Moralisation des banques : l'Asie accueille à bras ouverts les activités désormais illicites sur les places occidentales<!-- --> | Atlantico.fr
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La concurrence que se livrent les banques européennes et américaines, notamment en matière de régulation financière, profite surtout aux activités bancaires illicites.
La concurrence que se livrent les banques européennes et américaines, notamment en matière de régulation financière, profite surtout aux activités bancaires illicites.
©Reuters

Concurrence déloyale

La concurrence que se livrent les banques européennes et américaines, notamment en matière de régulation financière, profite surtout aux activités bancaires illicites. Ces dernières sont en effet accueillies à bras ouverts par les places boursières asiatiques.

Depuis l’été 2011, les banques ont été atteintes d’une sorte de fièvre nationaliste ou régionaliste. Les banques européennes ont capturé l’attention des marchés financiers, compte tenu de la « contamination » de leurs bilans par les dettes souveraines - devenues une nouvelle forme d’actifs toxiques.

Celles-ci ont souffert d’une réduction drastique des financements à court terme des fonds monétaires américains. Elles ont aussi subi le contrecoup de la publication de stress scénarios qui exigeaient des renforcements importants de fonds propres.

En même temps, les cours des actions des banques se sont effondrés réduisant toute possibilité d’améliorer la solvabilité par l’appel aux actionnaires.
Le marché de la dette subordonnée (qui permet de renforcer les fonds propres des banques) s’est refermé. Ces contraintes laissent la cession d’activités comme seule solution face à une spirale de défaillance sans précédent. Cette cession d’activité devrait - vraisemblablement - se concentrer sur les activités en dollar, puisque ces banques ont de plus en plus de mal à trouver des ressources en dollar pour financer leurs activités.

Outre-Atlantique, les banques ne sont pas en bonne forme non plus... La majorité des banques américaines, qui ont publié leurs résultats en janvier, ont indiqué des baisses substantielles de leurs activités. La majorité d’entre elles a annoncé des réductions d’effectifs pour ajuster leurs bases de coûts à la réalité de l’activité.

En terme de régulation, les banques américaines ne sont pas en reste non plus. Celles-ci devront se plier à de nouvelles règles prudentielles au titre desquelles, elles devraient se défaire des activités de trading pour leur compte propre (soit l'activité de spéculation sur les marchés financiers sans rapport avec les besoins des clients). La règle Volcker (du nom de l’ancien Président de la réserve fédérale américaine, et qui porte cette réforme réglementaire) devrait se traduire par la réduction de sources de revenus importantes qui permettaient aux banques d’investissement de bénéficier de la volatilité des marchés financiers.

La revue stratégique des conséquences de cette règle pourrait justifier la reprise, par les banques américaines, de certaines activités financières détenues par les banques européennes. En effet, les banques américaines, à l’inverse de leurs consœurs européennes, disposent d’un accès illimité à la liquidité de la Fed (réserve fédérale américaine), et par conséquent n'auront aucune difficulté à financer ces activités acquises.

Mais au delà de cette forme de dé-mondialisation rampante des banques, une bataille fait actuellement rage sur la compétition entre régulateurs. Les États-Unis, l’Union Européenne, la Grande-Bretagne et les places de Hong Kong et Singapour se livrent une compétition dans un silence assourdissant. Lorsque les hommes et femmes politiques cherchent à "rétablir" la solvabilité du système bancaire en le moralisant, notamment par la mise en place de limitations de prise de risque et des rémunérations, les places asiatiques ouvrent elles leurs bras aux activités devenues "illicites" dans le monde développé. Force est de reconnaître que lorsque les régulations sont nationales (ou régionales), les capitaux sont mondialement libres. Force est de reconnaître aussi que l’interdiction d’une activité en Europe ne peut être efficace que si elle ne se traduit pas par la délocalisation de l’activité dans un autre pays.

L’expérience des assureurs rehausseurs de crédit devrait être méditée par les régulateurs lorsqu’ils établissent leurs règles. Ils ne doivent pas oublier que l’une des principales raisons de l’envolée des activités de titrisation se trouve dans la dislocation de la régulation des actifs titrisés entre le régulateur des compagnies d’assurance, et celui des banques. Nous pouvons dresser le même constat pour de nombreux mécanismes qui sont traités différemment entre régulateurs nationaux, lorsque la réalité du risque et la nécessité de solvabilité devait être la même.

Il suffit de remarquer la recrudescence des offres d’emploi dans la finance sur les places de Singapour ou Hong Kong pour se rendre compte que le flux des activités bancaires, qui ne souhaitent plus être régulées, est en train de se déplacer vers l’Est.

Cette concurrence acharnée que se livrent les banques européennes et américaines profite donc surtout aux activités de shadow banking (banques de l’ombre), qui réalisent des activités bancaires sans aucun contrôle de la part des autorités prudentielles. Les exemples ne manquent pas, et certains réseaux parallèles semblent avoir pris les devants pour remplacer les activités légales dans le financement de l’économie, mais dans des conditions à la limite de la légalité.

Il semble que la cacophonie des régulateurs est en train de créer une passoire pour les activités risquées, qui seront de plus en plus cachées. Le manque de transparence devrait contribuer à augmenter ces activités. Il risquerait de créer d’autres crises que nous aurons de plus en plus de mal à anticiper et à gérer.

Une analyse historique de la gestion de crises financières précédentes (Suède et Finlande, d’un coté, Japon, de l’autre), montre que les économies (Suède et Finlande) qui reconnaissent les difficultés de leurs systèmes bancaires en les re-solvabilisants (à travers notamment la nationalisation des banques) sortent plus rapidement de la crise que ceux qui cachent les problèmes "sous le tapis", à l’exemple du Japon.

Il est grand temps que le G20 prenne à bras le corps la problématique de la régulation, en l’associant à la politique monétaire afin d’éviter de reporter le problème du surendettement des économies avancées. Ce chantier est urgent. Il doit être mis en place avant que l’enchevêtrement des risques ne devienne totalement incontrôlable.

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