Quelle influence pour la France en Europe après 3 mois et demi de guerre en Ukraine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Après des déplacements en Roumanie et en Moldavie, Emmanuel Macron se rend à Kiev ce jeudi avec Olaf Scholz et Mario Draghi.
Après des déplacements en Roumanie et en Moldavie, Emmanuel Macron se rend à Kiev ce jeudi avec Olaf Scholz et Mario Draghi.
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Diplomatie européenne

Après la Roumanie, Emmanuel Macron a poursuivi sa tournée en Europe de l'Est avec un déplacement en Moldavie mercredi. Le président français se rend ce jeudi à Kiev, en Ukraine, avec le chancelier allemand Olaf Scholz et le chef du gouvernement italien Mario Draghi.

Jérôme Quéré

Jérôme Quéré

Jérôme Quéré est Délégué général du think tank Confrontations Europe. 

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Atlantico : Après la Roumanie, Emmanuel Macron poursuit sa tournée en Europe de l'est en Moldavie qu’espère-t-il de ce déplacement ?

Jérôme Quéré : Il est toujours important d’aller voir les chefs d’Etats européens, aux sommets, mais aussi en bilatéral. On se repose souvent sur le couple franco-allemand mais ce n’est pas suffisant. Il est nécessaire d’aller voir ses autres partenaires. Surtout que nous n’avons pas les mêmes histoires ou cultures que les pays de l’Est de l’Union européenne. Les pays de l’Est n’ont ainsi pas la même vision de la Russie et de l’Ukraine. Pour cela il est intéressant d’aller à leur rencontre et de savoir ce que pense leur opinion publique. La Roumanie a accueilli chaleureusement Emmanuel Macron, pour eux, cette visite, par temps d’élection, est un symbole fort. Beaucoup de Roumains craignent l’agresseur russe en raison de leur histoire, malgré leur appartenance à l’UE et à l’OTAN. Ils veulent une réaction forte et unanime face à la Russie. Pour rappel, ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron se déplace à l’Est, il l’avait fait à l’époque de la directive sur les travailleurs détachés.

Est-ce un moyen de raviver une influence française qui a pu perdre en éclat ces dernières semaines ?

La France est dans une situation paradoxale. Elle a pesé, notamment avec la présidence française, sur le dossier Ukrainien. Elle a marqué beaucoup de points positifs. Elle a sans doute beaucoup contribué à faire progresser certains pays, notamment, l’Allemagne. Mais il est vrai que ces dernières semaines, des déclarations sur l’Ukraine et la Russie ont pu décevoir beaucoup, y compris dans les opinions publiques. Cela donne une situation en demi-teinte. A l’Est, le président de la République est perçu comme parfois trop conciliant avec Poutine. Au début de la situation, la diplomatie devait évidemment être privilégiée. Vladimir Poutine a depuis montré qu’il ne voulait pas entendre les Européens et nous ridiculisait. La télévision russe fait de même. Cela devrait nous inciter à muscler nos actes et nos paroles, et les tentatives louables au début peuvent apparaître critiquables, surtout à l’Est de l’UE. La Pologne, la Roumanie, sont ainsi très critiques. Les relations de la Russie avec l’Allemagne ou la France ne sont pas les mêmes que celles des autres pays de l’ex-URSS. Ils arrivent malgré tout à trouver des accords pour des sanctions communes et ce n’est pas rien. Nous en sommes au 6eme paquet de sanctions et c’est louable. La France, si elle veut de l'influence, doit prendre en compte les autres pays.

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Une conjonction d'événements (la présidence française, le conflit ukrainien et l’affaiblissement de l’Allemagne) semblait offrir un rôle de leader à la France. Est-ce qu’elle a loupé le coche ?

Je dirais qu’elle aurait pu mieux faire. Elle a réussi à faire faire des progrès rapides sur certains sujets. On aurait pu mieux faire, éviter certains discours blessants. Quand Macron dit que l’adhésion de l’Ukraine à l'UE prendra « des décennies » c’est factuellement vrai mais c’est diplomatiquement malavisé de le dire publiquement. Nous, au Mouvement européen, sommes favorables à ce que l’Ukraine candidate officiellement, mais le processus d’intégration prend du temps, pour une mise en conformité avec les règles européennes. Déclarer cela alors que les Ukrainiens meurent pour défendre les valeurs de la démocratie, c’est loin d’être opportun. De même qualifier le pouvoir politique polonais d’extrême-droite, à l’heure où la Pologne accueille de nombreux réfugiés Ukrainiens, c’est un vrai problème de timing. Et cela n’aide pas à l’influence française. D’autant que ces déclarations, si elles s’adressent aux Français n’ont que peu d’utilité, et sont dommageables au niveau européen.

Où en est l’influence française actuellement en Europe ?

Ce qui est sûr c’est que cette influence a grandi avec l’arrivée d’Emmanuel Macron. Le positionnement pro-européen d’Emmanuel Macron a fait bouger les choses, en France et à l’étranger. Les députés européens français sont plus impliqués qu’auparavant. Ils président des commissions, portent des rapports, le commissaire européen Thierry Breton est influent et compétent. Pour autant, nous ne sommes pas le pays le plus influent dans l’Union européenne car d’autres pays mènent cette stratégie depuis de nombreuses années. Il y a eu des avancées européennes poussées par la France : l’endettement en commun pendant le Covid, la flexibilité accrue sur la règle du déficit. Les dernières semaines viennent ternir le tableau. Quand Macron demande à l’Ukraine de faire des concessions pour résoudre le conflit, on a le sentiment que le président demande qu’elle s’assoit sur une partie de son territoire, c’est absolument inacceptable. Peut-être que ça règlerait le problème, mais c’est inimaginable pour un peuple. Jamais la France n’aurait accepté cela face à l’Allemagne. D’autant que ça donne l’idée que la France sait mieux que les autres ce qui est mieux pour l’Ukraine. Il faut espérer que le déplacement d’Emmanuel Macron l’aide à mieux comprendre ses partenaires.

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Qu’est-ce qui pourrait redorer l’influence française ? Aller à Kiev serait-il un premier pas ?

Ce serait évidemment un symbole fort que d’aller à Kiev, comme l’ont fait d’autres officiels européens et chefs d’Etat européens. Pour l’opinion publique ukrainienne, cela remonte le moral, c’est un symbole de soutien et de reconnaissance qui est vital pour eux et qui ne nous coûte pas grand-chose. Au-delà de ça, il faudrait que le président arrête de proposer des choses sans concertation. Le projet de communauté politique européenne n’avait pas été concerté, de nombreux partenaires l’ont découvert lors de l’allocution. Ce genre de fonctionnement n’est pas tenable et renvoie une image d’arrogance. C’est en écoutant nos partenaires que l’on pourra mieux imposer nos idées.

Ndlr : Cet entretien a été réalisé dans la journée du mercredi 15 juin avant le déplacement d'Emmanuel Macron, de Mario Draghi et d'Olaf Scholz à Kiev en cette journée du jeudi 16 juin. 

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