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Trisomie 21 : le combat d'une mère pour sa fille adoptive (et oui les enfants handicapés peuvent être heureux)
©Reuters

Vécu

A l'occasion de la Journée nationale de la trisomie 21, Clotilde Noël, mère d'une fille adoptée atteinte de cette malformation congénitale, livre ici un témoignage qui se veut rassurant et optimiste.

Clotilde Noël

Clotilde Noël

Clotilde Noël est mère de huit enfants et travaille comme auto-entrepreneur dans la confection de vêtements. Elle est l'auteure de "Petit à petit" et de "Tombée du Nid", ainsi que la porte-parole France du mouvement mondial "Stop discriminating down".

Elle a crée une communauté de parents d'enfants handicapés : https://www.facebook.com/tombee.dunid.fr/ 

Voir la bio »

Atlantico : En 2015, vous écriviez Tombée du nid, dans lequel vous racontiez l'adoption de Marie, votre fille atteinte de trisomie 21. Quelques années plus tard dans Petit à Petit, on retrouve Marie plus grande et face à de nouveaux défis. Comment s'est passée cette période, et pourquoi écrire cette suite ?

Clotilde NoelLorsque nous avons décidé d'adopter Marie, nous avions six enfants biologiques. Alors que certaines personnes autour de nous pensaient que c’était la petite dernière nous avons réalisé que nous basculions dans une autre vie, nous arrivions à un nouveau point de départ. J’ai écrit le premier livre pour laisser à mes enfants une trace de ce que nous avons traversé et surtout le pourquoi de cette adoption alors que nous n’avons pas de problème de fertilité. Le premier livre s’arrête à la première adoption. Lorsque nous avons eu notre petite fille dans nos bras, à cet instant précis, nous avons réalisé que c’était un commencement.

Je ne voulais pas écrire de second livre mais beaucoup de personnes m’ont poussée à continuer, mon mari, mes enfants, des amis, notre famille, des journalistes voulaient connaître la suite de l’histoire de Marie. Nous ne pouvons en effet pas garder pour nous l'immense joie que nous apporte Marie. Petit à petit, je me rends compte que Marie opère sur chacun de nous une transformation intérieure discrète mais réelle , je pense qu'il est intéressant et même important de le mettre en lumière. J'ai donc repris l’écriture du journal. Lors de la sortie de mon premier livre Tombée du nid, nous avons créé une page Facebook "Tombée du nid" et une association éponyme afin de pouvoir relayer tous les droits d'auteur à des associations qui œuvrent pour aider les personnes en situation de handicap. Sur la page Facebook, les personnes ont commencé à rédiger spontanément des lettres à Marie pour raconter leurs histoires. Nous avons compris que ce n’était pas notre histoire qui importait mais, par effet miroir, celles de personnes qui ont des vies incroyables car ils ont su dépasser la souffrance pour en faire une belle vie. Souvent la trisomie- qui arrivait comme une mauvaise nouvelle, un tremblement de terre - a été transformée par ces familles en une réelle chance. Cette page nous a permis de créer une communauté de personnes qui vivent ce handicap de leurs enfants au quotidien. J'ai donc décidé d'accoler à mes écrits les lettres de 45 de ces familles qui sont devenues des amis, de leur donner le droit d’être éditéset d’être lus. Ce livre s'appelle Petit à petit aux éditions Salvator.

Notre histoire de l'adoption de Marie est bien le commencement, la création de quelque chose de nouveau, d’une communauté et le début d’une nouvelle aventure. Après l'adoption de Marie, nous avons adopté très récemment une petite fille polyhandicapée. Pour nous, le handicap n’est pas la fin d’une famille, d’un couple. Ce qui est important c'est qu'avant de parler de handicap, on parle d'un enfant. C'est cet enfant, notre nouvelle petite fille, que nous aimons. Nous l'aimons comme elle est, avec ses particularités, ses différences. Notre aîné a aujourd’hui 16 ans et entre dans l’adolescence de façon normale. C’est une façon de vivre la vie différemment, ce n’est pas une malchance. Ce bonheur, nous aimons le dire, le transmettre, il est important de redonner un souffle de vie là où tout le monde pense que c'est un cataclysme. Je ne le dirais jamais assez, ces enfants nous apprennent à vivre mieux, aimer plus ...

Vous insistez beaucoup sur la force paradoxale que porte en elle votre fille malgré sa jeunesse et son handicap. Comment l'expliquez-vous ?

Ces enfants handicapés nous obligent à aller plus lentement et c’est cela qui m’a fait redécouvrir ma maternité. Pour moi l’enfant normal est un mensonge qu’on nous balance à la naissance. Cette "normalité" ne veut rien dire et fait que nous sommes désemparés face à la moindre difficulté. Pour Marie nous savions qu’elle avait cette souffrance du handicap et de l’abandon, c’est à nous de nous mettre à son niveau, tout ce qu’elle fait est une réussite et nous n’avons pas la pression des objectifs. Cela supprime les peurs et les angoisses. Elle semble nous dire tous les jours :"keep cool" ! On avance petit à petit, unpetit pas après l'autre, et tout progrès est une gigantesque victoire qui raisonne de façon particulière au fond de notre cœur. Notre but, en tant que parents, c’est qu’elle soit heureuse et acceptée dans la société. L’enfant est comme il est, nous devons nous mettre à son niveau.

Nous sommes dans une société où nous attendons la perfection chez nos enfants. Ce mythe de l’enfant parfait masque la vraie réalité : ainsi dès qu’il y a une difficulté, les parents s'écroulent , alors qu’en fait il n’y a pas d’enfants sans difficultés. Nous devons donner un amour inconditionnel à nos enfants.

Marie m’a ouvert des paliers de compréhensions sur la vie. Elle me fait réfléchir en profondeur sur le sens de la vie bien plus que n'importe quel philosophe ! Notre société a besoin de ces enfants, ils peuvent apporter une vision nouvelle des choses. Au sein des communautés de l’Arche, c’est souvent les personnes qui s’occupent des personnes handicapées qui ont un réel besoin d'eux. Ces enfants nous font nous révéler : je ne me savais pas capable d’écrire un livre, j’ai été chercher des choses en moi que je n’imaginais pas. Marie me plonge dans une nouvelle dynamique : je ne vois plus les autres de la même façon. Il faut se tourner vers le monde extérieur, être autocentré n’apporte finalement rien ...

Cette transformation n’a pas seulement opéré en moi mais a contaminé aussi mon mari et nos enfants ! Nous sommes en train d’adopter une petite fille polyhandicapée. Nos enfants posent sur elle un regard libre ; ils l'acceptent comme elle est. Notre société théorise le handicap, théorise la souffrance mais on ne réfléchit pas la souffrance, on la vit au moment où elle vient.

Vous êtes la porte-parole France du mouvement mondial Stop Discriminating Down. Contre quelle discrimination vous battez-vous ? Qu'attendez-vous des services publics et des gouvernements à venir pour protéger les enfants atteints du syndrome de Down ?

J’ai fait cette promesse à l’état de m’occuper de Marie ma fille atteinte de trisomie, et de Marie-Garance ma deuxième fille polyhandicapée. Cette promesse n'est réalisable seulement si la société m'aide en ce sens. Je ne peux imaginer que mes filles soient pleinement heureuses si la France ne les accepte pas comme elles sont. Il faut être cohérent.

Je ne peux pas faire cette promesse si l’Etat me met des bâtons dans les roues à chaque fois que j’arrive avec mon enfant trisomique en me refusant de l’aide. Je souhaite que les gens posent un regard d'amour sur mes filles et non celui de la peur et du dégoût.

Je n'accepte pas que le CSA puis le Conseil d'Etat aient refusé la diffusion télé du spot "Dear future Mom". Ces enfants sont heureux et rendent leurs familles heureuses ainsi que les spécialistes qui les entourent ; il est important de le montrer. Avant de parler de handicap, ils sont des enfants. Je suis contre toutes les discriminations, et qui plus est contre celles qui concernent les enfants. C’est le juste retour d’une louve qui protège ses petits, c’est du bon sens de maman, j’ai besoin d’être entourée. Nous sommes dans un pays libre et je veux que cette liberté soit exprimée jusqu’au bout, y compris pour les enfants qui ont des handicaps ou des difficultés. Je suis donc devenue porte-parole pour la France du mouvement mondial #Stop Discriminating down.

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