Surpopulation carcérale : 20 000 nouvelles places sont nécessaires ne serait-ce que pour appliquer réellement les peines prononcées<!-- --> | Atlantico.fr
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L’administration pénitentiaire a annoncé lundi 22 juillet 2013 que la France comptait 68 569 détenus dans ses prisons.
L’administration pénitentiaire a annoncé lundi 22 juillet 2013 que la France comptait 68 569 détenus dans ses prisons.
©Reuters

Plein à craquer

Avec un taux d'occupation des prisons de 118,5% et 20 000 places manquantes, la surpopulation carcérale pourrait devenir dangereuse. Surtout si elle mène à réduire ou à contourner les peines pour pallier ce manque de structures.

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris est délégué-général de l’Institut pour la Justice.

 

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Atlantico : L’administration pénitentiaire a annoncé lundi 22 juillet 2013 que la France comptait 68 569 détenus dans ses prisons au 1er juillet, la surpopulation carcérale approche ainsi 120%. Dans le même temps, les aménagements de peine ont progressé de plus de 10% en un an. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? La France est-elle confrontée à une montée de la criminalité ces derniers mois ?

Alexandre Giugliaris : Ce n’est pas un paradoxe car, comme vous le soulignez, l’augmentation de toutes les peines existantes a pour principale explication la hausse des faits de délinquance. Par ailleurs, l’application très partielle des peines plancher ou la volonté de mettre à exécution certaines peines inexécutées peuvent avoir joué un rôle. Mais la hausse très importante des aménagements de peine de plus de 30% en deux ans montre qu’on est très loin d’un prétendu « tout carcéral » que certains avancent bien hypocritement pour expliquer cette surpopulation inacceptable.

Face à l’augmentation de la criminalité, la population carcérale s’accroît et la surpopulation également car on ne construit pas les 20 000 nouvelles places de prison dont nous avons besoin en France.

Les aménagements de peine envoient-ils un mauvais signal aux délinquants ?

On peut le craindre, malgré leur utilité pour certains délinquants. En effet, il faut pouvoir adapter une peine à un profil criminologique mais faute de places de prison, on a développé une multitude de dispositifs qui visent uniquement à contourner la prison ou à réduire la détention. Du coup, les délinquants sont de plus en plus nombreux à penser qu’ils ne risquent rien… C’est inacceptable et dangereux.

Dans le domaine de la prison, on a mis en place le principe d’un aménagement des peines de prison jusqu’à deux ans de prison ferme. Dès lors, vous pouvez, par exemple, être condamné à 18 mois de prison et ne pas passer un seul jour en détention. Ou alors être condamné à 10 ans de prison et avec les lois existantes (crédits de réduction de peine automatique et supplémentaire notamment), demander votre libération conditionnelle au bout d’un peu plus de 3 ans.

La  surpopulation carcérale atteint un niveau inacceptable puisque le nombre de places de prison est de 57 235, soit un taux d’occupation de 118,5%. Dans ce contexte peut-on encore durcir les peines ?

Il manque d’ores et déjà 10 000 places de prison pour répondre à la surpopulation actuelle. Mais il faut aussi dire que 80 000 peines de prison sont en attente d’exécution et que chaque année, comme le regrettait à juste titre Manuel Valls lorsqu’il n’était pas encore Ministre, 20% des peines de prison ne sont pas exécutées. Enfin, les peines plancher n’ont été appliquées que dans 40% des cas possibles.

Donc avant même de demander un durcissement des peines, il faudrait que les pouvoirs publics et le gouvernement se mobilisent pour l’application de peines prononcées. Certains syndicats de magistrats, qui parlent si souvent d’indépendance de la justice, devraient se scandaliser de cette situation car le pouvoir politique ne permet pas l’application indépendante des décisions prononcées par l’autorité judiciaire. Mais ce n’est peut-être pas leur priorité…

Le taux de détention français est de 111 pour 100 000 habitants, pour une moyenne européenne de 154. Faut-il construire de nouvelles places de prison ? Est-ce possible en période de crise ?

Tout à fait, il faut construire au moins 20 000 nouvelles places de prison. Nous nous situerions à peine dans la moyenne européenne et nous pourrions à la fois répondre aux scandales de la surpopulation carcérale et à celui de l’inexécution de peines prononcées, tout en assurant enfin la sécurité des Français.

Cela est tout à fait possible en période de crise, s’il s’agit d’une priorité. Des moyens sont aujourd’hui dégagés pour d’autres actions. Par ailleurs, c’est une politique qui est créatrice d’activité à court terme et économique à court ou moyen terme avec une réduction du coût du crime et de la délinquance que l’économiste Jacques Bichot a évalué à plus de 150 milliards d’euros annuels.

Quelles sont les autres solutions à court terme ?

La seule solution non dangereuse pour réduire le nombre de détenus est de réduire la criminalité en mettant fin à l’impunité et au laxisme judiciaire grâce à la construction, le plus rapidement possible, de nouvelles places. Car d’autres mauvaises solutions ont été mises en œuvre comme les amnisties. Par exemple, en 1981, une grande loi d’amnistie a entraîné la libération de 5 000 détenus. Mais la criminalité a augmenté de 20 % dès l’année suivante.

La limitation de la détention provisoire et le développement du bracelet électronique ont par ailleurs été déjà largement mis en œuvre donc il n’y a pas grand-chose à en attendre.

D’autres pistes sont aujourd’hui envisagées par Christiane Taubira comme les libérations automatiques au 2/3 de la peine, nouvelle mesure laxiste, ou la probation. Cette dernière idée est intéressante mais il n’aurait pas fallu penser cette peine comme un nouveau moyen de contourner la prison pour ceux qui méritent d’y aller. En résumé, il est grand temps de mettre en œuvre une politique pénale cohérente qui permette de lutter efficacement et durablement contre la criminalité.

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