Tourisme de l’espace : il y a un an, Richard Branson réussissait le 1er lancement de navette. Qui a fait quoi depuis ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Richard Branson s'exprime après avoir volé dans l'espace à bord d'un vaisseau Virgin Galactic, un voyage qu'il a décrit comme "l'expérience d'une vie", le 11 juillet 2021.
Richard Branson s'exprime après avoir volé dans l'espace à bord d'un vaisseau Virgin Galactic, un voyage qu'il a décrit comme "l'expérience d'une vie", le 11 juillet 2021.
©Patrick T. FALLON / AFP

Compétition des milliardaires

Richard Branson réussissait le tout premier lancement de navette commerciale dans l’espace l'an dernier avec sa société Virgin Galactic. Avec les projets de Jeff Bezos et d'Elon Musk, le tourisme spatial va-t-il véritablement se développer dans les années à venir ?

Gilles Rosenberger

Gilles Rosenberger

Ingénieur, pilote privé 

35 ans d’expérience dans l’industrie aéronautique 

Cofondateur de la startup Faraday dédiée à la proposition électrique et hybride pour aéronefs 

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Atlantico : Il y a un an, quelques jours avant Jeff Bezos, Richard Branson réussissait le 1er lancement de navette commerciale dans l’espace. Un an après y-a-t-il eu des suites à ces premières très médiatiques ?

Gilles Rosenberger : Du côté de Jeff Bezos, sa société Blue Origin a lancé la fusée réutilisable New Shepard 6 fois depuis le premier vol dit NS-16 du 20 juillet 2021 pour 28 touristes dont chacun a payé environ 500.000 $ (prix non public).

Pour mémoire, la vente aux enchères pour le tout premier vol avait conduit à un prix de 28 millions de dollars.

Du côté de Richard Branson, sa société Virgin Galactic, son planeur spatial SpaceShipTwo n’a pas emmené de nouveaux passagers depuis le vol de juillet 2021. Son successeur SpaceShipThree est en phase de qualification.

Les vols devraient reprendre en 2023 pour un prix unitaire situé entre 200.000 $ et 450.000 $. 

Dans les deux cas, il s’agit de vols suborbitaux qui permettent de passer et de rester quelques minutes au-delà de la ligne de Karman, situé à peu près 100 km d’altitude et qui constitue la « frontière scientifique » de l’espace. 

Le tourisme spatial ne se limite pas à ces vols courts.

Entre 2001 et 2010, les Russes ont « offert » assez régulièrement une place à bord de Soyouz pour passer une semaine à bord de la station spatiale internationale ISS.

Enfin offert… contre un chèque estimé entre 25 et 30 millions de dollars par vol.

Et une demi-douzaine de touristes spatiaux ont ainsi profité de cette opportunité née du besoin de cash de l’industrie spatiale russe.

Ceci s’est interrompu en 2010 avec le développement des programmes de recherche à bord de l’ISS et l’impossibilité de consacrer une place à un touriste inutile...

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La NASA a, l’an passé, lancé un appel d’offre pour permettre à des touristes spatiaux de passer quelques jours à bord de l’ISS, en utilisant la fusée SpaceX d’Elon Musk.

A suivre… en 2023.

Comment analyser la situation actuelle ?

Le développement du tourisme spatial ne fait que commencer.

Il est initié par 2 mécanismes techniques et économiques.

Le NEW SPACE, le nouveau business de l’espace aujourd’hui sur la mise sur orbite de centaines de microsatellites (on parle de myriades) qui nécessite de pouvoir réutiliser des lanceurs et des moteurs, alors que le modèle précédent reposait sur un usage unique. Le NEW SPACE a complètement modifié l’équilibre économique de cette industrie : en laissant arriver des acteurs privés tels que Bezos, Branson ou Musk. Le business nécessite de concentrer de très gros investissements avec un risque élevé.

Le désengagement de la NASA fait bouger son cœur de métier : elle s’éloigne de la construction de fusées, de navettes, de satellites (déjà largement sous traitées à Boeing, Lockheed, ..) en devenant maître d’œuvre.

Ils ne veulent plus être co-propriétaires de la station spatiale ISS, mais locataire…

Et du coup, la NASA laisse sa place aux sociétés privées qui n’ont plus uniquement des objectifs scientifiques et géopolitiques. 

Dans tout cela, le tourisme spatial devient un apport de cash et surtout d’image pour attirer de nouveaux investisseurs particuliers dans les sociétés de Messieurs Bezos, Branson et Musk (pour ne citer que les plus connus).

Peut-on penser que le tourisme spatial va véritablement se développer dans les années à venir ? 

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Difficile d’avoir une boule de cristal.

Mais même si Jeff Bezos affirme que ses moteurs à hydrogène sont propres… et n’émettent pas de CO2, il oublie de préciser d’où vient son hydrogène…

Richard Branson ne parle même pas de son empreinte environnementale qui est nécessairement mauvaise dans son principe de propulsion actuel.

Idem pour Elon Musk.

Pour être purement scientifique, au niveau des émissions globales, les quelques minutes de vol ne comptent que pour quelques dizaines de tonnes chacun et donc très peu au regard des quelques 40 milliards de tonne de CO2 émis chaque année.

Mais on est ici dans le domaine du symbolique.

Au-delà leurs déclarations, les passagers de ces vols (ultra-riches ?) semblent avoir arbitré facilement entre leur conscience environnementale et 10 minutes de vol qui pèsent autant que plusieurs années des émissions CO2 du « terrien moyen ».

Mais il faudra toujours dépenser beaucoup d’énergie pour échapper à la gravité terrestre ; et dans un monde ou l’énergie est déjà chère et va devenir rare, de telles extravagances vont finir par se heurter à l’opinion publique.

Un jour, les Tycoons qui s’amusent ainsi et qui ont aussi des business qui adressent le grand public, devront choisir.

Et dans cette liste Sir Richard Branson pourrait être le plus sensible… 

Quelles options existent pour le futur dans le secteur ?

Une réponse cynique conduirait à répondre : que le secteur va continuer à « envoyer en l’air » (et plutôt dans l’espace) quelques dizaines (ou une centaine) de candidats par an tant que la prise de conscience de la vacuité de tels vols reste faiblement visible dans l’opinion publique (même si au moment d’écrire ce mot, je rêverais d’être un de ces passagers !).

Mais cela ne va pas durer.

Cela aura été une parenthèse de l’histoire de l’aviation et de l’espace.

Tout comme le vol commercial supersonique.

Là aussi, un rêve personnel inassouvi… mais que ma conscience environnementale d’aujourd’hui rendrait impossible.

Le monde bouge. Nous aussi.

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