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Taxis contre VTC et maintenant taxis ET VTC : pourquoi le gouvernement doit sortir d’une situation de moins en moins tenable
©Reuters

On ne lutte pas contre l'évolution

La réglementation applicable aux taxis glisse vers le grand n'importe quoi. Après les blocages que les chauffeurs parisiens avaient imposé au printemps, une décision du Conseil Constitutionnel vient de mettre les pieds dans le plat: le cumul des métiers de taxi et de chauffeur de voiture de tourisme est possible.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Les taxis peuvent cumuler

Tout est venu d'une question prioritaire de constitutionnalité, qui a mis sur la table le sujet qui fâche: pourquoi seuls les taxis peuvent-ils bénéficier d'une convention avec la sécurité sociale pour transporter les patients? pourquoi les fameux VTC en sont-ils exclus? et, ce faisant, pourquoi l'article L. 3121-10 du code des transports dans sa rédaction issue de la loi du 1er octobre 2014 prévoit-il: « L'exercice de l'activité de conducteur de taxi est subordonné à la délivrance d'une carte professionnelle par l'autorité administrative. Il est incompatible avec l'exercice de l'activité de conducteur de voiture de transport avec chauffeur ». 

>>> A lire aussi : Uber contre les taxis : ce que coûterait le rachat de toutes les licences par l’Etat ET ce que ça pourrait rapporter

Le plaignant revendiquait la possibilité, en tant que VTC, d'exercer, avec un véhicule différent et conforme à la réglementation, le métier de taxi conventionné par la sécurité sociale pour le transport des assurés. 

Le Conseil Constitutionnel lui a donné raison en considérant que l'interdiction de cumuler les fonctions de taxi et de VTC constituait une atteinte à la liberté du commerce: 

en instituant l'incompatibilité prévue par les dispositions contestées, le législateur a porté à la liberté d'entreprendre une atteinte qui n'est justifiée ni par les objectifs qu'il s'est assignés ni par aucun autre motif d'intérêt général

Et paf! prends-toi ça dans les dents.

Les taxis sont-ils gagnants ou perdants?

Lors du vote de la loi sur les VTC, les taxis avaient obtenu une protection contre Uber en limitant les conditions d'exercice du "métier" de VTC et en préservant leur statut de taxi. Le Conseil Constitutionnel vient de mettre à bas brutalement cette protection en autorisant les VTC à exercer aussi le métier de chauffeur de taxi. Inversement, les chauffeurs de taxi qui se plaignent de payer trop de charges vont pouvoir travailler avec Uber.

Petit à petit, le Conseil Constitutionnel ouvre la voie à une normalisation par la liberté: le "producteur", c'est-à-dire le chauffeur, pourra mettre en concurrence les différentes façons d'exercer son activité. La décision du Conseil rééquilibre donc fortement le rapport de force et devrait vider le statut de chauffeur de taxi de tous les abcès qui en compliquaient l'exécution. C'était la décision la plus sage à prendre, mais elle revient, de fait, à aligner le statut de chauffeur de taxi sur celui de VTC.

Ce que les taxis ne disent pas sur Uber

Un certain nombre de chauffeurs de taxi risquent de l'avoir très mauvaise. Beaucoup se sont endettés, dans les grandes villes françaises, pour acheter leur licence. A Paris, la valeur de celle-ci subit de fortes fluctuations, mais elle dépasse les 50.000 euros, et parfois les 150.000 euros. Ceux qui se sont saignés aux quatre veines toute leur vie pour la rembourser en sont pour leurs frais. Dès lors que les taxis peuvent aussi être VTC, la valeur de la licence, qui était fondée sur le monopole, va s'effondrer.

C'est un mal pour un bien, car les taxis occultent toujours les avantages concrets de la condition de VTC par rapport à la leur. En particulier, les chauffeurs de VTC disposent d'une très grande souplesse horaire, d'une grande liberté d'organisation, et ne sont pas spoliés comme les chauffeurs de taxis salariés. Qui plus est, la facturation des courses par la plate-forme numérique leur facilite grandement la vie.

En réalité, l'uberisation intelligente (c'est-à-dire sans monopole confié à Uber) permet d'améliorer considérablement la condition de taxi, en supprimant les rentes scandaleuses liées au monopole, comme l'achat de la licence à des tarifs extravagants. On rendra grâce au Conseil Constitutionnel d'avoir ouvert cette évolution fondamentale 

Les taxis et la question de la retraite supplémentaire

En réalité, personne ne dit clairement que la licence de taxi n’existe et n’a de valeur que pour assurer à son bénéficiaire une retraite supplémentaire qui améliore le sort de ses dernières années. Alors que le Parlement a durci la fiscalité des indemnités « parachutes », la cession de la licence montre bien que ce système a la vie dure.

Comme souvent en France, on a réglé un problème par un autre. La licence compense l’insuffisance de la protection sociale des chauffeurs de taxi. Comme toujours lorsqu’il constate que des Français ont eu l’affront d’inventer des systèmes qui leur permettent d’échapper à l’égalité uniforme à laquelle nous sommes condamnés, le législateur n’a pas de taxe assez dure pour raboter les têtes qui dépassent. 

Reste que le problème des taxis sera définitivement réglé lorsqu’ils disposeront d’une véritable retraite-chapeau se substituant à la vente de la licence.

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