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Troubles bipolaires : "Ce qui a déclenché ma première crise"
©Reuters

Bonnes feuilles

Hélène et Marie sont bipolaires. Malgré une existence douloureuse, elles sont épanouies, actives, mariées et chacune est mère de deux enfants. Ce livre est le récit de leur combat. Extrait de "J'ai choisi la vie - Etre bipolaire et s'en sortir" (1/2).

À vingt- deux ans, je pars aux États-Unis pour une année mi-étude mi-travail dans une high school artistique du nord du Michigan. Une année de rêve.

À mon retour, ma vie d’adulte démarre. Mais, la maladie allait pointer son nez, une bombe qui explose. Sans dire son nom, elle vint me secouer comme une tornade, me rudoyer, me mettre à plat. Cela commence par une histoire banale, une histoire simple, une histoire de sentiments : je sors avec Guillaume, le frère de ma grande amie d’adolescence, Blandine, qui me courtise depuis longtemps déjà. En soi, rien de bien grave, c’est même plutôt idyllique. Mais voilà que les choses se compliquent. Blandine réagit mal. De l’amie chérie, je deviens une vulgaire fille sur qui on ne peut compter. Il se passe entre nous une tempête émotionnelle. De vraies chiffonnières, les filles ! La situation est compliquée par le fait que Blandine et son frère ont perdu leur mère suicidée quelques années auparavant, et qu’ils se sont terriblement rapprochés depuis. Blandine voit Guillaume s’éloigner. Et moi, je suis devenue une voleuse de frère.

Ce n’était sans doute pas justifié, mais ces disputes me mirent K.-O. Que l’amie tant aimée puisse devenir une ennemie m’était insupportable. C’était bien la preuve qu’une mère pouvait me remettre dans les bras d’une infirmière sans émotion, qu’une soeur pouvait m’empoisonner, qu’il faut se méfier de tous et de tout le monde… tout cela se cognait dans ma tête. Je me retrouvais à la fois abandonnée et en situation de rivalité, revivant les spectres de mon enfance.

Et puis, le sentiment amoureux, le vrai, m’avait fait perdre la tête. Il est étonnant de voir comme celui- ci s’était mué en un profond sentiment de culpabilité, comme je vivais les choses tel un formidable conflit d’intérêt, comme je crus qu’on me renvoyait à la figure une relation interdite et que j’explosais de cette culpabilité- là. Il est incroyable de voir comme mes forces s’étaient déployées pour me protéger contre celle- ci, comme j’avais développé une énergie intérieure monumentale pour me protéger moi- même et ma joie d’aimer.

Ces scènes révélèrent, pour la première fois, ma fragilité psychologique.

Tout à coup, j’étais habitée par mes émotions, mes angoisses, mes fantômes d’enfance. Je sen tais que cette liaison était en train de faire des ravages au sein de mon amitié avec Blandine et en même temps je me jetais à corps perdu dedans. L’excitation m’envahit bientôt complètement, telle l’inondation qui suit la tornade. Je ne voulais plus dormir et n’en voyais pas la nécessité. Je criais et pleurais à tout va. J’ai déversé des flots de haine sur Blandine à son frère, elle qui m’était, à mes yeux, devenue nocive. J’étais dans une fureur de lion, et en même temps dans l’enivrement d’aimer et d’être aimée. J’avais perdu tout contrôle de moi-même. Un puissant mal-être dans le bonheur. Peut- être la culpabilité de la perspective du bonheur.

Guillaume passait me voir de temps en temps, mais j’avais l’impression qu’il ne comprenait rien à mon état. Pas plus que mes proches. Et même moi, je me sentais étrangère à moi-même.

Une période que je sais aujourd’hui maniaque – je ne serai diagnostiquée que neuf ans plus tard – et qui allait me conduire tout droit dans un hôpital où je restais trois semaines.

En fait, c’est moi qui en demandai le séjour devant l’incompétence d’un médecin généraliste qui ne comprenait rien et chez qui ma mère m’avait fait emmener par la femme de ménage ! Je dis à mes parents : « Je veux aller à l’hôpital. » L’idée de la Suisse me trottait dans la tête. C’est en Suisse qu’on me guérirait, pensais- je. Inconsciemment, l’ombre de mon arrière- grand- mère qui avait fait des années de cure analytique dans ce pays me faisait fantasmer. La Suisse représentait à mes yeux le pays de l’air pur et de l’homéopathie.

Mais c’est à l’hôpital du coin que se terminera le rêve. Et c’est une kyrielle de psychotropes en tout genre, costauds, destinés à m’assommer, que je dus ingurgiter en guise d’homéopathie. « Avec ce traitement- là, je ne sais comment vous pouvez vous lever le matin », me dira un médecin à ma sortie. Les médicaments m’ont abattue au- delà de l’imaginable.

Extrait de "J'ai choisi la vie - Etre bipolaire et s'en sortir", Marie Alvery et Hélène Gabert, (Editions Payot), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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