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Thatcher, Macron : la détermination affichée par Emmanuel Macron l’inscrit-il dans la lignée de la dame de fer ?
©Reuters

jeu des 7 différences

A son époque, la Première ministre britannique avait gagné le bras de fer avec les syndicats, ce qui avait été un élément clé à la fois pour réformer l’économie et modifier dans la durée les rapports sociaux.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Lundi soir, sur Europe 1, j’étais interviewé sur un possible parallèle entre la détermination d’Emmanuel Macron face aux grèves et l’expérience Thatcher des années 80 au Royaume Uni. A l’époque la volonté de la Dame de fer avait modifié en profondeur et de façon permanente la dynamique économique et les rapports sociaux.

Pour l’instant l’éventuel parallèle n’existe pas même si le président français est déterminé à réformer.
Rappelons que l’arrivée de Thatcher à la tête du Royaume Uni en mai 1979 est en phase avec les changements qui se sont opérés dans les grands pays occidentaux à la fin des années 70. Tous avaient subi les chocs pétroliers sans trouver l’équation pour en sortir. Les échéances politiques s’étaient traduites dans ces pays par un changement de tête mais aussi par un changement politique. En Janvier 1981, Reagan, le républicain, avait succédé à Carter, le démocrate, aux USA. Au Royaume-Uni Thatcher, la conservatrice, prend la suite de Callaghan, le travailliste en mai 1979. En Allemagne, Kohl du CDU succède à Schmidt du SPD en 1982. Mitterrand en France prend la place de Giscard d’Estaing en mai 1981. Thatcher s’inscrivait donc dans cette logique.

Deux points à souligner sur le parallèle

1 – Le point de départ n’est pas du tout le même

L’histoire du Royaume-Uni dans les années 70 est celle d’un échec économique ( le gouvernement Callaghan fera appel au FMI en 1976) et d’une dynamique économique et politique conditionnée par le rapport de force entre le gouvernement et les syndicats. Lorsque Thatcher arrive au pouvoir, la moitié des employés britanniques sont syndiqués tant dans le privé que dans le public. En France le taux de syndicalisation est actuellement de 11% avec une prépondérance dans le secteur public. Les rapports sociaux ne peuvent pas être du même ordre.
Si l’objectif de chaque gouvernement est de réformer et d’améliorer l’efficacité de l’économie on perçoit bien que le point de départ n’est pas le même et que les contraintes ne sont pas du même type.
L’enjeu pour l’économie britannique, au début des années 80, était de sortir d’une économie peu productive et d’une industrie encombrante pour développer la dynamique des services.  Ce mouvement de transformation a aussi été observé en France à l’époque mais sans la brutalité qui a été la marque de fabrique de Thatcher, l’économie et les rapports sociaux ne suivaient pas la même dynamique des deux côtés de la Manche.
Aujourd’hui, la transformation à appliquer à l’économie française n’est pas du tout du même type, celle-ci doit s’inscrire dans la nouvelle révolution industrielle.

2 – La dynamique Thatcher s’est inscrite dans la durée

Elle a été premier ministre de 1979 à 1990. Durant cette décennie, de nombreux événements ont construit sa légende. La libéralisation financière au début des années 80, en phase avec la politique de Reagan, relâche la contrainte financière sur le Royaume Uni. Il y a ensuite la guerre des Malouines, en 1982, qui en fait un chef de guerre et accroît sa popularité. D’autres dossiers politiques tels que l’Irlande du Nord et Bobby Sands ont contribué à son image très dure.
Sur l’économie, les grèves, notamment dans les mines de charbon, ont permis de tester la détermination de Thatcher à ne pas lâcher, forgeant ainsi son image de dame de fer. Son bras de fer avec les syndicats a été un élément clé à la fois pour réformer l’économie et modifier dans la durée les rapports sociaux. Thatcher avait à l’époque pris des mesures pour contraindre davantage les syndicats. Cette rupture dans les rapports sociaux a conduit in fine à une baisse significative du taux de syndicalisation (division par 2).
Sur le plan économique aussi il y eut aussi l’ensemble des privatisations qui prenait le revers des idées de l’époque. Rappelons qu’en France au début des années 80, après l’arrivée de François Mitterrand, le mouvement a été d’abord celui de la nationalisation, notamment du secteur bancaire. Les privatisations n’arriveront que plus tard, au milieu des années 80. (Pour info, la privatisation du rail britannique a été mise en oeuvre par John Major en 1993)
Pour se créer une image, la durée de l’expérience est essentielle, la détermination de Thatcher a fait le reste.  De ce point de vue, Emmanuel Macron n’est président que depuis moins d’un an, son action et sa détermination ne se sont pas inscrites encore dans le temps. Les grèves récentes ne sont pas comparables dans la durée et dans l’ampleur à ce qui avait observé dans les îles britanniques. Il est trop tôt pour un parallèle.  L’histoire à venir nous dira ce qu’il en sera.

Dans la question qui m’était posée, on percevait une sorte d’envie,  la nécessité d’un gouvernement fort et peut-être brutal pour mettre l’économie française sur de bons rails. L’économie britannique est devenue très inégalitaire à la fois dans la distribution des revenus, le mouvement inégalitaire commence à la fin des années 70, et dans sa dynamique géographique. Londres ne reflète pas l’ensemble du Royaume Uni. Le vote sur le Brexit témoigne de cette situation.
Les britanniques avaient peut-être besoin de cette potion à l’époque pour sortir de la torpeur qui les avait saisis lorsqu’ils se sont rendus compte qu’ils n’étaient plus au centre du monde. Dans l’absolu, je n’arrive pas à être persuadé par la nécessité d’une stratégie du type de celle de la dame de fer. Pour la France ce n’est pas spontanément la voie à suivre. D’abord parce que notre histoire n’est pas identique et les contraintes ne sont pas celles de l’économie britannique à cette époque. Qu’il y ait de la part du président français la volonté de changer les règles c’est une chose, que cela passe par l’envie de tout bouleverser au risque du chaos en est une autre à laquelle je ne souscris pas.

Cet article a été initialement publié sur le site de Philippe Waechter

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