L’ambition du livre de Jean-Yves Naudet est simple : « raconter l’histoire des économistes d’Aix comme de Marseille », de 1800 à 1970.

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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L’ambition du livre de Jean-Yves Naudet est simple : « raconter l’histoire des économistes d’Aix comme de Marseille », de 1800 à 1970. Et pourtant, le résultat intéressera bien au-delà du petit cercle des historiens intéressés par la vie académique locale, car le professeur d’économie retrace, à travers un ouvrage érudit, clair et plein de sensibilité à l’égard des portraits qu’il dépeint, toute l’histoire de la science économique et au-delà de notre enseignement supérieur.

C’est là tout le talent de l’enseignant féru d’histoire. A travers le récit des économistes locaux, d’Aix et Marseille, il nous dévoile l’étendue des transformations institutionnelles qui ont façonné le paysage intellectuel français.

Ainsi, nous dit-il, alors que la science économique se développe dès le XVIIIe siècle, sous l’impulsion de penseurs majoritairement français, dont les réflexions influenceront jusqu’à Adam Smith, considéré comme le père fondateur de la discipline, il faudra attendre 1877 pour que les facultés aient une chaire d’économie. Et encore, au sein des facultés de droit uniquement, car l’économie est jugée trop subversive pour faire l’objet d’un cursus à part entière ! Et comme seuls les agrégés de droit pouvait enseigner en faculté de droit, c’est donc naturellement que les premiers enseignants en économie furent des juristes.

Les économistes ont donc développé leurs travaux et réflexions en dehors des universités. Dans les Académies de province, au sein des sociétés d’économistes ou encore dans les facultés libres. Comme si, tant que l’économie n’avait pas sa place à l’université, elle était chez elle partout ailleurs. Et sans surprise, cette époque fut aussi celle où la pensée libérale était majoritaire parmi les économistes, avant de lentement décliner, pour n’être plus qu’en vogue sous la IIIe République, puis chahutée Après-Guerre et enfin honnie aujourd’hui.

Trajectoire qui suit en réalité celle du corsetage académique de la discipline économique. Tant qu’existait un grand nombre d’organisations et d’institutions diverses, la pensée était à l’image du paysage institutionnel dans lequel elle se développait : foisonnante, libérale. Mais la régulation des facultés libres, reléguées au rang d’institut, et la séparation du droit et de l’économie, par la création en 1969 des facultés d’économie, a eu raison de son dynamisme. Enfermée dans ses facultés, l’économie est rentrée dans le rang, elle s’est disciplinée.

Peut-on y lire ici une partie de l’échec de l’ensemble de notre système d’éducation ? On peut le penser, car ce que révèle cette petite histoire locale de l’économie, c’est que l’enseignement en silo, dépourvu de ponts entre les disciplines, et le monopole de cet enseignement, tende à rigidifier les pensées. Voilà sans doute un message, guère optimiste, mais si important, que nous révèle l’ouvrage.

Et pour se rassurer, on peut néanmoins se dire que si l’histoire d’Aix-Marseille est un condensé de l’histoire intellectuelle de la France, tout n’est pas perdu pour la diversité des opinions. Après tout, c’est à Aix-en-Provence qu’on retrouve aussi bien « les Université d’Eté de la Nouvelle économie organisées par les Nouveaux économistes (les libéraux), les Rencontres économiques [du] Cercle des économistes (le mainstream) et les rencontres « déconnomiques » (la gauche radicale) ». Tout n’est donc pas perdu.

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