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Super cagnotte du loto : jouer plus pour gagner moins
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Zone franche

Plafonner les super gains du loto pour faire gagner davantage de gens, c’est une idée intéressante mais timide : pourquoi ne pas faire gagner tout le monde ?

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Le désir d’équité des Français et de correction par la sphère politique des effets inégalitaires du hasard emprunte parfois d’intéressants détours. Témoin la proposition de ce député UMP du Haut-Rhin, visant à plafonner les super cagnottes du Loto :

« Rendez-vous compte, explique en substance Eric Straumann, un joueur vient d’encaisser 162 millions d’euros, ce qui est absolument indécent quand tant de gens meurent de faim de par le monde ! Or, s’il n’avait touché que 30 millions, il ne serait pas moins heureux et pourrait encore s’offrir tout ce dont il rêve ».

Tout juste Auguste, est-on tenté de lui répondre. Mais il n’y aurait pas moins de pauvres gens de par le monde et on ne serait pas beaucoup plus avancés…

« Hum, sans doute, répond, toujours via ma machine à traduire la pensée profonde, notre parlementaire alsacien, mais il y aurait aussi plus de riches puisque les millions qui ne seraient plus versés au grand gagnant seraient alors répartis entre les gagnants des rangs inférieurs ».

Ah, belle idée ! Le loto deviendrait donc une sorte d’usine à fabriquer des riches par dizaines chaque semaine, faisant en quelque sorte reculer la pauvreté par le haut au lieu de rester cet affreux mécanisme élitiste ne générant que des super riches au compte-gouttes…

Pour autant, le manque d’ambition régulatrice du monsieur est patent et l’on se demande pourquoi le raisonnement n’est pas poussé un poil plus loin : 30 millions, est-ce bien sérieux ? Notre grand gagnant ne pourrait-il pas se payer tout qu’il semble raisonnable à Eric Straumann de souhaiter avec moitié moins, voire avec deux ou trois millions d’euros ? Assurément !

Un gagnant plus méritant que les perdants ? Allons donc !

De toute manière, dès que l’on commence à compter en millions, on entre dans quelque chose de malsain et le simple fait de distinguer entre gagnant du premier rang et la plèbe afflige le républicain authentique.

Car enfin, le gagnant du gros lot a-t-il davantage mérité son gain que le vainqueur du rang inférieur le sien, pour ne rien dire de la masse des perdants ? Allons donc ! Tout ce que ce type a fait, c’est de se pointer dans un bar-tabac, englouti un petit calva et demandé son système Flash à 6 euros. Exactement comme le perdant qui, lui, a peut-être poliment salué la patronne et tenu la porte à une vieille dame…

Non, pour aller au bout de la logique straumannienne, l’idéal serait de permettre à tout un chacun de gagner ne serait-ce qu’une petite somme, les mises étant donc intégralement redistribuées entre tous les joueurs. Bien entendu, la nature humaine étant ce qu’elle est, les parieurs risqueraient de se faire plus rares si la perspective d’un gain égal ou inférieur à sa mise devient la norme. La Française des Jeux se retrouverait alors coincée avec le 200 000 Français véritablement obsédée par les jeux d’argent (1,3% de la population) et qui, parce qu’ils perdent tout le temps et finissent généralement sur le pavé sans chemise, n’y verraient que du feu.

D’où l’idée subséquente de rendre le loto hebdomadaire universellement obligatoire, de faire gagner la même somme à tout le monde et de forcer les gagnants à réinvestir leur gains dans des causes méritoires ― comme le remboursement de la dette de la France ou le comblement du trou de la Sécu. C’est à creuser.

Mais 162 millions, franchement, quelle indécence…

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