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Remaniement : y a-t-il une guerre en cours à l’Elysée pour sortir Valls de Matignon (comme il y en a eu une pour l’y faire entrer) ?
©Reuters

Qui veut la peau du Premier ministre ?

Pour certains proches du président de la République, Manuel Valls est la source de tous les maux de François Hollande. Après un bras de fer pour le faire entrer à Matignon à la suite du départ de Jean-Marc Ayrault en mars 2014, un conflit similaire pourrait avoir lieu... pour l'inviter à sortir. C'est sans compter sur un vrai problème de casting : personne, dans l'entourage de Hollande, ne semble pouvoir remplacer l'actuel chef du gouvernement.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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"J'ai, à titre personnel, un inconfort philosophique avec la place que ce débat a pris. On ne traite pas le mal en l'expulsant de la communauté nationale, il faut prévenir et punir implacablement". Lorsqu'Emmanuel Macron lance, mardi, ces quelques mots à propos de la déchéance de nationalité, il sait qu'ils vont rapidement retomber sur un petit monde médiatico-politique éberlué. Comment, en plein débat à l'Assemblée, l'un des piliers du gouvernement peut-il s'autoriser une telle liberté de ton ? Comment, alors que le vote sur l'article 2 du projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation s'annonce serré, peut-il ainsi démobiliser les troupes. Et le landernau de s'interroger : le jeune ténor agit-il sur ordre des proches de François Hollande qui le couvent comme des mères poules ? De Hollande lui-même ? Emmanuel Macron a-t-il agit une fois de plus en électron libre ? Peu probable alors que les heures qui viennent s'annoncent à haut risque. Alors quel est le but de la manœuvre ? Déstabiliser le Premier ministre ?

Pour certains, ça ne fait aucun doute, les proches du chef de l'Etat ont sonné l'hallali. Comme Arnaud Montebourg et Benoît Hamon avaient passé un pacte pour porter Valls à Matignon, Manuel Valls serait-il aujourd'hui la victime d'une caballe ? "L'entourage de François Hollande, le carré de valets qui l'entoure n'a jamais aimé Valls car il n'est pas l'un des leurs, explique un ancien conseiller. Ils considèrent que François Hollande est leur propriété exclusive et n'aiment pas ceux qui peuvent s'en approcher. Et ils craignaient dejà, lors de sa nomination, qu'il veuille se présenter en 2017" Une partie de l'entourage du Chef de l'Etat considère, depuis, que le locataire de Matignon est la cause des malheurs de François Hollande. Il aurait, selon eux, forcé la main du chef de l'Etat après les attentats du 13 novembre pour imposer l'idée de la déchéance de nationalité, idée qui est en train de tourner au fiasco, de fracturer la gauche de manière irréversible sans réussir à agréger la droite.

Les proches du Président considèrent aussi que la fin du quinquennat de François Hollande ne peut se résumer à la ligne incarnée par le Premier ministre. Le chef de l'Etat, s'il veut avoir une chance de pouvoir se représenter et d'être élu doit élargir sa base, s'ouvrir à nouveau aux écologistes et aux frondeurs. Impératif d'autant plus important s'il se trouve en face d'Alain Juppé. Le maire de Bordeaux captant l'électorat du centre, François Hollande doit absolument  se réconcilier avec sa gauche. Or Manuel Valls constitue, aujourd'hui, un obstacle au retour de certains de ses représentants.

Remercier Valls ? "C'était une bataille absurde. Pourquoi le PR changerait-il de Premier ministre alors que celui-ci a mené la politique que lui a demandé François Hollande, qu'il n'a commis aucune faute et qu'il est à 10 points devant lui dans les sondages", explique un ancien conseiller. En effet, "virer Valls, c'est lui offrir un boulevard pour la présidentielle, surtout compte tenu des sondages dont bénéficie François Hollande aujourd'hui", complète Jean-Pierre Bedei, éditorialiste à La Dépêche du Midi et auteur d'un ouvrage sur les remaniements (1) pour qui: "se pose, de plus, un problème de casting. Qui nommer à la place de l'actuel Premier ministre ? Bernard Cazeneuve ? Pas assez de surface politique. Promouvoir Emmanuel Macron reviendrait à se mettre une autre partie de la gauche à dos". François Hollande aurait donc résisté à la pression de ses proches. "Le remaniement de 2014, qui acte le départ de Montebourg, Hamon et Filipetti, c'est Valls qui l'impose à Hollande. Cette fois, les choses sont différentes, c'est Hollande qui choisit de nommer Fabius au Conseil Constitutionnel, c'est son remaniement, celui qui doit lui permettre de se représenter", affirme un ancien conseiller. Le Chef de l'Etat est donc resté ferme quitte à imposer une défaite à ses proches qui semblaient, hier, s'être résignés.

Manuel Valls devrait donc rester, comme il l'a lui-même promis, jusqu'à la fin du quinquennat. François Hollande pourrait, afin d'atténuer sa suprématie, continuer à choyer Emmanuel Macron et offrir une belle promotion à l'actuel secrétaire d'État chargé du Commerce extérieur, Matthias Fekl. Un jeune pour neutraliser un autre jeune et un Premier ministre moins jeune mais omniprésent. Un élu de province pour rivaliser avec un non élu et un élu de banlieue. Et surtout un social-démocrate pour contrer deux sociaux libéraux et donner des gages à la gauche du PS. L'idée sur le papier a de quoi plaire.  Restera-t-elle de papier ? Seul François Hollande le savait à l'heure où nous écrivions ces lignes. Peut-être hésitait-il même encore, analysant encore le scrutin d'hier. Le remaniement découlera aussi de la lecture que le chef de l'Etat fera de ce vote. Il devra aussi résoudre un problème de parité, au moins deux femmes devront faire leur entrée si le chef del'Etat veut respecter les équilibres et compenser les départs de Christiane Taubira et celui de Sylvia Pinel.

Le maintien de Manuel Valls à Matignon comporte au moins un avantage aux yeux des hollandais: jusqu'à la fin du quinquennat, ils auront un bouc émissaire bien utile pour endosser la responsabilité des erreurs passées et à venir et décharger François Hollande d'une certaine dose de responsabilité.

(1)    Sur proposition du Premier ministre Editions de l'Archipel 

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