Rafales, Ukraine, couple franco-allemand... : quel gain politique pour François Hollande ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande n'aura pas une année facile
François Hollande n'aura pas une année facile
©Reuters

Séquence positive

Si le début d'année ressemble à une spirale vertueuse pour François Hollande, sa cote de popularité traduit davantage une ré-adhésion de son électorat de 2012. Pour autant, celui-ci ne tardera pas à être rattrapé par les préoccupations et les attentes des Français.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Après la séquence Charlie Hebdo, comment ces événements sont-ils perçus par l'électorat de gauche ? Contribuent-ils à les réconcilier avec François Hollande ?

Jean Petaux : Incontestablement les événements survenus depuis le début de l’année 2015 ont amené une remontée sensible de la popularité de François Hollande au sein de son électorat traditionnel. D’une certaine façon une partie de celles et ceux qui ont voté pour lui en 2012 ont sans doute eu le sentiment, à partir de janvier 2015 d’être quelque peu réhabilités dans leur choix. L’adhésion politique procède de nombreux critères complexes, parfois même contradictoires entre eux. Mais il en est un  qui constitue presque un invariant : l’estime portée à telle ou telle personnalité politique ne doit pas être contradictoire avec l’estime de soi. En d’autres termes il est pratiquement impossible de soutenir un acteur politique très majoritairement considéré comme inestimable dans l’opinion publique. Persister à apprécier positivement un leader politique minoritairement apprécié revient à ne pas s’aimer soi-même. C’est ce processus qui explique sans doute la désaffection profonde et massive qui peut frapper une femme ou un homme public. Cela porte un nom : la honte. C’est ainsi que les soutiens très nombreux de Dominique Strauss-Kahn jusqu’à un certain matin new-yorkais, le 14 mai 2011 ont eu absolument honte d’avoir pu faire confiance à un tel personnage. La question ne se pose plus aujourd’hui mais on imagine ce qu’ont pu rappeler là encore, comme souvenir honteux d’avoir apprécié DSK, les trois jours d’audition de ce dernier au tribunal correctionnel de Lille, jusqu’à hier.

Toute chose égale par ailleurs, une partie majoritaire des électeurs de François Hollande qui l’ont choisi en mai 2012, ont sans doute ressenti une forme de honte à le soutenir en 2013 ou 2014. Le comportement du président de la République depuis le 7 janvier 2015, le soutien massif qu’il a soudainement suscité dans les circonstances tragiques vécues par le pays… tous ces éléments ont permis à nombre d’électeurs "hollandistes" de renouer avec une certaine fierté de l’avoir choisi en 2012. Ils ont retrouvé leur propre estime en lui apportant, eux électeurs de gauche, leur propre soutien.

Dire, pour autant, que le phénomène est durable et qu’il va sédimenter un attachement indéfectible serait non seulement audacieux mais bien plus sûrement stupide. De nos jours, dans une société très majoritairement compassionnelle ou ce qui domine est la "liquidité" (pour reprendre une terminologie chère à Zigmunt Bauman) rien n’est figé et durable. Autrement dit ce qui peut passer aujourd’hui pour un retour en grâce de François Hollande dans l’opinion de gauche peut très bien, et à nouveau, fondre comme neige au soleil demain.

Un électorat de gauche qui se sent de nouveau fier de celui qu'il a porté à l'Elysée, qu'est-ce que ça peut changer pour François Hollande ?

Forcément que cela change beaucoup. Sans vouloir "psychologiser" à l’excès les comportements politiques on peut aisément concevoir qu’il existe des spirales positives et des dynamiques négatives (des sortes de "vrilles aériennes" par exemple). Les observateurs connaissent bien cela quand ils suivent les campagnes électorales. Il arrive que lorsqu’un candidat a le "vent en poupe", lorsqu’il est sur une pente ascendante, tout lui sourit, il est littéralement sur un "nuage". Les différents cercles concentriques qui l’entourent "l’adoubent" de plus en plus. Le candidat ainsi porté et supporté se sent littéralement invincible. Dans le regard des autres, compagnons de combat politique bien sûr, mais aussi journalistes "neutres", voire indifférents et, plus fort encore, adversaires (eh oui jusque-là) le candidat acquiert la conviction qu’il est le plus fort, qu’il va gagner, qu’il est au bord de l’élection. Voilà ce que l’on appelle une "campagne triomphale", une "victoire irrésistible". A l’inverse, quand rien de tout cela n’est au rendez-vous, quand l’ennui, l’inquiétude, le désaveu, se lisent dans les regards alentours, alors s’amorce la très fameuse "machine à perdre" qui veut que rien ne fonctionne comme cela aurait du voire aurait pu fonctionner si la confiance avait été au rendez-vous et si la fierté des supporters accompagnait la fierté du candidat.

On comprend alors que pour François Hollande si le présent "temps de jeu" (comme on dit au rugby) se poursuit dans une telle positivité, l’accumulation de confiance en soi que peut emmagasiner François Hollande est considérable. Pour deux raisons : d’une part parce que, même dans les moments les plus difficiles, François Hollande a montré qu’il dispose d’un stock de confiance en lui-même absolument phénoménal. Cet homme a montré qu’il a une capacité de résilience hors du commun. Il croit en lui tout simplement. Si, de surcroit, seconde raison, une partie de l’électorat se remet aussi à y croire, alors l’effet positif ainsi produit sur ses choix, sur ses audaces éventuelles, sur sa capacité à jouer tel ou tel coup (comme on parle d’un joueur de poker ou d’un champion d’échecs) se trouve démultiplié.

Si les sondages montrent une remontée dans l'opinion depuis les attentats du mois de janvier, ils restent 67% à considérer que François Hollande est un mauvais président. Comment les récents événements ont-ils agi sur les Français qui ne font pas partie de son électorat ? 

Il faut bien distinguer entre un électorat (majoritaire parmi celles et ceux qui ont voté en 2012, n’en déplaise aux électeurs de droite qui prétendent le contraire… et qui n’ont jamais accepté la défaite électorale de leur champion Sarkozy) qui a voté Hollande et l’autre partie des Françaises et des Français qui ne l’ont pas soutenu en mai 2012. On vient de le voir, parmi son électorat présidentiel une partie semble avoir apprécié son comportement depuis six semaines environ. Mais ses adversaires, celles et ceux qui le détestaient en 2002, en 2005, en 2007 et qui l’ont rejeté en 2012, n’ont pas changé d’un iota à son endroit. François Hollande n’a fait que reconstituer (encore qu’il ne l’a fait que partiellement) son capital de soutien. La meilleure preuve c’est que les deux-tiers des échantillons consultés continuent à le vouer aux gémonies. Je rappelle qu’en sept années de présence à l’Elysée, Valéry Giscard d’Estaing n’a été qu’un seul mois minoritaire dans "la cote d’amour" des Français. Ce qui d’ailleurs n’a pas empêché qu’il soit nettement chassé de l’Elysée le 10 mai 1981. Donc, on le mesure, cette histoire de "cote de popularité" n’a pas une relation causale et mécanique avec une réélection future.

Pour autant on constate qu’en fonction des sympathies électorales (les choix de votes lors des élections antérieures) une certaine évolution se fait sentir. Les électeurs de gauche, on l’a dit déjà, semblent avoir retrouvé dans le "François Hollande-modèle 2015" l’homme qu’ils ont aimé et qu’ils ont choisi en mai 2012. Mais certains électeurs de droite ont aussi apprécié l’attitude et le comportement du chef de l’Etat lors des événements de janvier 2015 mais aussi dans la séquence "Ukraine" ou bien dans son "omni-présidence" qui l’amène à donner le sentiment qu’il vend 24 "Rafale" aux Egyptiens, qu’il gagne le championnat du monde de Handball, qu’il candidate aux JO de 2024 et qu’il ne cède pas par rapport aux exigences de Tsipras. Cet électorat n’est pas devenu "hollandiste", il ne s’est encore moins converti à la politique conduite par le trio Hollande-Valls-Macron. Mais (et cela est radicalement nouveau) une partie de cet électorat de droite considère, depuis le 7 janvier 2015, que la France a tenu son rang dans la tragédie. Qu’elle est reconnue dans le monde et que sa voix n’est pas celle d’une nation sur le déclin, inaudible et moquée par le reste du monde. Pas étonnant donc à ce que le "porte-voix" de la France, de cette France-là, d’une France au blason redorée, que celui donc qui incarne cette "nouvelle France" tire les bénéfices de ce changement d’image. 

Tout cela est, bien évidemment, fondé sur des symboles, largement construit et principalement impalpable en somme. Mais c’est cela la politique… N’en déplaise aux idéalistes et aux puristes…

Si François Hollande semble pouvoir bien s'en sortir à court, voire moyen terme, pourrait-il être rattrapé à plus long terme par une gestion finalement légère sur le fond des attentats du mois de janvier ? 

C’est, bien sûr, la grande inconnue des mois à venir. J’ai précédemment indiqué combien la "fluidité" des sociétés contemporaines autorise et entraine des inversions de tendance soudaines et brutales. Je ne crois pas en revanche que la gestion des attentats de la part de François Hollande ait été légère sur le fond. C’est une question d’appréciation personnelle et celles et ceux qui sont à priori hostiles au président de la République pourront tout à fait considérer qu’il n’a pas été la hauteur pour traiter, profondément les causes de ces attentats. Ce serait leur droit le plus strict. Même si l’on peut juste considérer qu’il est un peu trop tôt sans doute pour en juger. Mais l’essentiel me semble être ailleurs. Pas du tout dans la problématique de l’anti-terrorisme. Il est, encore et encore, dans la situation économique, dans l’absence de perspectives sur le front de l’emploi, dans la lancinante stagnation, autant de phénomènes qui plombent littéralement le mandat de François Hollande. Au point qu’il l’a clairement rappelé lors de sa conférence de presse, il y a moins d’une semaine. "Si je n’ai pas réussi (a-t-il dit en substance) à réduire significativement le chômage au bout de cinq ans c’est que j’aurais échoué"… Voilà la principale hypothèque qui pèse sur François Hollande : la variable économique et sociale. Mais elle n’est pas la seule. Loin de là. L’autre menace est celle de la montée constante, jamais démentie, d’un électorat frontiste et populiste qui est en train d’emporter sur son passage une partie de la droite républicaine et démocrate, celle que constitue l’UMP. Et pour endiguer ce début de tsunami électoral il est vain de penser que l’amélioration économique y suffira et y parviendra. "En vain les champs se couvrent de moisson. Un peuple ne manque de rien, il paie l’impôt et soudain il verse dans le délire qu’une blessure secrète n’a pas su guérir. Les maux terrestres causent les révoltes, les souffrances morales les révolutions" écrit le grand Chateaubriand en 1827, trois ans avant les "3 Glorieuses" de juillet 1830… Il conviendrait de ne pas oublier cet oracle pour le moins troublant de justesse et de précision.

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