Récupération : Clément Méric une victime, oui... Un martyr, non<!-- --> | Atlantico.fr
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"En moins de 24 heures, Clément Méric est devenu un symbole, si ce n’est un martyr ."
"En moins de 24 heures, Clément Méric est devenu un symbole, si ce n’est un martyr ."
©Reuters

Tribune

Après l'agression du jeune militant antifasciste Clément Méric – mort jeudi 6 juin après avoir été déclaré en état de mort cérébrale –, plusieurs rassemblements se sont organisés un peu partout en France, jeudi 6 juin, pour lui rendre hommage.

Antoine Bueno

Antoine Bueno

Antoine Bueno est écrivain et chargé de mission au Sénat. Il se produit aussi dans son seul en scène, "Antoine Bueno, l'Espoir".

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A peine le jeune homme était-il tombé que la machine à récupération démarrait en trombe. Avant même qu’il se fut éteint, elle s’était emballée.

En moins de 24 heures, Clément Méric est devenu un symbole, si ce n’est un martyr.

Clément Méric est bien sûr une victime, mais certainement pas un martyr.

Oui, Clément Méric est une victime. Victime d’un acte de violence que rien ne saurait excuser et dont le ou les auteurs devront répondre devant la justice. C’est bien à cela que servent le code pénal et les assises.

Clément Méric est mort comme hélas de trop nombreux autres jeunes meurent en France, sans qu’on n’en entende jamais parler, victimes d’actes de violence.

Alors pourquoi spécifiquement parler de Clément Méric, plus que d’un autre ?

Menons l’enquête.

Peut-être, si l’on en croit Anne Hidalgo, parce qu’« il est mort pour ses idées ».

Ah, bon, d’accord.

Et de quelles idées s’agissait-il ?

Clément Méric pensait qu’il était mal d’être fasciste, xénophobe et raciste.

C’est-à-dire à peu près ce que tout le monde pense depuis 1945.

Clément Méric est donc mort de penser comme tout le monde. Ce qui rend son décès d’autant plus désolant, mais ne justifie pas à soi seul qu’on en fasse une cause nationale.

Si ce n’est donc du côté de la victime qu’il faut chercher, voyons du côté de l’agresseur…

Bingo ! Mais c’est bien sûr ! Clément Méric a été tué par un skin ! C’est ça qui est intolérable !

Quant un voyou plante un gamin pour 10 euros ou un téléphone portable, c’est un drame, mais ça n’est pas intolérable. Ça n’est pas une cause nationale. On peut ne pas en parler, n’en faire ni banderole ni marche commémorative.

Mais quand un skin tue pour des raisons idéologiques, ça c’est intolérable ! Ça c’est une cause nationale !

Parce que c’est le Mal.

Et… J’ai une question… Mais je sais pas si je peux… Allez, je me lance : et si ça avait été le contraire ? Si un skin avait péri de la main d’un militant d’extrême gauche ? Est-ce que ça aurait suscité autant d’indignation ?

Mais oh ! Quel mauvais esprit ! Et quel âne ! Pas d’amalgame !

N’empêche, dans l’hypothèse d’une improbable symétrie, c’est avec malice qu’on peut se demander si Marine se serait autant répandue que Mélanchon l’a fait pour demander la dissolution des activismes du camp adverse…

Trêve de politique fiction, retour au réel, le Mal, c’est la figure patibulaire du Skin. Pas celle, romantique, du militant d’extrême gauche.

Pourquoi ? Parce qu’il nous rappelle de mauvais souvenirs, le skin. Plus précisément « les heures les plus sombres de notre histoire », selon la formule consacrée.

Ah, bon, d’accord.

Mais quel danger représentent aujourd’hui les quelques illuminés qui continuent à se raser le crâne et se faire tatouer des croix gammées sur la gencive ou celtiques derrière les oreilles ?

Euh… Peu importe.

Parce que, ce qui importe, c’est qu’à l’occasion d’un fait divers on puisse raviver le brasier bien froid du XXème siècle, réagiter le spectre décomposé des vieux affrontements idéologiques, rebrandir l’épouvantail usé du fascisme.

On en profite pour simplifier le monde, lui retrouver des pôles, un Bien et un Mal, en l’enduisant au passage de « peste brune », de « plus jamais ça », de « no passaran ». Bref d’anachronisme.

Ou de nostalgie. A la nostalgie du paumé d’extrême droite répond celle de l’anti-fascisme. C’est confortable. C’est connu. Tout le monde s’y retrouve. Nostalgie d’un monde manichéen, donc intelligible.

Bien utile, bien opportun, bien pratique pour, le temps d’une émotion suscitée et entretenue, détourner les regards des véritables fléaux qui gangrènent aujourd’hui la société, et qui ne sont à l’évidence pas les trois malheureux skinheads survivant encore.

Mais quand on fait la chasse au skin, on oublie la crise. Discours écran. Superstructure. Infrastructure. Peut-être Clément Méric lui-même n’aurait-il pas écrit autre chose.

Clément Méric doublement violenté. Violenté physiquement. Violenté moralement pour être instrumentalisé par une bienpensance opportuniste.

Pour en savoir plus, lire Le gauchisme, maladie sénile du communisme de Benoît Rayski sur Atlantico Éditions.

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