Ukraine : les Russes attendent les élections de midterm américaines. Mais ont-ils raison de miser sur « l’aide » d’une éventuelle majorité républicaine à venir ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président américain Joe Biden s'adresse à une session conjointe du Congrès à Washington, le 28 avril 2021.
Le président américain Joe Biden s'adresse à une session conjointe du Congrès à Washington, le 28 avril 2021.
©Melina Mara / POOL / AFP

Résultats électoraux

A quelques mois des élections de midterm aux Etats-Unis, la télévision russe estime qu'une victoire des Républicains au Congrès serait une bonne chose pour la Russie. Le camp républicain va-t-il faire évoluer la stratégie américaine vis-à-vis de l'Ukraine ?

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico : Alors que les midterms approchent, la télévision russe affirme qu’une majorité Républicaine au Congrès serait une bonne chose pour la Russie car elle serait synonyme d’un changement de politique. Cela serait-il vraiment le cas ?

Gérald Olivier : Ce qui est à peu près acquis, c’est que les Républicains vont reprendre le contrôle du Congrès à l’issue des élections intermédiaires de novembre 2022. L’incertitude concerne l’ampleur de cette vague républicaine. Si le parti Républicain obtenait une majorité des deux tiers dans les deux chambres – la Chambre des Représentants et le Sénat – La Maison Blanche se retrouverait mise sur la touche, car cette « super-majorité » permettrait au Congrès d’outrepasser un véto présidentiel et dès lors de gouverner effectivement le pays… Ce cas de figure est peu probable néanmoins.

Quoi qu’il arrive cela ne changera pas fondamentalement la politique américaine en Ukraine. Il existe une frange isolationniste au sein du parti républicain, mais elle est très minoritaire. Certains élus estiment que les milliards de dollars envoyés en Ukraine seraient mieux utilisés s’ils étaient investis aux Etats-Unis au service des citoyens américains. Mais ce sentiment pèse beaucoup moins, dans l’opinion publique américaine, que la nécessité d’aider l’Ukraine à se défendre face à l’agression russe, et, qui sait, peut-être infliger à la Russie une défaite mémorable qui calmerait ses ardeurs belliqueuses pour plusieurs décennies…

L’argumentaire russe repose surtout sur l’idée que les Républicains vont refuser de dépenser de l’argent de manière importante pour l’Ukraine. Est-ce un enjeu qui pourrait compter ?

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Tout récemment l’octroi de 44 milliards de dollars d’aide militaire et humanitaire à l’Ukraine a été opposé par seulement 57 représentants sur 435 et 11 sénateurs sur 100. CE qui signifie qu’outre les Démocrates, une large majorité des élus républicains a approuvé ces dépenses. Imaginer que cela change radicalement après novembre est difficile. Le débat sera plus animé, mais l’issue en sera la même.

Et ce qui ne changera c’est l’adhésion ferme des Etats-Unis à l’article 5 de l’Otan, auxdemandes d’adhésion à l’Otan formulées par la Finlande et la Suède, et à toutes formes de rapprochement entre l’Ukraine et l’Union européenne…

Des discours comme ceux du présentateur vedette Tucker Carlson sont donc minoritaires ?

Absolument ! Tucker Carlson est le chroniquer politique télévisé le plus populaire du moment. Il reflète une certaine opinion publique conservatrice, mais pas forcément l’establishment du parti Républicain. Cet « establishment » est à Washington et c’est lui qui dicte la politique du parti. Tucker Carlson est à l’Amérique ce que Eric Zemmour et à la France. Il applique une grille de lecture de la politique politicienne très éclairante, et apporte un décryptage du système impitoyable, dans le style « tous les politiciens sont des corrompus qui ont leur intérêt à cœur, pas le vôtre, et qui cherchent d’abord à vous contrôler pour ensuite pouvoir e servir. » Cela fonctionne très bien en termes d’audimat, mais ça ne se traduit pas forcément en bulletins de vote. En clair ce n’est pas Tucker Carlson qui fait la politique du parti républicain. 

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Quelle vision les Républicains ont-ils de l’Ukraine ? Certains pensent-ils comme le disent les Russes que les Ukrainiens sont des Nazis ?

Ce discours de propagande russe est très peu tenu et encore moins écouté aux Etats-Unis. La critique des Républicains envers l’Ukraine concerne la corruption de sa classe politique, pas la présence de néo-nazis dans son armée. Le discours russe est destiné à une audience strictement régionale. Vladimir Poutine en est resté à la seconde guerre mondiale. Il glorifie le sacrifice de millions de soldats soviétiques dans la lutte contre le nazisme, mais il semble ignorer que ce sacrifice est totalement inconnu des jeunes générations en Occident et en particulier aux Etats-Unis. Les jeunes Américains ignorent totalement qu’il y a eu pendant la seconde guerre mondiale un « deuxième front », à l’est,et que c’est en partie parce que les troupes allemandes étaient mobilisées contre ce deuxième front que le débarquement en Normandie a pu réussir. L’idée d’une survivance du nazisme en Ukraine et que cela puisse représenter une menace à l’Europe n’est prise au sérieux par personne.

Pour les Américains moyens l’Ukraine se résume aux circonstances qui ont entouré le premier procès en destitution de Donald Trump… Souvenez-vous en 2016 Joe Biden, alors vice-président, s’était vanté d’avoir obtenu le renvoi d’un procureur ukrainien en échange du versement d’une aide américaine de 600 millions de dollars. Or, ce procureur menait alors une enquête sur une entreprise appelée Burisma dans laquelle le fils de Joe Biden, Hunter, avait des intérêts. Il en était même membre du Conseil d’administration.La démarche de Joe Biden était plus que douteuse, et illustrait à la fois la corruption du régime ukrainien et une politique « des petits copains » tout aussi répréhensible aux Etats-Unis. C’est ce qui avait suscité la fameuse conversation entre le président Zelesnski et le président Donald Trump où ce dernier avait demandé à son homologue d’enquêter sur les agissements de la famille Biden en Ukraine, en échange d’une aide supplémentaire… On est très loin des dénonciations de néonazis

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie et le déclenchement de la guerre, avec son flot ininterrompu d’images de destructions d’immeubles résidentielspar les bombardements russes, l’image de l’Ukraine présentée par les médias et celle d’un peuple soudé et courageux qui se bat pour sa liberté, pour son territoire et pour le droit de rejoindre le monde occidental. L’opinion publique américaine, est très majoritairement favorable à la cause ukrainienne y compris chez les Républicains.

Et comme il est dans l’intérêt stratégique des Etats-Unis de soutenir cette cause, l’engagement américain ne cessera pas après novembre 2022 quoi qu’il arrive.  

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