Qui peut encore sauver Sciences Po ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
La sécurité se tient devant l'entrée de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) après que les étudiants ont commencé à se rassembler pour un rassemblement pro-palestinien et Gaza qui s'est dispersé, à Paris le 7 mai 2024.
La sécurité se tient devant l'entrée de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) après que les étudiants ont commencé à se rassembler pour un rassemblement pro-palestinien et Gaza qui s'est dispersé, à Paris le 7 mai 2024.
©Dimitar DILKOFF / AFP

Chasse aux sorcières

Le politologue Pascal Perrineau est, a-t-il ainsi affirmé, victime d'une "chasse aux sorcières" à Sciences Po.

Alain d'Iribarne

Alain d'Iribarne

Alain d'Iribarne est ancien directeur du département scientifique des SHS du CNRS et ancien administrateur de la FMSH. 

Voir la bio »

Atlantico : Le politologue Pascal Perrineau est, a-t-il ainsi affirmé, victime d'une "chasse aux sorcières" à Sciences Po. Son statut de professeur émérite au sein de l'institution pourrait ne pas être renouvelé. Une  volonté de "changer d'air" de la part de l'institution, décrivent certains titres de presse. Dans quelle mesure celle-ci est-elle aujourd'hui emblématique du piratage de Sciences Po par certains courants intellectuels ? Lesquels, exactement ?

Alain d'Iribarne : Pour répondre correctement à cette question il faudrait avoir d'un point de vue formel une connaissance précise de l'état du dossier dans le cadre du fonctionnement normal des procédures. Il est probable que cette information viendrait d'une dernière réunion du Conseil scientifique dont le procès-verbal n'a été ni publié ni validé (le dernier est du 30 janvier 2024) et il faudrait voir si c'est en formation restreinte ou en plénière.  

En suite du point de vue institutionnel, sauf erreur de notre part, le Conseil scientifique est un des nombreux conseils de l'IEP ( il y a par exemple le Conseil de la vie étudiante). Composé de 38 membres (17 élus et 21 de droit), il comporte en son sein un "Comité de déontologie" de la recherche qui rapporte devant lui, de-même que "l’École de la recherche" qui avec son "Doyen" à la charge entre autre de la gestion des doctorats à partir du M2, et des doctorants. Ce comité, placé au coté de la Direction de l'IEP et du Conseil d'administration de la FNSP, est bien un comité de conseil qui donne un avis au Directeur de l'IEP par ailleurs, comme on l'a vu précédemment (qui sauvera Sciences Po d'une nouvelle présidence trop politique?), est Administrateur de la FNSP.

Or, quand on regarde qui sont les membres de Droit du Conseil on voit que le Directeur de l'IEP ( actuellement sauf erreur de notre part, Jean Bassery) en est membre de-même que le Directeur de la formation et la recherche et son adjointe. Tout ça pour dire qu'entre l'information actuelle qui n'est qu'une proposition et le résultat final , il y a tout le temps de voir. De plus, il faudrait voir le vote sur ce qui a probablement été une résolution: pour; contre, abstention.. A bulletin secret ou à main levé... Il y a là un élément capital dans un fonctionnement démocratique et cela d'autant plus que tout part sur les réseaux sociaux pour clouer au pilori les " mal pensants" et les livrer à opprobre des foules. 

Mais là n'est pas l'essentiel. L'essentiel est qu'on est là confronté à un nouvel avatar des rapports entre le scientifique et l'idéologique ( qui bien évidemment débouchent sur le politique). Une question aussi vieille que le monde universitaire et qui resurgit au cours des temps en fonction des questions du moment avec par exemple la grande époque de la guerre d'Algérie, du marxisme maoïste ou non, la guerre au Vietnam et, depuis le début des années 2000, la place de l'Islam dans nos sociétés occidentales dans tous les domaines: la science, la culture, la démocratie... et les rapports sociaux.  Dans tous ces moments, les mouvements de contestations ont imprégné la vie universitaire avec une intolérance de bon aloi et des mouvements plus ou moins violents dons le moteur est en règle générale une Gauche qui se veut  plus ou moins "révolutionnaire", avec des "intellectuels" qui se veulent avant garde éclairée du peuple et surtout, garants des valeurs morales avec lesquelles il est inconcevable de transiger.

Ce qui est évoqué pour Pascal Perrineau n 'est donc qu'une version soft de ces grands mouvements intolérance idéologique qu'on a l'habitude de voir dans le monde universitaire et en particulier dans ces hauts lieux des sciences et de la culture que sont les ENS, en particulier celle de la rue d'Ulm.Ce qui a surpris, c'est qu'a ce jour l'IEP Paris avait échappé à ces mouvements, ce qui était logique compte tenu de ce qui était sa spécificité jusqu’à ces dernières années.

On a donc ici, sous couvert de la Palestine, une nouvelle poussée en faveur d'un entrisme d'un islam arabo-musulman dans la société européenne, entre autre en France porté par le mouvement qualifié "d'islamo-gauchiste" . Et pour ceux qui n'ont pas de mémoire, il est bon de ce souvenir de ce pauvre Sylvain Gouguenhaim alors professeur à l'ENS de Lyon qui en janvier 2008, avait eu l'outrecuidance de publier aux Editions du Seuil : Aristote au Mont Saint-Michel. Les racines grecques de l'Europe chrétienne" dans le quel il montrait que dès le XIIe siècle, les moines de l’abbaye traduisaient des manuscrits de philosophes grecques, dont Aristote, et plus grave encore il montrait que les grands auteurs emblématiques comme Avicenne ou Averroes, s'étaient bien gardés de traduire et transmettre le pensée des auteurs grecques ayant un rapport à la démocratie. A la suite d'une cabale bien menée sur les réseaux sociaux, il fut convoqué par le Conseil scientifique de l’École qui vota un blame contre lui et, si j'ai bonne mémoire, l’empêcha d'y poursuivre ses enseignements.             

La FNSP, qui a notamment la responsabilité des grandes orientations stratégiques de Sciences Po, répond théoriquement à des objectifs déterminés par l'Etat. Comment expliquer la difficulté de celui-ci a appliquer le nécessaire contrôle sur l'institution ?

Non, comme on l'a vu précédemment, les grandes orientations scientifiques ne dépendent pas étroitement des objectifs déterminés par l'Etat. Ils rentre comme on l'a vu, dans un système complexe de régulation, négocié avec les pouvoirs politiques ( j'insiste sur le pluriel)

Ce qui est nouveau, c'est la déliquescence actuelle du pouvoir institutionnel de l'IEP/FNSP et les conséquences des stratégies suivies par les directions d l’École toutes ces dernières années qui ont conduits à rapprocher l'IEP Paris du modèle universitaire. 

Est-il encore possible dans le cas de figure actuel, de sauver Sciences Po de l'infiltration dont elle semble faire l'objet ? Comment procéder et avec qui, selon vous ?

Si on veut bien suivre ce qui précède, la question "de sauver Sciences Po", n'est pas une question de sauvetage, pas plus que les Universités ou les ENS. C'est tout simplement la question déjà vue, de re faire fonctionner convenablement le système de gouvernance de l'Institution avec bien évidemment la désignation du nouveau directeur de l'IEP/ Administrateur de la FNSP. En principe chaque candidat se présente avec une personnalité propre et des orientations et c'est avec ce choix qu'en verra ce que pourra donner la suite.    

Quel est le danger auquel Sciences Po est aujourd'hui exposée, exactement ? Comment cela peut-il déteindre sur le reste de notre société ?

Le danger qui guette Sciences Po est celui qui guette toutes les institutions dans le temps - autant civiles que religieuses, publiques ou privées, à finalités profitables ou non, et bien évidemment éducatives"-,  qui en fonction de qui les dirigent sont capable de continuellement se réformer pour remplir leurs missions et attirer des talents De ce point de vue, il n'y a aucun mystère. 

La seule chose qui peut inquiéter compte tenu de la place de l'IEP Paris dans la production des "Ressources Humaines", c'est de voir arriver sur le marché du travail de nos cadres dirigeants, des gens intelligents qui seraient abêtis par l'idéologie. Mais la aussi, la société Française, si on en croit son histoire, a l'habitude et sait assez bien produire des anticorps.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !