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Sommes-nous tous des obèses
en puissance ?
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L'obésité, un problème alimentaire ? Pas seulement. Catherine Grangeard montre en quoi l'appréciation du poids est avant tout sociale et subjective. Extraits de "Comprendre l'obésité" (1/2).

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

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Tout le monde peut-il devenir obèse ?

De quoi, de qui parle-t-on ? Quelles sont les différences entre surpoids et obésité ?

La définition de l’obésité est médicale et elle repose sur le calcul d’un IMC, indice de masse corporelle, qui établit un rapport entre la taille et le poids. Un IMC normal est compris entre 18 et 25. Un exemple : une personne qui mesure 1,65 mètre aura un IMC de 18 si elle pèse 50 kilos et de 25 si elle en pèse 67… Cet écart de 17 kilos entre dans la normalité. Mais qui le ressent comme cela ? Beaucoup, parmi les personnes de 1,65 mètre se vivront comme trop grosses à partir de 55 kilos. L’appréciation ici n’est plus médicale, mais teintée de social, la référence est culturelle. La rumeur l’emporte : il faudrait peser 10 kilos de moins que le nombre de centimètres au-delà du mètre (soit 55 kilos pour 1,65 mètre)… Le vécu du poids est subjectif. Certaines (ce sont pour beaucoup de jeunes femmes) vont alors démarrer une « carrière d’obèse » parce qu’elles se trouvent trop grosses à cause de normes sociales absurdes. Une série de régimes est entamée, chaque fois s’ajoutent quelques kilos avec en prime une estime de soi en baisse.

Or l’IMC lui-même, présenté comme scientifique, ne tient même pas compte médicalement du poids différent selon les personnes de l’ossature, des viscères, des muscles, etc. À poids égal, une masse de gras fait pourtant la différence en termes de santé et d’esthétique. Un rugbyman tout en muscles peut facilement être considéré comme obèse au regard de son IMC.

Et, plus étonnant encore, hommes et femmes sont logés à la même enseigne ! L’identité sexuée disparaît derrière l’IMC… Où est passée la femme ? Qu’est devenu l’homme ?

Comment prend-on du poids ?

Si l’IMC n’est pas à lui seul le critère de l’obésité, alors retournons-nous vers la personne. Les personnes obèses rencontrées disent toutes avoir trop mangé à un moment ou à un autre de leur vie. Avec les années, le métabolisme s’est modifié, et il suffit de peu, par moments, pour prendre du poids. Mais pourquoi trop manger ?

Si se nourrir, c’est d’abord pour vivre, si on sait ce qu’est la faim, si la satiété annonce généralement la fin de la prise alimentaire, si on se fait plaisir en mangeant ce qu’on aime, sans excès répétés, si on a aussi de temps en temps le sentiment de gérer son alimentation en fonction des émotions ressenties, si on sait bien que parfois on mange sans faim mais par envie parce qu’on est triste, désœuvré, en repas de fête, si on ressent que l’on tient quand même à son corps… alors on a probablement un rapport à l’alimentation à peu près bien placé et, malgré l’environnement, malgré les épreuves de la vie, il est probable que l’obésité ne nous concernera pas.

Les pathologies de l’excès ont des invariants qui expliquent pourquoi certains font le grand écart là où d’autres trouvent une démesure à leur mesure. À quoi rime l’excès ? Pour le comprendre, il faut aborder les identifications.

Est-ce que l’on se voit prendre du poids ? Est-ce que l’on se voit déjà ? Pourquoi ne peut-on plus se voir ? Il nous faut aussi étudier comment se construit l’image.

La question de la répétition se révèle une composante essentielle dans ces problématiques. Et puisque ce n’est plus le poids qui est concerné, mais bien la personne, la question de la responsabilité s’ouvre. Et comment peut-on redevenir responsable sans culpabilité ? Quelle est la part de la victimisation et qu’en est-il du rapport entre le principe de plaisir et le principe de réalité dans ce cheminement ?

L’obésité serait-elle l’expression corporelle de ce qui n’a pas réussi à être dit ou entendu ?

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Extrait de "Comprendre l'obésité" chez Albin Michel (avril 2012)

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