Réforme de l’assurance chômage : nouvelle poussée macronienne de sado-libéralisme ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Une agence de France Travail.
Une agence de France Travail.
©DENIS CHARLET / AFP

Des réformes douloureuses sans guérison ?

Le système français d’indemnisation du chômage est l’un des plus généreux des pays de l’OCDE. Le réformer n’est pas illégitime en soi. À condition que les pouvoirs publics fassent aussi le nécessaire pour créer les emplois permettant une vraie intégration économique et sociale.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

Voir la bio »

Atlantico : Pensez-vous que la réforme de l’assurance chômage est une nouvelle poussée de sado-libéralisme ?

Don Diego De La Vega : Oui, car pour rappel le sado-monétarisme, que j'ai inventé et où j'ai mis le copyright dessus, tout comme le sado-libéralisme, consiste à croire qu'il faut que ça fasse mal pour être efficace. En politique économique, cela se traduit par des hausses de taux et des réformes comptables douloureuses, mais sans guérison. C’est souvent plus de l'affichage médiatique que de véritables réformes avec un impact macroéconomique.

Les réformes Schröder en Allemagne, par exemple, étaient nécessaires et ont fonctionné en assouplissant le marché du travail et en renforçant la compétitivité allemande. Mais en France, les réformes actuelles sont surtout spectaculaires et inefficaces. Le Parlement ne fait qu'enregistrer des décisions sans véritable libéralisme, qui devrait introduire de la flexibilité pour améliorer le bien-être collectif.

Les réformes doivent être accompagnées de mesures monétaires pour que tout le monde en profite. Il faut éviter les anti-réformes qui rigidifient les positions, surtout sur le marché du travail. Sinon, ce sont des pseudo-réformes technocratiques qui causent de la souffrance sans résoudre les problèmes, et non du vrai libéralisme.

Le Parlement ne fait qu'enregistrer, ce qui n'est pas libéral. Le libéralisme vise à introduire de la flexibilité pour favoriser les choix des consommateurs, les libertés et le bien-être collectif, pas à s'en prendre aux pauvres. Une réforme cause des douleurs, remet en question des rentes et redistribue les cartes.

Est-ce légitime de la part de la France de durcir ainsi cette réforme chômage ?

De mon point de vue, non. Pourquoi ? Parce que même si réduire la durée d'indemnisation ou les droits peut sembler logique, cela fait partie d'un ensemble de mesures touchant toujours les mêmes publics. Ce n'est pas une priorité en France et cela va monopoliser l'attention sans résoudre les vrais problèmes.

La priorité devrait être les services publics et la dépense publique, non pas l'organisation du marché du travail qui relève des partenaires sociaux. Actuellement, ce qui nuit à la France, c'est un euro trop cher, la disruption de notre industrie, et la chute du niveau de formation, tel qu'on peut le voir notamment dans les enquêtes du type PISA. On devrait se concentrer sur ces domaines et demander des comptes à la BCE.

Au lieu de cela, on modifie les règles d'indemnisation chômage tous les 18 mois, ciblant un public qui ne vote pas pour Macron. Les vraies réformes sont évitées par peur de ne pas être réélu, comme l'a montré l'exemple de Schröder en Allemagne. Ainsi, les ajustements actuels sont surtout symboliques, visant à montrer qu'on agit sans s'attaquer aux vrais problèmes.

Il n'y a pas de véritable incitation ou contrepartie positive. Une réforme doit inclure des mesures pour doper les revenus des moins favorisés et encourager la reprise du travail. On pourrait, par exemple, proposer un programme de participation et d'intéressement ou un rachat de dette par la Banque de France. Macron semble agir sans offrir de solutions gagnant-gagnant.

Mais j'essaierais de montrer le côté positif de la chose, par exemple, avec un plus grand programme de participation et d'intéressement, ou par exemple, en ayant un programme de rachat de dette par la Banque de France, et trouver les moyens de faire en sorte que ce soit du gagnant-gagnant. 

Comment la France va faire face aux difficultés rencontrées par au moins un chômeur sur dix, selon l’UNEDIC, suite à ce durcissement ?

Comme d'habitude, on dépensera pour calmer les brèches, et les économies faites sur les indemnisations chômage seront dépensées ailleurs plus tard. Cela n'aura aucun effet net sur la dépense publique ou la redistribution.

On ne peut pas ajuster le marché du travail tout en manipulant les prix du gaz ou de l'électricité pour des raisons électorales. Les règles doivent être cohérentes. L'administration française veut les avantages du marché sans accepter les contraintes associées, ce qui relève du technocratisme.

Cette incohérence pénalise les classes moyennes, renforçant leur anxiété et le pouvoir des employeurs, tout en fragilisant les salariés. Cela abaisse le pouvoir de négociation des salariés de base, déjà menacé par l'automatisation et la concurrence internationale. De plus, la réforme ajoute de l'instabilité avec des règles d'indemnisation du chômage qui changent constamment, rendant le système kafkaïen. 

La réduction du temps et des allocations d’indemnisation permettra-t-elle un retour à l’emploi total, ou est-ce une utopie ? 

La France dépense environ 1 100 milliards d'euros par an en dépenses publiques. Des économies de quelques milliards sur les indemnisations de chômage, même si elles étaient vérifiées, ne représentent que des « clous de cerise » par rapport à ces dépenses. Ce n'est pas une utopie. C'est la triste réalité de la France.Avec la rigidité des dépenses, les doublons et les inefficacités, économiser 2-3 milliards ne fera pas une différence significative. De plus, la hausse des taux par la BCE a un impact bien plus grand sur l'économie. Comparer ces petites économies à une centrale nucléaire est absurde.

La Macronie ne respecte pas les ordres de grandeur économiques. Les petites économies annoncées n'ont pas l'ampleur nécessaire pour influencer l'économie nationale. Pendant que les géants comme les GAFA investissent massivement, la France se perd dans des ajustements mineurs et inefficaces.

Le général de Gaulle, avec sa vision stratégique et ses priorités claires, n'aurait pas passé son temps à modifier les règles d'indemnisation chômage. La France d'aujourd'hui manque de cette vision stratégique, se dispersant dans de petites économies sans impact réel.

Quelles actions peuvent mettre en œuvre les pouvoirs publics pour permettre cette intégration économique et sociale ?

Pour l'intégration économique et sociale, j'ai plusieurs idées. Premièrement, il faut cesser de traiter l'école comme un dépotoir, même si cela demande un travail de longue haleine. Ensuite, à court terme, il serait judicieux de s'inspirer des meilleures pratiques, notamment asiatiques, pour harmoniser nos politiques budgétaires et monétaires. Cela inclut faire pression sur la BCE pour obtenir des taux d'intérêt plus bas et un taux de change plus compétitif.

Il est également crucial de se concentrer sur un petit nombre de priorités industrielles. Par exemple, investir dans le nucléaire pour une énergie non-intermittente et non-carbonée, tout en réduisant les obstacles juridiques. 

En ce qui concerne l'administration publique, il faut améliorer la productivité des services publics et rationaliser la carte territoriale. L'État doit d'abord réformer ses propres structures avant de s'occuper du secteur privé.

Pour les populations fragiles, une remise ambitieuse des dettes pourrait les réintégrer dans le circuit économique. J'ai proposé cette idée dans un livre, et c'est conforme aux principes bibliques. 

Enfin, un filet de sécurité ambitieux, comme l'allocation universelle, pourrait être envisagé, mais il doit simplifier le système d'aides et être discuté au Parlement pour éviter des effets désincitatifs. 

Ces propositions s'opposent à l'approche de Macron, qui privilégie des décisions prises en petit comité sans évaluation finale.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !