TVA sur la chirurgie esthétique : une taxe qui pourrait précipiter la chute d'une activité déjà en déclin ?<!-- --> | Atlantico.fr
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A partir d’aujourd’hui, les patients vont se comporter comme tout agent économique, c’est à dire réagir à cette augmentation des prix imposée par le gouvernement.
A partir d’aujourd’hui, les patients vont se comporter comme tout agent économique, c’est à dire réagir à cette augmentation des prix imposée par le gouvernement.
©Reuters

Excès de zèle

A partir de ce lundi 1er octobre, les actes de chirurgie esthétique non thérapeutiques seront taxés par la TVA à 19,6%.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Taxer et ne quasiment pas toucher aux dépenses. Et si la politique économique du gouvernement se résumait à cela ? 


A compter d’aujourd’hui, les actes de médecine et de chirurgie esthétique n'ayant pas de finalité thérapeutique ne bénéficieront plus de l'exonération de la TVA.

Cette nouvelle mesure fiscale répond de cette logique d’augmentation des impôts. Selon Bercy, ce bouleversement fiscal s’inscrirait dans le droit fil de la jurisprudence communautaire et reposerait sur le distinguo entre actes à finalité thérapeutique et actes esthétiques non remboursés par l’assurance maladie. Le syndicat des chirurgiens esthétiques s’insurge, réfute et attaque le rescrits de l’administration fiscale devant les juridictions administratives.   

Mais l’essentiel est-il là ?

Etre pour ou contre ne me parait pas le vrai débat. La bonne question est de savoir si cette taxe procurera à un gouvernement qui refuse de baisser la dépense publique un relais de croissance ou bien s’il s’agit d’un symbole envoyé à des électeurs déjà déçus ?

L'objectif financier espéré de cette mesure est modeste : 20 millions d'euros.


Le secteur de la chirurgie esthétique en France est en décroissance, la demande ayant sensiblement diminué depuis 6 à 12 mois. Et le marché continue de se transformer avec la concurrence internationale rendue accessible par avion. La compétence de nos chirurgiens est pourtant mondialement reconnue.

A partir d’aujourd’hui, les patients vont se comporter comme tout agent économique, c’est à dire réagir à cette augmentation des prix imposée par le gouvernement.

Dans ce contexte de baisse du pouvoir d’achat des soins esthétiques des patients à hauteur de 20%, les chirurgiens auront trois possibilités :

Tout d’abord diminuer leurs tarifs TTC de 19,6 % maximum pour amortir à due concurrence la surcharge imposée aux patients par le gouvernement afin de ne pas subir de baisse d’activité. Une telle décision sera synonyme de baisse de la marge et de diminution des recettes fiscales pour l’Etat au titre de l’impôt sur le revenu de ces chirurgiens et donc de la TVA à récolter.  En revanche, si les tarifs TTC ne devaient pas baisser, certains patients retarderont nécessairement ou annuleront même les soins envisagés. Là encore, l’Etat sera perdant.

La deuxième hypothèse c’est l’exil des patients et/ou des chirurgiens. Aujourd’hui de nombreux pays offrent à qualité égale des tarifs très concurrentiels, transport inclus ! Certains praticiens rejoindront des cliniques à l’étranger, ce qui est déjà le cas. Dans cette hypothèse, la perte de recettes pour l’Etat concernera non seulement la taxation sur la valeur ajoutée mais aussi la taxation des activités liées (hospitalisation, prothèses…).

La troisième c’est l’évitement. Les chirurgiens adapteront leur activité à ce chamboulement fiscal, ainsi qu’à la limitation des honoraires du secteur 2 et à  l’augmentation de l’IRPP et de la CSG. La palette des soins offerts pourrait se restreindre, les praticiens préférant se limiter à des actes à forte valeur ajoutée. Les prothèses et autres matériels peuvent être acquis à l’étranger. Les patients demanderont plus de prise en charge à travers les lacunes ou zones floues de la nomenclature ce qui est aisé en médecine. L’évitement contribuera aussi à la perte de recettes fiscales.

Le bilan risque fort de ne pas être positif pour ce secteur d’activité. La palette de soins esthétiques disponibles en France pourrait être négativement affectée. Et l’objectif des 20 millions ne pas être atteint.  Au delà il y a le risque que la qualité des soins puisse être altérée par cette baisse des marges. En particulier la formation, l’investissement et l’innovation.

Au mieux, l’administration fiscale sera alors en mesure de tracer les actes comme les ventes de n’importe quel magasin ce qui permettra des contrôles plus précis.

D’un point de vue sociétal, cette décision risque d’ouvrir d’autres débats, plus délicats.  Demain, les « anti-avortements » objecteront que l’IVG n’a aucune finalité thérapeutique et réclameront les mêmes mesures fiscales dans le but d’en restreindre l’accès.  D’autres ne comprendront pas que les équivalents du Médiator soit prescrits et remboursés alors qu’une liposuccion ne le soit pas. Pour certains actes la frontière sera difficile à fixer et les décisions unilatérales de l’administration ne pourront que créer des frustrations : diminuer le volume de seins trop lourds peut être remboursé ... s'ils dépassent chacun les 300 grammes.

Sans doute eut-il été sage de surseoir à enclencher une telle réforme sans qu’une étude d’impact économique n’ait été conduite et que la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE), en réponse à une question suédoise sur ce sujet, ne se soit prononcée, ce qu’elle fera bientôt.

Le ministre du budget, chirurgien ayant  pratiqué des greffes capillaires a certainement poussé le zèle trop loin.

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