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Quand la télé vous fait croire 
que vous êtes une star
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Dans le secret des dieux

Riche d'une expérience de quinze années passées sur les plus grandes chaînes de télévision, Isabelle Dumas-Pelletier nous entraîne dans un monde dont la perversité est sans limite. Extraits de "Télévision : Dans le secret des dieux et des divas" (1/2).

Isabelle Dumas-Pelletier

Isabelle Dumas-Pelletier

Isabelle Dumas-Pelletier est journaliste. Chroniqueuse judiciaire pour la presse écrite, elle devient par la suite animatrice sur Europe 1 et rédactrice en chef de magazines de société et de divertissements à la télévision.

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L’affaire est dans la boîte, l’enregistrement est enfin terminé ! Au revoir Monsieur, au revoir Madame. Oui, bien sûr, vous avez tous été formidables, passionnants, ça fera une émission magnifique !

Aux femmes, le compliment suprême consiste à les rassurer :

- C’est incroyable comme vous « passez » bien à l’image !

- Ah, bon ? Qu’elles répondent, faussement surprises mais réellement soulagées. À la limite, leurs propos n’ont pas d’importance, mais leur physique… Ce qui n’autorise pas pour autant les conclusions hâtives. Futiles, superficielles les bonnes femmes ? Pas vraiment quand on sait que 70% des téléspectateurs jugent l’apparence avant le discours. D’ailleurs, les hommes politiques ne s’y trompent pas. Vous avez remarqué ? Même en plein hiver, la pâleur n’est pas un gage d’efficacité. Au service du président comme de ses ministres, la machine à UV déborde d’activité !

Donc, on salue bien bas et à la chaîne. Tout le monde est out, moins c’est long, plus vite on va se coucher. D’ailleurs, pourquoi accabler le « mauvais client », à quoi, cela servirait-il ? Car, au cas où vous l’ignoreriez, à la télé, il y a les bons et les mauvais clients…

Les premiers parlent, les seconds aussi, mais les bons ont un style imagé qui tient le spectateur en haleine et les mauvais, un débit monocorde responsable de bâillements en série. Parfois, « les bons » ne disent pas grand-chose mais ils le disent avec vigueur et ça change tout. Mais il y a aussi des invités qui ont toutes les qualités. Anne Goscinny en particulier, la fille du pape de la BD René Goscinny. C’est son père qui a créé le personnage sautillant d’Astérix le Gaulois et a prêté ses mots à Lucky Luke, le lonesome cow-boy. 500 000 millions d’ouvrages vendus, ça en dit long sur son talent de scénariste et sur son sens de l’humour... […]

À l’opposé de cette « cliente » idéale, il y a les « mauvais »... Quand ils ne sont pas très mauvais, ils énoncent des vérités très profondes et très intelligentes. Mais, comme ils sont très précis, ils entament leur péroraison par une entrée en matière à rallonge suivie d’une démonstration interminable et d’une conclusion qui ne l’est pas moins. Le pire c’est qu’il ne suffit pas de les écouter, il faut réfléchir, ce qui fait beaucoup ! Heureusement, avant la diffusion, le coupeur coupera sans modération. Tout est bien qui finira bien !

En attendant, à la fin d’un enregistrement, même ceux qui ont été « en dessous », ont droit à leur ration d’éloges. Que leur dire d’autre ? L’annonceur n’a pas tenu ses promesses, venant de vous, on attendait mieux... On a failli s’endormir. Vous étiez en hypoglycémie ou quoi ? Ou pire : je vous ai connu meilleur…

Non, ça ne serait pas correct ! N’en déplaise aux défenseurs de la vérité à tout prix et aux pourfendeurs du mensonge, le mensonge justement, c’est-ce que l’on a imaginé de mieux pour entretenir des relations sociales sereines. Imaginez un monde sans mensonge… Il n’y a plus qu’à dresser des barricades, non ? Alors, si c’est à la télé…

Et puis, anonymes, grandes stars ou little people, comme ils attendent tous d’être rassurés, ce serait cruel de les en priver. Les compliments, c’est leur récompense, leur susucre, un besoin impérieux qui doit obligatoirement être comblé. Quand on y réfléchit bien d’ailleurs, c’est plutôt surprenant, surtout quand on examine de près le parcours de certains…

Quand Adamo arrive tout timide et effacé, presque sur la pointe des pieds de peur de déranger, comment imaginer que ce champion de la modestie a vendu plus de 90 millions d’albums ? Comment se douter qu’il existe, dans le monde, 300 versions de sa fameuse chanson Tombe la Neige et qu’elle a occupé la tête des hit-parades japonais pendant soixante-douze semaines ? Les Japonaises, elles, ne l’ont pas oublié... Chacune de ses apparitions sur les scènes nipponnes se solde par une pluie de roses rouges et de suffocantes vagues de folie.

Et pourtant, en le voyant pénétrer gentiment dans la loge de maquillage et attendre sagement son tour en souriant ou en échangeant quelques propos affables, on s’interroge... Est-ce bien lui la star internationale qui met toujours les geishas en transe ?

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Extraits deTélévision : Dans le secret des dieux et des divas, Jacob-Duvernet (octobre 2011).

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