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Comment faire en sorte que les entreprises du CAC40 qui font la plupart de leurs profits à l'étranger payent des impôts en France ?
Comment faire en sorte que les entreprises du CAC40 qui font la plupart de leurs profits à l'étranger payent des impôts en France ?
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Impôts de terre contre pots de fer

Nicolas Sarkozy a annoncé vouloir créer, s’il est réélu, un "impôt minimum" sur les bénéfices des grandes entreprises, en particulier celles du CAC 40 qui réalisent une grande partie de leurs profits à l’étranger. Mais comment faire pour inverser une tendance qui dépasse de très loin le cadre français ?

Michel Taly

Michel Taly

Michel Taly est avocat fiscaliste au sein du Cabinet Arsene Taxand. Il est spécialiste de la politique fiscale à l’Institut de l’entreprise. Il a supervisé la réalisation du rapport de l'Institut de l'entreprise Mettre la fiscalité au service de la croissance.

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Atlantico : Nicolas Sarkozy a annoncé vouloir taxer les bénéfices des grands groupes, remarquant qu'une partie d'entre eux "ne payent pas du tout d'impôts". Comment réussir à inverser la tendance ?

Michel Taly : Cette question est en discussion depuis que le Conseil des prélèvements obligatoires a, il y a deux ans, affirmé que les sociétés du CAC40 ne payaient que 8% d’impôts alors que les PME en payaient 40.

Depuis lors, on essaye d’expliquer aux politiques que ce n’est pas si simple. Effectivement, des entreprises font la majorité de leurs profits à l’étranger et les accords internationaux font que ces profits sont seulement taxés dans les pays où ils sont réalisés. Mais l’impôt forfaitaire n’est sûrement pas la solution miracle qui résoudra le problème.


Mais alors comment faire ? Est-ce simplement possible ?

La quasi-totalité des pays du monde – à l’exception des anciennes colonies françaises– font imposer les bénéfices réalisés hors de chez eux. Cette imposition s'effectue toutefois en déduction des impôts déjà payés dans le pays concerné.

Total, par exemple, paye des impôts très élevés dans les pays producteurs de pétrole : ceux-ci dépassent parfois 50% de leurs profits. Si en plus la France lui faisait payer 500 ou 600 millions d’euros d’impôts, il est évident que l'entreprise quitterait le territoire : ce serait une faute de gestion de ne pas le faire. Par conséquent, procéder ainsi comporte le risque de voir les entreprises qui sont en France par tradition historique transférer leur siège ailleurs.

Si vous taxez le bénéfice réalisé par l'entreprise à l'échelle de la planète, vous êtes obligé de déduire l’impôt payé à l’étranger, et ça ne rapporte pas beaucoup. En l'occurrence, dans le cas de Total, cela ne rapporterait quasiment rien.

D’autres entreprises du CAC40, notamment dans le monde de la finance, sont installées dans des pays qui ont un taux d’imposition plus faible qu'en France. Dans ce cas là, l'État français pourrait bénéficier de la différence entre les deux systèmes fiscaux. Mais au mieux, il récupérerait 4 à 5 points d’impôts. Sans compter que cette décision nécessiterait de modifier la centaine d'accords internationaux en vigueur aujourd'hui. Cela pourrait prendre une bonne dizaine d'années.

Outre la taxation des bénéfices de ces grandes entreprises, existe-t-il d’autres moyens de les contraindre à payer davantage d'impôts en France ?

La convergence franco-allemande offre quelques pistes de réflexion. L’année dernière, la France a aligné le mode de traitement des déficits fiscaux de ses entreprises sur le système allemand. Çela devrait faire remonter le taux d’imposition d’un certain nombre de grands groupes.Autre piste venue d’Allemagne : la déduction des intérêts en fonction du degré d’endettement des entreprises par rapport à leurs fonds propres. 

La déductibilité des frais financiers peut également constituer une réponse. En effet, l’acquisition d’une participation dans une entreprise permet, en France, de déduire la totalité des frais financiers de l’emprunt. En Allemagne, cette mesure est plafonnée. Cette question a été posée par Gilles Carrez à l'occasion de la loi des finances 2012, mais dans une simple optique anti-abus qui ne devrait pas être d’une grande efficacité. Les Néerlandais vont plus loin : chez eux, lorsqu’une ligne de titre financée par de la dette est une participation bénéficiant de l’exonération du dividende, alors les frais financiers ne sont pas déduits. C’est ce que propose le Parti socialiste en France.

Aux Etats-Unis, une partie des frais financiers est tout simplement requalifiée comme du dividende et donc n’est pas déductible. Quant aux Britanniques, ils font du cas par cas. Pour les filiales des grands groupes, ils considèrent que la société n’aurait pas forcément pu s’endetter autant si elle n’avait pas été une filiale d’un grand groupe, donc une partie des frais financiers n’est pas déductibles.


Propos recueillis par Morgan Bourven

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