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Le social-libéralisme politiquement ultra-dominant a de beaux jours devant lui, malgré la crise qui secoue le monde, et particulièrement dans les rédactions des journaux, peu représentatives de la diversité politique du pays.
Le social-libéralisme politiquement ultra-dominant a de beaux jours devant lui, malgré la crise qui secoue le monde, et particulièrement dans les rédactions des journaux, peu représentatives de la diversité politique du pays.
©Reuters

Un social-libéralisme ultra-dominant

Benjamin Dormann a enquêté plus de deux ans dans l'envers du décor de la presse française. De ce voyage instructif, il rapporte " Ils ont acheté la presse", ouvrage qui dévoile les relations ambiguës qu'entretient la presse avec le pouvoir (Extrait 2/2).

Benjamin Dormann

Benjamin Dormann

Benjamin Dormann a été journaliste dans la presse financière et trésorier d'un parti politique. Depuis 18 ans, il est associé d'un cabinet de consultants indépendants, spécialisé en gestion de risques et en crédit aux entreprises. Il est executive chairman d'une structure active dans 38 pays à travers le monde. Il est l'auteur d’une enquête très documentée : Ils ont acheté la presse, nouvelle édition enrichie sortie le 13 janvier 2015, éditions Jean Picollec.

Le débat continue sur Facebook : ils.ont.achete.la.presse et [email protected].

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Martine Aubry et Ségolène Royal furent candidates aux primaires ; Marine Le Pen, Eva Joly (représentant le parti dirigé par Cécile Duflot), Nathalie Arthaud (pour Lutte ouvrière)… toutes candidates en 2012 ; jamais une élection présidentielle n’aura réuni autant de femmes.

Bien qu’on puisse s’en féliciter, cette diversité des candidatures ne doit pas faire illusion. D’un point de vue idéologique, le choix proposé en 2012 n’a jamais été aussi pauvre : le véritable libéralisme est aujourd’hui inexistant en France, caricaturé ; le communisme est en voie de disparition, ringardisé ; le nationalisme est privé de représentation parlementaire depuis des décennies malgré sa présence au second tour d’une élection présidentielle, médiatiquement honni ; l’écologie oscille entre volonté d’être un modèle politique global et autonome de société ou l’acceptation d’un ralliement politique et financier négocié, devenant une simple force d’appoint thématique d’un Parti socialiste hégémonique ; quant au reste de la gauche alternative, elle demeure engluée dans des querelles de microcourants, malgré la tentative d’unification menée par Jean-Luc Mélenchon, ne partageant plus que leur éternelle attente révolutionnaire du « grand soir »…

Bref, le social-libéralisme politiquement ultra-dominant a de beaux jours devant lui, malgré la crise qui secoue le monde, et particulièrement dans les rédactions des journaux, peu représentatives de la diversité politique du pays. Qu’il se dise de droite ou bien de gauche, ce modèle social libéral repose sur une croyance fondamentale résumée par Dominique Strauss-Kahn, peu de temps encore avant ses ennuis « privés » : « La priorité numéro un aujourd’hui, c’est le retour à la croissance… ce qui n’est pas consommé ralentit d’autant la reprise[1] » et sa définition du meilleur chef de l’état possible, comme pour tant d’autres, se résume ainsi : « ultra-simple : c’est celui qui ramènera la croissance, seule capable de faire baisser le chômage et de ranimer la flamme du pouvoir d’achat[2] ». Une relance de la consommation que chacun de ses leaders politiques est convaincu de savoir encourager mieux que son concurrent politique, le voisin, par le biais d’interventions étatiques supposées « réguler » et « adoucir » une mondialisation parfois cruelle.

La réalité a montré le relatif artifice de ces prétendus distinguos, et révélé les limites de ce monde qui croit fondamentalement que son bien-être dépend avant tout du niveau d’explosion de la consommation de milliards de Chinois, d’Indiens et de Brésiliens. Au final, tous ces « Diafoirus du “retour à la croissance” n’ont pas encore compris que la question n’est pas de leur ressort. La civilisation matérielle étouffe de ses excès, c’est un problème anthropologique.[3] » C’est sur ce point précis qu’une nouvelle réponse politique d’avenir reste à inventer et à proposer.

Pour y parvenir, il est grand temps que la presse d’opposition dépasse son antisarkozysme et arrête de se mettre au service de la communication personnelle de quelques vedettes médiatiques du Parti socialiste. Grand temps qu’elle relate ou organise enfin de vrais débats publics sérieux et contradictoires, sur les différents modèles de société possibles, loin de leurs caricatures respectives. De tels débats redoreraient le blason de cette profession qui le mérite, et permettraient aux citoyens de renouer avec notre culture héritée des Lumières et de la méthode cartésienne : que chacun rassemble des informations, doute puis se fasse sa propre opinion, plutôt que de se laisser matraquer d’images et de slogans imposés par la société du spectacle. Ces débats variés ont commencé sur Internet, tant sur certains sites que dans les forums des internautes, et sont souvent enrichissants, à défaut d’être consensuels. Il est temps d’encourager fiscalement, politiquement et médiatiquement ceux qui leur donnent vie sur la toile et ailleurs, plutôt que de continuer à laisser l’information majoritairement entre les mains de ceux qui, bien qu’ayant aujourd’hui perdu toute légitimité pour préparer l’avenir et refusant de l’admettre, veulent aujourd’hui continuer à façonner nos esprits.

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Extrait de Ils ont acheté la presse - Picollec (17 février 2012)


[1]Le Figaro, « Strauss-Kahn : il faut revoir notre modèle de croissance »,24/11/2009.

[2]Paris Match, « Dominique Strauss-Kahn, en route vers le futur », 16/7/2010.

[3]Le Monde, Jean-Pierre Dupuy, « DSK, une bulle politique », 23/10/2010.

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