Républicains : cet axe Sarkozy-Lemaire qui se met en place discrètement dans la gestion des affaires du parti<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire.
Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire.
©Reuters

Duel en vu

Alors que des nominations communes semblent s'organiser entre Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire pour la direction des Jeunes Républicains, les stratégies politiques sont exposées au grand jour. Avec en toile de fond la course à la présidentielle de 2017.

Carine Bécard

Carine Bécard

Carine Bécard est journaliste politique à France Inter.

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Atlantico : Après la démission de Stéphane Tiki de la direction des Jeunes Républicains (ex-Jeunes Pop) faute de papier, le poste pourrait revenir à un jeune proche de Bruno Le Maire. Selon certaines informations, Nicolas Sarkozy avantagerait le clan Le Maire en leur donnant des postes au sein des instances des Républicains. Qu'en est-il ?

Carine Bécard : Stéphane Tiki était effectivement un proche de Nicolas Sarkozy, il avait largement contribué à sa campagne en novembre dernier. Il s’affichait comme un soutien de l’ancien président de la République. En échange, Nicolas Sarkozy l’a soutenu au moment des affaires judiciaires que l’on sait.
Nicolas Sarkozy peut accepter de choisir un proche de Bruno Le Maire à la direction des Jeunes Républicains, tout dépend de l’importance donnée aux jeunes. En effet, à l’époque de Benjamin Lancar, les Jeunes pop n’avaient pas une existence politique capitale. Stéphane Tiki avait sans doute l’ambition de gérer de manière bien plus politique le groupe.

Choisir un lemairiste à ce poste serait un joli cadeau de Nicolas Sarkozy à Bruno Le Maire car l’influence politique que l’on peut avoir au sein des Jeunes Républicains est non négligeable, il s’agit très souvent des futurs cadres. Un tel poste peut donner une couleur politique aux Jeunes Républicains.
D’ailleurs Bruno Le Maire a beaucoup de jeunes autour de lui. Le fameux slogan « Le renouveau c’est Bruno » en est la preuve. 

Juppéistes et lemairistes s’entendent assez bien. Nommer un lemainiste à la direction des jeunes ne les diviserait pas d’après moi, contrairement à ce que pense peut-être Nicolas Sarkozy. Ce qui est certain c’est qu’à aucun moment le président des Républicains ne pouvait imaginer donner ce poste à un juppéiste. Comprenez, Nicolas Sarkozy installe un match, seul contre Alain Juppé.
En faisant le choix d’un lemairiste, il explique, du moins en façade, que Bruno Le Maire est un politique de qualité. Et cela lui servira éventuellement de monnaie d’échange un jour… Au moment de la polémique autour de la fin des Guignols planait l’idée que Nicolas Sarkozy avait demandé à Vincent Bolloré de supprimer ce programme. Alain Juppé a pris le contre-pied, assez rigolo et inattendu, en affichant sur twitter sa marionnette. Il sous entendait un peu que la main de Nicolas Sarkozy était derrière, du moins, qu’il n’avait pas de dérision. Il faut garder à l’esprit que le premier cercle des juppéistes est farouchement anti sarkozyste. Edouard Philippe, Pierre-Mathieu Duhamel… détestent Nicolas Sarkozy. Et ce dernier n’a pas vraiment envie de faire plaisir à des gens qui nourrissent ce genre de ressentiment à son égard.

Nicolas Sarkozy va chercher à mettre un axe Nicolas Sarkozy - Bruno Le maire. Il en a besoin. Bruno Le Maire traverse une étape où il a besoin d’exister. Il doit organiser des coups politiques qui doivent se transformer en coup médiatiques. C’est exactement ce qu’il a fait avec le RSI ou la réforme du collège par exemple. Il s’est alors retrouvé invité un peu partout dans les médias. Son objectif est donc le suivant : « Je me fais remarquer, je bénéficierai d’une visibilité pour le grand public ». Nicolas Sarkozy s’échine à passer des accords avec certains de ses adversaires. En effet, il veut qu’il n’y ait plus personne que Juppé et lui dans la primaire.

Un tel axe Sarkozy – Le Maire a-t-il été entrevu, même discrètement, lors de la constitution du bureau politique des Républicains ?

Bruno Le Maire commence à grimper. Lui qui était juste-là inexistant monte de plus en plus. Nicolas Sarkozy va faire ce qu’il a toujours fait : il va soigner Bruno Le Maire. Pour l’ancien président de la République, Bruno Le Maire va être un problème, il va lui prendre des voix. Le président des Républicains va donc lui donner des postes, ils vont discuter… La manière qu’a Nicolas Sarkozy de traiter les gens est connue, il fait partie de la vie politique française depuis longtemps, les gens savent comment il agit. C’est donc un jeu classique qui n’est pas surprenant. Bruno Le Maire est étonnant : quand on échange avec lui, il apparaît sûr de lui, intimement persuadé de son destin. Et le coup médiatico-politique qu’il a mené sur la réforme du collège l’a renforcé quant à sa légitimité. Sachant de quelle manière fonctionne Nicolas Sarkozy, il y a fort à parier que Bruno Le Maire va faire monter les enchères. Il va prendre tout ce qu’il peut sans revoir ses ambitions à la baisse.
Bruno Le Maire anticipe tout. Il a le temps de surveiller les forces en train de s’installer. Au moment où l’on pensait le changement de nom du parti, Bruno Le Maire savait très bien que le président du parti allait constituer un bureau politique. Il a alors donné une liste de 30 noms des personnes qu’il aimerait voir dans le bureau. Rien de bien nouveau, cela se passe toujours de cette manière. Bruno Le Maire instaure ainsi un rapport de force avec Nicolas Sarkozy.

Par cette alliance de circonstance, le camp sarkozyste essaie-t-il de contrecarrer les juppéistes, considérés comme des adversaires plus dangereux ?

Nicolas Sarkozy joue ce jeu-là, achever politiquement Bruno le Maire afin de se retrouver en duel avec Alain Juppé. Il faut savoir que Bruno Le Maire bénéficie de troupes assez importantes. D’un point de vue de la ligne politique, Bruno Le Maire est un animal politique difficile à classer. Si l’on écoute ses discours, il peut être très dur. Mais il apparait aussi comme un modéré, flirtant parfois avec la ligne d’Alain Juppé. Quant à Nicolas Sarkozy, il n’est plus le rassembleur de 2005-2007, il ne jouit plus de la même popularité et le sait. Néanmoins son travail est impressionnant : en novembre 2014, on agissait afin que l’UMP ne s’écroule pas. En moins de 8 mois la machine est repartie autour d’un projet commun. Le militant ou le sympathisant des Républicains lui est reconnaissant de ce travail. Et il est fort à parier qu’un jour l’ancien président de la République tirera le bilan de ce travail et insistera sur ce qu’il a fait.

Dans un récent sondage OpinionWay, on voyait qu'aujourd'hui c'est plutôt Bruno Le Maire qui grignote des points à Sarkozy en vue de la primaire et non plus Alain Juppé. Nicolas Sarkozy ne commet-il donc pas ici une faute politique ?

Son objectif est d’aspirer Bruno Le Maire puisque ce dernier lui grignote des voix. Nicolas Sarkozy fait une erreur d’après moi, il ne se rend pas compte de l’hyper détermination de son adversaire Bruno Le Maire. Est-ce un rôle qu’il joue parfaitement bien ? Peut-être, mais le président des Républicains semble déployer une stratégie qui ne fonctionne pas. Bruno Le Maire devient un candidat assez dangereux, c’est le 3e homme. Il passe presque devant François Fillon qui a fait des erreurs difficiles à faire oublier. En effet il a très mal géré bataille avec Jean-François Copé pour la présidence de l’UMP. Pour les militants il a divisé le parti. De plus, François Fillon n’est pas clair sur le FN en recommandant lors des dernières élections municipales, entre le FN et le PS, de voter pour le candidat «le moins sectaire».
Bruno Le Maire essaye de se positionner en parlant de l’actualité. François Fillon fait l’erreur de ne pas suivre le calendrier. Par exemple il développe la question du numérique alors que le sujet n’est pas à l’ordre du jour. Il est donc devenu très compliqué à suivre. De plus, Bruno Le Maire est assez nouveau aux yeux du grand public, c’est un homme neuf. Nicolas Sarkozy se dit qu’il a déjà réussi à faire 30% de voix contre lui à l’époque de la présidence de l’UMP alors qu’il était peu connu. Et Bruno Le Maire monte dans les sondages. Si l’un des adversaires devait se retrouver écarté de la course, pour des affaires judiciaires ou personnelles par exemple, Bruno Le Maire pourrait empocher la défaillance de l’un d’eux. Politique multiforme, il pourrait donc remplacer parfaitement celui qui disparaîtrait de la course.

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