Rejet des comptes 2021 par l’Assemblée nationale : l’arbre qui cache la forêt de l’insincérité budgétaire chronique française ?<!-- --> | Atlantico.fr
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A quel point avons-nous laissé s’installer en France une insincérité budgétaire chronique ?
A quel point avons-nous laissé s’installer en France une insincérité budgétaire chronique ?
©THOMAS COEX / POOL / AFP

Dérapages budgétaires

L'Assemblée nationale a rejeté cette semaine le projet de loi de règlement du budget 2021, une étape de validation des comptes publics. Le gouvernement pourrait redéposer un projet de loi de règlement en Conseil des ministres.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Après le rejet, à six voix près, du projet de loi de règlement du budget 2021, le gouvernement pourrait redéposer un projet de loi de règlement en Conseil des ministres. Que nous apprend ce vote ? Les motivations sont-elles économiques ?

Philippe Crevel : Ce texte est technique, il clôt l’exercice 2021. Les oppositions qui se sont manifestées pendant le quinquennat précédent contre la gestion d’Emmanuel Macron avaient peu de raison de voter pour ce texte. Et la majorité avait peu de moyen de monnayer un vote sur le sujet. C'est avant tout un vote politique. C'est le prolongement de la campagne présidentielle et des législatives. Les oppositions ne pouvaient pas voter ce projet, qui aurait indiqué une forme d’assentiment avec la politique menée. Ils ne se sont donc pas prononcés sur le fond, la sincérité du budget.  

Au-delà de cet exemple, à quel point avons-nous laissé s’installer en France une insincérité budgétaire chronique ?

Philippe Crevel : Nous sortons d’une période atypique et exceptionnelle. La crise sanitaire qui a frappé le monde entier a forcé à prendre des mesures pour assurer le revenu des ménages, la pérennité des entreprises, les dépenses de santé, etc. Il y a donc eu des ajustements au fil de l’eau avec des lois de finance rectificatives. Évidemment la sincérité de ces lois de finances, dans une période où l’on peut faire –9 % de PIB puis +8 % en moins d’un an, est difficile à évaluer et apprécier.  

Il y a en France une incapacité à maîtriser les finances publiques dans leur ensemble. Et parfois, il y a une volonté de minorer ou majorer les dépenses ou les recettes, de masquer certains déficits. Tous les gouvernements à travers l’histoire l’ont fait. Et tous continueront de le faire. Ce qui compte, c’est le solde réel indiqué dans la loi de règlement. Or, malheureusement, depuis 1973, la France n’a jamais eu un excédent budgétaire, même quand il y avait un peu de croissance.  

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Sous le quinquennat Macron, elle l’a été également tout au long du quinquennat. En 2021, pour la première fois en dix ans, le haut conseil des finances publiques a réfusé de rendre son avis consultatif sur le projet de loi de finances pour 2022. Une forme d’insincérité chronique semble s’être déployée ces dernières décennies. 

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Dans quelle mesure le contrôle du Parlement des insincérités budgétaires et plus largement du budget est-il insuffisant ?

Philippe Crevel : Il y a trente ans, il avait été proposé de créer un véritable office budgétaire auprès de l’Assemblée nationale. L'idée avait été lancée par Philippe Séguin et Charles Millon. Cette idée n’a jamais vu le jour. D'une part, car ce n’est pas dans la tradition française que d’avoir un organe budgétaire fort à l’Assemblée. D'autre part, car le gouvernement n’y était pas favorable. Il est certain que c’est un outil qui manque. On avait même pensé à un moment rattacher la Cour des comptes à l’Assemblée, mais puisqu’elle a aussi un rôle judiciaire, cela pose problème. Mais avoir un outil, doté de moyens importants pour faire face à Bercy, afin de pouvoir faire des simulations, des analyses, des recherches, est une idée qui nous manque véritablement par rapport à ce qui peut exister aux Etats-Unis. On donne simplement la présidence de la Commission des finances à un membre de l’opposition, mais ce n’est pas cela qui va améliorer la sincérité des comptes publics. 

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Pourrait-on avoir un vrai contrôle fort des questions de finances sans que cela soit du blocage ?

Philippe Crevel : L'Assemblée comme le Sénat aujourd’hui manquent d’outils, de services, de compétences permettant vraiment de suivre le budget. Celui-ci représente des centaines de milliards d’euros et avec la Sécurité sociale, c’est 59% du PIB. Donc ce n’est pas une dizaine de fonctionnaires à la commission des finances qui peuvent suivre correctement ces questions. 

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