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Taxe Tobin : la France doit essayer de fédérer une coalition européenne contre le Royaume-Uni
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Tobin or not Tobin ?

Nicolas Sarkozy s'est dit favorable à l'instauration d'une taxation sur les transactions financières... avec ou sans l'accord de nos partenaires européens bien tièdes sur le sujet, même si l'Italie s'est dite être prête à y réfléchir dans un cadre européen. Le Président français réussira-t-il à convaincre la chancelière allemande Angela Merkel ce lundi ?

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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Vendredi, nous apprenions que Nicolas Sarkozy envisagerait de faire adopter une loi sur les transactions financières d’ici la fin de son mandat, quitte à laisser de côté ses partenaires européens, et notamment la chancelière allemande Angela Merkel. Que de chemin parcouru depuis ce rapport de Bercy en 2000 par lequel un ministre socialiste de l’économie et des finances, Laurent Fabius, décidait que cette taxe était inapplicable et l’enterrait sine die. Si le volontarisme politique du Président sur le sujet doit être salué, la taxe sur les transactions financières est une mesure économique et ne saurait se prêter aux calculs politiques.

De la poubelle de Bercy aux recommandations du G20

L’idée d’une taxe sur les transactions financières a été suggérée par le prix Nobel d'économie James Tobin, afin de freiner les comportements spéculatifs sur les monnaies. Plus de vingt ans d’anonymat et elle est redécouverte par les milieux altermondialistes qui y voient la clé du financement du développement du tiers monde. Las, elle est raillée, déclarée irréalisable et enterrée sous les promesses de la finance des années 2000. En 2010, nos dirigeants se réveillent et constatent que Taïwan, l'Inde, la Suisse, l'Afrique du Sud, la Corée du Sud et même le Royaume-Uni, une quinzaine de pays en tout, ont créé leur propre taxe sur les transactions financières. Il est temps d’agir. Désormais la taxe est à la mode, de Bill Gates au FMI, tout le monde y est favorable.

La France, du chantre de la gouvernance mondiale…

En France, l’Assemblée nationale a adopté dès juin 2011 une résolution appelant à cette taxe et le Président français la met à l’ordre du G20 de Cannes de novembre dernier et parvient à rallier l’Allemagne à son projet. Prompt à assurer le suivi de la réforme, dans ses vœux aux Français, Nicolas Sarkozy rappelle "qu’il faut faire participer la finance à la réparation des dégâts qu'elle a provoqués. C'est une question d'efficacité. C'est une question de justice. C'est une question de morale".

La taxe sur les transactions financières pourrait même figurer dans le projet de loi de finances rectificative prévu début février. Pourquoi un tel empressement, quitte à bousculer le calendrier présenté mi-décembre par François Baroin, qui annonçait une contribution franco-allemande le 23 janvier, visant à être opérationnelle en 2013.

…au splendide isolement

Si les choses s’accélèrent c’est que la France est redevenue terre de campagne. Le Président Sarkozy veut défendre un bilan, d’ailleurs indéniable, en matière de régulation financière, et le fait que 61% des Français sont favorables à la taxe sur les transactions financières n’a pas échappé à ses conseillers. "La France est prête à donner l'exemple sur ce sujet, comme elle l'a donné pour les bonus des traders et un certain nombre de réglementations en matière financière", ajoute Henri Guaino.

En outre, il semblerait que les revenus attendus d’une telle taxe aient aiguisé l’appétit d’un Etat en panne sèche de liquidités. Un rapport commandé par UNITAID - organisme qui collecte une taxe sur les billets d’avions pour financer l’achat de médicaments dans les pays en développement, dirigé par Philippe Douste-Blazy – montre que mettre en œuvre une telle taxe en France pourrait rapporter jusqu’à 12,5 milliards par an.

La démarche suicidaire du cavalier solitaire

Pourtant, il convient de ne pas faire preuve de précipitation. Jouer cavalier solitaire serait la pire des solutions car elle conduirait assurément à l’échec de cette mesure. Avant d’être une mesure destinée à flatter l’opinion publique en montrant la punition des banquiers ou un nouvel impôt, cette taxe répond en effet à un véritable enjeu économique, à savoir réduire les comportements spéculatifs.

Il s’agit de rendre non rentable les opérations d’achat et de revente de produits financiers qui sont réalisées en quelques secondes avec une marge très faible mais répétées plusieurs dizaines de fois par jour. Mais si la taxe sur les transactions financières n’est appliquée qu’en France, il y a un risque certain que les activités ciblées ne soient délocalisées vers d'autres places financières. Les équipes des activités de marché sont en effet très mobiles et la spéculation se poursuivra alors ailleurs.

L’avenir de la taxe et de la régulation financière passera par Bruxelles

Un consensus se dessine en Europe pour une telle taxe, il s’agit d’en tirer parti. La Commission a révélé fin septembre, sa proposition qui s'appliquerait à l'Union européenne à partir de 2014, avec un taux de 0,1% sur les actions et obligations et 0,01% sur les autres produits financiers. Cette réforme sur la taxe doit également servir de base pour cimenter les autres réformes en cours et notamment la réglementation des produits dérivés (EMIR), préalable nécessaire à cette taxe. Les divers avertissements adressés ces derniers mois au Royaume-Uni, qui tente de bloquer toute évolution de la régulation financière en Europe, témoignent d’une volonté commune des Allemands et des Français.

Enfin, le produit de cette taxe, 55 milliards selon Bruxelles, ne doit pas être un bouche-trou supplémentaire pour les finances publiques. Il doit pousser jusqu’au bout la logique de correctif économique que représente cette taxe. Si des agents économiques spéculent, cela signifie que l’argent utilisé ne sert pas à financer l’économie, il y a donc des besoins de financement non pourvus. Cela est notamment vrai pour les investissements à très long-terme et il me paraît judicieux que le produit de cette taxe abonde un fond commun destiné au déploiement des grandes infrastructures de transport en Europe.

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