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Le niveau de pression d'une poignée de main pourrait être un bon indicateur de l'état de santé des individus.
Le niveau de pression d'une poignée de main pourrait être un bon indicateur de l'état de santé des individus.
©Reuters

Jeux de mains

Molle ou énergique, le niveau de pression d'une poignée de main pourrait être un bon indicateur de l'état de santé des individus, selon une étude parue dans The Lancet.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Le grip ou force de préhension prédit le handicap

Déjà en 1999 des finlandais décrivait un lien entre la force de préhension de la main et le handicap lié à l’âge dans les gestes du quotidien. Plus tard, en 2010 une méta-analyse (comparaison de plusieurs études à l’aide d’une méthodologie statistique appropriée) retrouvait ces liens et permettait d’en ajouter un, celui de la mortalité. Pour chaque kg de force de préhension en plus, la mortalité observée baisse de 3%. 

PURE une étude qui établit le lien entre grip, risque cardiovasculaire et espérance de vie pour différentes ethnies

Dans l’étude PURE parue le 14 mai 2015 dans The Lancet la force de préhension de la main a été mesurée dans une vaste population de 139 691 personnes de différentes ethnies (17 pays) et de différents âges. Les auteurs ont par la suite, suivi cette population pendant 4 années et ont étudié la distribution des maladies et des décès de même que les causes renseignées. 3379 personnes sont décédées pendant le suivi. La force de préhension a été mesurée au départ en kg avec un dynamomètre suivant un certain protocole. En moyenne elle varie de 27,5 à 42 kg respectivement chez la femme et l’homme européens.

Pour chaque réduction de 5 kg de la force de préhension manuelle, on observe :

+16% de mortalité toutes causes

+17% de mortalité cardio-vasculaire

+7% d’infarctus du myocarde

+9% d’AVC

Aucun lien n'ont été trouvé avec la survenue d'un cancer. Les auteurs avancent que d'un point de vue cardio-vasculaire le grip serait plus prédictif que la tension artérielle.

Comment analyser cette étude ?

  • Tout d'abord, il s'agit d'une étude observationnelle.

Qu'est-ce à dire ? Les auteurs ne sont pas intervenus dans un groupe de personnes (par exemple par un programme d'entraînement musculaire) pour ensuite comparer ce groupe à un groupe témoin. Dans ces conditions il ne peut y avoir de certitude quant à la causalité et en particulier la causalité inverse. Une espérance de vie faible pour des raisons d’affections chroniques, diminuerait la force de préhension. Dans la perspective des études antérieures, ce lien semble très probable.

  • Que sait-on sur la forme physique, du risque de maladie cardio-vasculaire et de l’espérance de vie ?

Le caractère prédictif de la capacité à marcher 400m, de la vitesse de la marche et plus récemment d’interventions pour augmenter l’activité physique sur le risque cardio-vasculaire est établi par plusieurs études notamment les études LIFE. En revanche la preuve solide que de telles interventions prolongent l’espérance de vie manque.

  • Ce test ne remplace pas le calculateur de risque cardio-vasculaire (voir ici) mais ce dernier suppose la mesure coûteuse de paramètres biologiques.
  •  On peut néanmoins tempérer ces recherches par quelques limites :

- des patients ont été exclus car ils n’avaient pas d’adresse fixe pendant les 4 ans

- il existe une grande hétérogénéité du grip entre les différentes ethnies études

les résultats divergent à propos du cancer entre pays à faibles et hauts revenus

les fumeurs et les buveurs d’alcool ont une force de préhension de départ plus élevée ce qui peut paraître en contradiction avec les conclusions.

Quelles conclusions pratiques 

  • Une grande confusion règne autour de la compréhension de cette étude.

En effet, ont souvent été confondu la poignée de main et la force de préhension. Par exemple, ma poignée de main est un acte social qui traduit un échange qui est modulé en fonction des circonstances. Un travailleur manuel de force serrera doucement la main d’une femme ou d’un enfant mais si on lui demande de tester sa force de préhension il fera souvent plus de 45 kg au dynamomètre… Donc aucune prédiction de l’état de santé dans la poignée de main mais par contre une très bonne corrélation entre la force de préhension maximale et le niveau de forme cardiovasculaire.

  • Que signifie cette corrélation en particulier avec l’espérance de vie?

La force de préhension est le reflet de deux facteurs principaux: la masse musculaire en général ainsi que celle de la main et de l’avant-bras et le bon fonctionnement du système cardio-vasculaire, essentiellement la pompe cardiaque. Deux facteurs eux-mêmes très impliqués dans l’espérance de vie car la perte de la masse musculaire (sarcopénie) et la baisse du débit cardiaque sont des facteurs de diminution de l’espérance de vie contre lesquels on peut développer des stratégies de prévention.  La fragilité des personnes âgées est un sujet majeur de santé publique et la sarcobésité (perte de la masse musculaire associée à un sur-poids) qui remplace peu à peu la sarcopénie isolée de la génération précédente risque compliquer le diagnostic. Cette mesure simple pourrait prendre place avec d’autres dans le check up des personnes de plus de 60 ans. La constatation d’une force de préhension faible, d’une difficulté à marcher 400m sont des marqueurs de fragilité à prendre immédiatement en compte.

  • L’étude PURE ne donne pas les mesures absolues observées dans l’étude mais simplement les corrélations corrigées des facteurs comme le sexe, l’ethnie, l’âge etc.

Dans une correspondance avec l’auteur ce dernier nous indique que ces données seront analysées dans un autre papier. Il existe cependant des sources fiables de valeurs moyennes pour ceux et celles qui voudraient se livrer à un test de force de préhension

"Si, en effet, il était possible de trouver en outre, pour chaque nature individuelle, une mesure d'aliments et une proportion d'exercice sans excès ni en plus ni en moins, on aurait un moyen exact d'entretenir la santé." Hippocrate du régime livre premier. 

Il est intéressant de rappeler que cette intuition à propos d'un équilibre entre alimentation et exercice physique est présente dans les tous premiers textes de notre civilisation. Le changement de nos conditions de vie complique la perception de cet adage et ce depuis longtemps. Pour le chasseur cueilleur du paléolithique l'exercice physique est naturel c'est un des piliers de la survie. Pour le grec de l'époque d'Hippocrate c'est souvent une nécessité et pour certaines professions un loisir voire une astreinte pour conserver la forme.

Aujourd'hui plus qu'hier le travail humain ayant été massivement mécanisé, notre exercice quotidien est réduit voire nul et la sédentarité menace de détruire une partie des gains d’espérance de vie. Avec des mesures simples et des programmes peu onéreux il est possible d’augmenter l’exercice physique de manière adaptée à chacun. Tous les espaces de la société civile sont concernés. Qu'il s'agisse de la famille, de  l’école, de l’entreprise, des établissements de soins ou des personnes âgées. Acquérir ou offrir un dynamomètre de grip à vos proches est une idée originale et utile qui peut permettre d’anticiper un handicap et de débuter un programme de ré-entrainement. En termes de qualité de vie c’est bien supérieur à un énième et couteux bilan lipidique… Associer ce test à d’autres qui ne nécessitent aucun équipement spécialisé permet de réaliser un bilan personnalisé de l’état cardiovasculaire, musculosquelettique et métabolique. Utiliser les objets connectés à partir de ces données rend au patient l’initiative et le contrôle de la progression de son programme d’entrainement. Ces nouvelles avancées nous amènes à nous poser une question : et si cette prescription individuelle qu'Hippocrate estimait à son époque in-atteignable était possible aujourd'hui? 

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